Macrophage et obésité : une enquête digne des plus grands polars

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Israël

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Israël | Biologie : médecine, santé, pharmacie, biotechnologie
24 janvier 2018

Le professeur Jung et son équipe à l’Institut Weizman ont montré le lien qui existe entre les macrophages et l’obésité. Ces découvertes mettent en lumière cette cause de mortalité, qui tue trois fois plus que la famine dans le monde.

Parfois, les découvertes scientifiques sont le fruit de la sérendipité. N’est-ce pas par une mauvaise manipulation que l’on découvrit les propriétés les plus intéressantes du caoutchouc ou que l’on mit au point le premier four à micro-ondes ? Le professeur Steffen Jung et son équipe de l’Institut Weizmann ont eux aussi su exploiter les bénéfices du hasard [1].

Le professeur Jung étudie les macrophages depuis maintenant plus de dix ans. Ces cellules appartiennent à la catégorie des globules blancs et ont pour fonction l’ingestion et la suppression des débris cellulaires et des particules étrangères dans l’organisme. Dans leurs recherches actuelles, Jung et son équipe s’intéressent au syndrome de Rett (provoquant des troubles du langage, de la coordination, et des mouvements répétitifs, qui est souvent associé à des problèmes de développement de la boite crânienne et l’apparition de scolioses), une maladie neurologique rare causée par une mutation du gène MECP2. Forts de leur expertise sur les macrophages, les scientifiques se sont intéressés à la question d’une possible influence de la mutation du gène MECP2 des macrophages sur le syndrome de Rett.

Si aucun résultat n’a pu être observé par rapport au syndrome de Rett, les souris ont en revanche développé une obésité spontanée. Ce résultat étonnant a conduit les scientifiques à faire évoluer leur questionnement : quelle pouvait être la raison de la prise de poids spontanée des souris ? Deux groupes de souris ont alors été testées et comparées à des souris saines (groupe témoin). Les deux premiers groupes présentaient la mutation du gène MECP2 soit dès la naissance, soit à l’âge adulte ; ils ont été alimentés de la même façon que le groupe témoin. Dans les deux cas, les souris porteuses du gène MECP2 actif ont développé une prise de poids plus importante que les souris du groupe témoin, réfutant par la même la théorie des chercheurs sur une influence de ce gène sur le développement des souris. Cependant, une autre observation qui aurait pu paraître anodine a été mise en lumière : les souris présentant cette mutation ont une température corporelle inférieure à celle du groupe témoin.

C’est alors une enquête digne des plus grands polars qui a permis de remonter à ce phénomène étrange. Observant les tissus adipeux responsables du maintien de la température intérieure de la souris, les scientifiques ont identifié une faible quantité de protéine appelée UCP1. Alors que la connexion entre l’obésité et UCP1 semble maigre, les chercheurs ont découvert que cette protéine est elle-même produite grâce à une hormone appelée norépinephrine, qui est répartie dans les tissus par les axones neuronaux. Or, il s’est avéré que les axones étaient moins présents dans les tissus adipeux des souris porteuses de la mutation du gène MECP2. Pourquoi ? Au fil des collaborations, notamment avec le Prof. Avraham Yaron du département de sciences biomoléculaires, l’équipe de recherche a pu montrer que les macrophages déficients en MECP2 exprimaient en grande quantité une protéine (Plexin A4) ayant pour rôle la détermination de la direction de croissance des axones. Ainsi, lorsque cette dernière protéine est surexprimée, les neurones arrêtent leur croissance et créent ainsi, par la réaction en chaîne évoquée ci-dessus, l’obésité chez la souris.

Dans un article publié dans Lancet [2] en 2012, il est exposé que le surpoids, avec près de trois millions de morts par an, tue trois fois plus [3] que la malnutrition. En France, cinq milliards d’euros sont dépensés chaque année par l’assurance maladie pour traiter le diabète et le cholestérol, qui sont des maladies liées à l’obésité, soit un huitième de notre budget militaire, et quasiment deux fois le budget du CNRS [4]. Il est donc important d’étudier les raisons physiques et mentales qui conduisent à cette situation problématique, qui pourrait encore s’aggraver à l’avenir.

Sources :
[1] http://www.readcube.com/articles/10.1038/ni.3746
[2] http://www.thelancet.com/journals/lancet/article/PIIS0140-6736%2812%2961719-X/abstract
[3] http://www.huffingtonpost.fr/2012/12/17/obesite-tue-trois-fois-plus-malnutrition_n_2315445.html
[4] http://www.francetvinfo.fr/sante/alimentation/sante-le-cout-de-l-obesite-en-france_1827833.html

Rédacteur : Samuel Cousin, post-doctorant à l’Institut Weizmann