L’azote, un nouveau moyen de détecter le cancer et d’adapter le bon traitement

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Israël | Biologie : médecine, santé, pharmacie, biotechnologie
21 décembre 2018

L’azote (ou nitrogène) est un élément naturel important pour le corps humain : de notre ADN à nos protéines, on le retrouve partout. Cela en fait un élément particulièrement ciblé par les cellules cancéreuses. Des chercheurs de l’Institut Weizmann et de l’Institut national du cancer en Israël ont montré que, pour une multitude de cancers, le métabolisme de l’azote est altéré, ce qui produit des mutations dans les cellules cancéreuses.

L’azote est un élément chimique naturel et essentiel dans la composition de la majorité de nos protéines. Sans azote, nous ne pourrions pas respirer et nous n’existerions pas. Dans notre organisme, la gestion de l’azote, appelée cycle de l’urée, est un processus très régulé car, lorsque nos cellules utilisent cette molécule, un déchet est produit : l’urée. Or, ce déchet est très toxique. L’urée produite est ensuite envoyée dans le sang, afin d’être évacuée par nos urines.

Dans ses recherches précédentes, le Dr. Ayelet Erez, du département des régulations biologique de l’Institut Weizmann, a montré qu’une des enzymes du cycle de l’urée était inactivée pour de nombreuses tumeurs cancéreuses, augmentant ainsi la disponibilité de l’azote pour la synthèse d’une substance organique appelée pyrimidine. Cette substance composée de deux atomes d’azote est indispensable à la production de certains de nos acides nucléiques qui forment notre ADN. Il est également prouvé que ces pyrimidines sont des marqueurs de la prolifération des cellules cancéreuses. En effet, les cellules cancéreuses ont une activité plus importante que les cellules normales et mettent donc à profit la présence du moindre atome d’azote, surtout si ce dernier permet de produire des protéines.

Dans une nouvelle étude, l’équipe du Prof. Eytan Ruppin de l’Institut national du cancer, en collaboration avec l’équipe du Dr. Ayelet Erez, ont identifié de nombreuses autres altérations impliquant d’autre enzymes essentielles dans le fonctionnement du cycle de l’urée. Cette dérégulation induit une diminution de production d’urée et augmente la disponibilité de l’azote, donc la production de la pyrimidine et, in fine, la progression du cancer.

La concentration de l’urée pouvant être mesurée dans le sang, les chercheurs ont comparé la quantité d’urée dans le sang d’enfants atteints du cancer, au moment de leur diagnostic, et des enfants non malades. Ils ont observé que les enfants atteints présentent des taux d’urée très inférieurs, comparés à l’autre groupe.
Cette différence peut être considérée comme un marqueur de cancer car, usuellement, les tests actuels sont calibrés uniquement afin de détecter de hauts taux d’urée dans le sang.

Cependant, il existe déjà des centaines de marqueurs spécifiques à certains cancers. Quel serait donc l’intérêt de ce nouveau marqueur par rapport aux autres déjà existants et très bien caractérisés ? Eléments de réponse : si les cellules cancéreuses ont un niveau de pyrimidine plus élevé, ce qui les rend plus agressives, en analysant le génome de ces dernières, les chercheurs ont remarqué que ces composés pyrimidiques entrainent des mutations spécifiques qui visent certaines enzymes du cycle de l’urée. Ces mutations sont à double tranchant car elles rendent les cellules plus sensibles au système immunitaire.
Ces cellules pourraient donc être beaucoup plus sensibles aux traitements d’immunothérapie (qui consiste à combattre les cellules cancéreuses d’un patient par le biais de son système immunitaire) par rapport à d’autres cellules cancéreuses qui ne présentent pas ce dérèglement du cycle de l’urée.

Si les chercheurs confirment cette observation, en réalisant la même étude mais sur des populations plus importantes, alors ils pourront valider la présence d’un nouveau marqueur spécifique de cellules cancéreuse sensibles à l’immunothérapie. Cela permettrait de traiter le patient de manière plus efficace et surtout plus rapidement.

Source : https://wis-wander.weizmann.ac.il/life-sciences/disrupted-nitrogen-metabolism-might-spell-cancer

Rédacteur : Henri-Baptiste Marjault (henri.margault[a]mail.huji.ac.il), doctorant à l’Université hébraïque de Jérusalem