Faire le lien entre taille, température et évolution : l’exemple des lézards

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Israël | Science de la terre, de l’univers et de l’environnement : énergie, transports, espace, environnement
7 juin 2019

Dans une grande majorité des espèces, femelles et mâles ne sont pas semblables. On parle de dimorphisme sexuel. Shai Meiri, de l’Université de Tel Aviv, et une équipe d’écologues britanniques, ont révélé un dimorphisme sexuel de taille de 446 espèces de lézards à l’échelle du continent américain qu’ils parviennent à expliquer par un argument évolutif.

Le laboratoire de Shai Meiri, du département de zoologie de l’Université de Tel Aviv, travaille sur différents aspects de l’évolution et de l’écologie des vertébrés terrestres, et en particulier des reptiles. Il s’intéresse ainsi aux variations spatiales de diverses caractéristiques des reptiles (répartition, morphologie, etc.). Mettre en regard ces variations biologiques avec celles de l’environnement dans lequel les animaux évoluent permet d’étudier comment ils s’adaptent. Par là même, Shai Meiri et son équipe espèrent dégager des tendances générales qui pourraient permettre de mieux comprendre l’évolution des espèces étudiées, grâce à l’analyse de ces variations biogéographiques.

Une des caractéristiques morphologiques pouvant être étudiée dans le cadre d’une telle démarche est le dimorphisme sexuel de taille. Le dimorphisme sexuel recouvre toutes les différences entre individus mâles et femelles au sein d’une même espèce : couleur, comportement, odeur, forme de certains organes ou bien taille. Il se trouve que, chez de nombreuses espèces de vertébrés, les femelles sont plus grandes que les mâles. Mais cette différence de taille entre les sexes n’est pas géographiquement uniforme au sein d’une même espèce.

Shai Meiri, en collaboration avec une équipe de géographes et d’écologues britanniques, a analysé la variation du dimorphisme sexuel à travers un continent entier (Amérique Centrale et Amérique du Nord) et ce pour 446 espèces de lézards. Un travail d’une telle ampleur ne s’effectue pas directement et en une seule fois sur le terrain. Les chercheurs ont en fait procédé à une analyse statistique de bases de données préexistantes.

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Images. (Gauche) Un individu de l’espèce Phrynosoma hernandesis, une des 446 espèces analysées dans cette étude (crédits : domaine public). (Droite) Variations du dimorphisme sexuel de taille chez 446 espèces de lézards en Amérique du Nord et Centrale. Le rouge indique que les femelles sont plus grandes que les mâles, et inversement pour le bleu. On voit que les mâles ont tendance à être plus grands que les femelles près de l’équateur, où la température annuelle moyenne est plus élevée (crédits : Tarr et al., Ecography, 2019)

En croisant les données climatiques et zoologiques, les chercheurs ont mis à jour une corrélation entre le dimorphisme sexuel de taille et la température annuelle moyenne. Dans les zones les plus froides, au nord, les femelles sont plus grandes que les mâles. Inversement, dans les zones les plus chaudes, au sud, ce sont les mâles qui sont plus grands que les femelles. Le dimorphisme sexuel de taille des lézards évolue donc de manière continue le long de l’axe nord-sud du continent nord-américain.

Pour comprendre cette observation en termes évolutifs, il faut déterminer le mécanisme de sélection naturelle en œuvre. Les auteurs de cette étude, publiée dans la revue Ecography, arguent ici en faveur de la sélection sexuelle des mâles : la lutte entre mâles pour l’accès aux femelles ou pour des territoires. Ainsi, les variations géographiques de dimorphisme sexuel de taille correspondraient ici en fait à des variations de pression de sélection sexuelle sur les mâles.

Enfin, de telles variations géographiques du dimorphisme sexuel de taille ont aussi été observées chez les oiseaux à l’échelle mondiale dans une étude de 2016. Shai Meiri et ses collaborateurs pensent que cette similitude pourrait indiquer une tendance générale dans le règne animal et qu’elle ouvre de nouvelles questions sur l’évolution des animaux.

Sources :
● Article original de Tarr et al. : https://onlinelibrary.wiley.com/doi/full/10.1111/ecog.03593
● Site de l’équipe de Shai Meiri : http://shaimeirilab.weebly.com/

Pour en savoir plus : La page Wikipédia sur le dimorphisme sexuel : https://fr.wikipedia.org/wiki/Dimorphisme_sexuel

Rédacteur : Mathieu Rivière, post-doctorant à l’Université de Tel Aviv