Une molécule issue du Justicia à feuilles de saule prometteuse dans la lutte contre le VIH

Partager
Hong Kong

Brève
Hong Kong | Biologie : médecine, santé, pharmacie, biotechnologie
10 janvier 2018

Le 1er décembre est depuis 1988 la journée internationale dédiée à la lutte contre le sida. En 2017, 57 % des 36.7 millions de malades vivant avec le VIH dans le monde ont accès à un traitement antirétroviral leur permettant de contrôler la progression du virus dans leur organisme. Le thème de cette année « ma santé, mes droits » vise à sensibiliser la population sur les 15.8 millions de malades n’ayant pas accès au traitement.

Le VIH fait partie de la famille des rétrovirus, c’est-à-dire que son génome est constitué d’ARN et dont le cycle viral comprend une étape de rétrotranscription au cours de laquelle un ADN est produit à partir de cet ARN. Découvert en 1983 par les Professeurs Luc Montagnier et Françoise Barré-Sinoussi, biologiste et virologue à l’institut Pasteur de Paris, lauréat du prix Nobel de physiologie et de médecine en 2008, le VIH est responsable de la mort de 35 millions de personnes depuis le début de l’épidémie, dont 1 million en 2016. Après un pic de contamination en 2004, le nombre de nouvelles infections recule à travers le monde grâce à l’éducation et à la diffusion de l’information auprès de la population, mais aussi par le développement de nouveaux médicaments plus efficaces.

Le premier d’entre eux est l’azidothymidine plus communément connu sous le nom d’AZT. Synthétisé en 1964 pour bloquer la prolifération des cellules cancéreuses, cette molécule s’avère inefficace sur cette maladie et également hautement toxique. Après l’identification du virus responsable de l’épidémie de sida, Robert Gallo (chercheur américain) et Luc Montagnier se mettent à la recherche de molécules permettant d’interrompre la prolifération du VIH. Parmi les milliers de tests effectués sur des cultures, l’AZT s’avère le plus efficace et restera longtemps l’unique médicament efficace pour traiter les malades, malgré les lourds effets secondaires qu’il génère. Sa mise sur le marché en 1987 marque une première étape dans le traitement de l’infection. Le développement de la recherche aboutit à la mise au point de nouvelles molécules à la fin des années 90, qui associées (trithérapie), permettent de lutter plus efficacement contre la propagation de l’infection et de limiter la résistance du virus à l’AZT. Bien que très efficace et offrant une espérance de vie quasi-identique par rapport au personnes non infectées, les trithérapies ne permettent pas de guérir les patients et elles restent contraignantes à cause d’une indispensable prise quotidienne de médicaments à intervalle régulier. De plus, le prix des traitements reste relativement élevé, surtout pour les personnes vivant en Afrique sub-saharienne, l’endroit où l’épidémie est la plus diffusée.

Des chercheurs de l’Université baptiste de Hong Kong (HKBU) associés à l’université de Chicago et en collaboration avec Académie des sciences et technologies du Vietnam se sont lancés dans un projet commun d’identification de plantes (plus de 4 500 provenant du Laos et du Vietnam) pouvant avoir des applications médicinales sur les cancers, la tuberculose, la malaria ou le VIH. Parmi l’ensemble des composés actifs testés, l’inhibiteur, appelé « patentiflorine A », dérivé de la plante « Justicia à feuilles de saule » a retenu l’attention des équipes de recherche.

Plante Justicia gendarussa d’où est extrait la patentiflorine A (crédits wikipedia)

Le principe actif testé a été prélevé sur les feuilles, les tiges et les racines de la plante. Les scientifiques ont ciblé la patentiflorine A en raison de sa capacité à inhiber une enzyme nécessaire au VIH pour incorporer son code génétique dans l’ADN-transcriptase inverse (RT) d’une cellule. L’AZT, le premier médicament anti-VIH qui reste aujourd’hui la pierre angulaire des cocktails médicamenteux contre le VIH, inhibe également cette enzyme. Mais la patentiflorine A est capable d’inhiber l’action de la transcriptase inverse beaucoup plus efficacement que l’AZT, dès les premiers stades de l’infection par le VIH, au moment où le virus pénètre dans les macrophages et modifie l’infection lorsqu’elle est présente dans les lymphocytes T du système immunitaire. Cette molécule est également efficace contre les souches résistantes du VIH, ce qui en fait un candidat très prometteur pour un développement ultérieur d’un médicament. De fait, la patentiflorine A représente un nouvel agent anti-VIH qui peut être ajouté aux schémas thérapeutiques actuels pour enrayer le développement de l’épidémie et prévenir l’apparition du SIDA.

Les chercheurs ont également été en mesure de synthétiser chimiquement la patentiflorine A. « Si nous pouvons fabriquer le médicament en laboratoire, nous n’aurons pas besoin de cultiver les plantes, ce qui diminuera l’investissement financier nécessaire à sa production, autant que son impact environnemental », a conclu le Dr. Rong à l’université de Chicago.

Rédacteur : Vincent de Brix, chargé de mission scientifique

Sources :

https://www.futura-sciences.com/sante/definitions/medecine-retrovirus-249/

http://www.unaids.org

https://www.genengnews.com/gen-news-highlights/natural-plant-compound-is-potent-inhibitor-of-drug-resistant-hiv/81254523

https://repository.hkbu.edu.hk/hkbu_staff_publication/6253/

Zhang, Hong-Jie, Emily Rumschlag-Booms, Yi-Fu Guan, Dong-Ying Wang, Kang-Lun Liu, Wan-Fei Li, Van H. Nguyen, Nguyen M. Cuong, Djaja D. Soejarto, Harry H. S. Fong, and Lijun Rong. "Potent inhibitor of drug-resistant HIV-1 strains identified from the medicinal plant Justicia gendarussa." Journal of Natural Products 80.6 (2017) : 1798-18