Hong Kong, territoire d’excellence pour la recherche ferroviaire

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Hong Kong

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Hong Kong | Science de la terre, de l’univers et de l’environnement : énergie, transports, espace, environnement | Sciences et technologies de l’information et de la communication : TIC, télécoms, micro-nanotechnologies, informatique
13 février 2018

Depuis la conception du Mass Transit Railway (MTR), le réseau de chemin de fer métropolitain de Hong Kong, à la fin des années 1960 par Mitsubishi, le gouvernement cherche à anticiper les exigences futures des usagers et les besoins croissants de la Région Administrative Spéciale. Aujourd’hui elle projette ses ambitions à l’horizon 2030 sur le développement des infrastructures et par l’implication croissante des universités hongkongaises dans la recherche.

La culture du rail, moteur et survie pour Hong Kong

Bien que la population de Hong Kong soit tombée à 600 000 habitants en 1945, les années d’après-guerre ont vu un afflux massif de population s’installer dans la ville, provenant principalement de Chine continentale. Les transports en commun étaient surexploités et les files d’attente excédaient parfois plus d’un kilomètre. Pour pallier ces problèmes, le gouvernement local a étudié l’évolution socio-démographique de la ville, puis planifié méticuleusement le développement des moyens de transport.

C’est au début des années 70 que la modernisation et le développement des infrastructures commencèrent. Fort du succès des quatre premières lignes électrifiées et totalisant 20 km de rail en 1972, le réseau de transport en commun est régulièrement étendu pour répondre aux problématiques liées à l’augmentation constante de la population qui est passée de 3.7 à 7.3 millions de personnes sur les 50 dernières années, avec 5 millions d’usagers quotidiens.

La première traversée du détroit séparant le continent de l’île de Hong Kong date de 1980 avec des rames allongées à 6 voitures pour faire face à l’augmentation du nombre de passagers. Le dernier tronçon inauguré le 28 décembre 2016, la South Island Line, dessert plus de 350 000 habitants de la partie sud de l’île de Hong Kong, auparavant enclavée. Actuellement, plus de 90 % des 12.6 millions des trajets quotidiens sont effectués en transports en commun dont plus de 41% grâce au MTR (2015), ce qui en fait le 6e réseau mondial en nombre de passagers. Avec un taux de régularité supérieur à 99.9 %, le métro hongkongais fait figure de modèle en termes de fiabilité à travers le monde.

Privatisée en 2000, la MTR Corporation tire la moitié de ses revenus des utilisateurs du service, le reste provenant principalement d’une gestion immobilière bien spécifique à Hong Kong. En effet, la société achète à prix avantageux les espaces au-dessus des gares et des entrepôts à l’Etat avant de s’associer à des promoteurs privés. De cette manière elle récupère le profit des ventes et des loyers. Ce financement indirect fait de la MTR Corporation l’une des seules compagnies ferroviaires rentable à travers le monde, et par conséquent elle dispose d’une importante marge de manœuvre pour investir sur son réseau.

Mais étendre les capacités du réseau ne suffit pas à répondre à l’ensemble des problématiques rencontrées par la MTR Corporation. Les universités hongkongaises se positionnent dans le débat sociétal du transport intelligent, et comptent apporter leurs contributions aux réflexions gouvernementales, à l’instar du plan Hong Kong 2030+ sur le développement des infrastructures. Automobile, aérien, ferroviaire, autant de domaines intégrés à la ville intelligente de demain pour lesquels les universités de Hong Kong disposent d’une expertise reconnue. Dans une ville très densément peuplée, le métro reste un moyen de transport des plus efficaces qui nécessite une optimisation constante et la compréhension du des comportements des usagers.

L’Université Polytechnique de Hong Kong, fleuron de la recherche ferroviaire à Hong Kong

C’est dans ce cadre que deux succursales (Hong Kong Branch of National Rail Transit Electrification and Automation Engineering Technology Research Centre et le Hong Kong Branch of National Engineering Research Centre) du Chinese National Engineering Research Centres (CNERC) au sein de l’Université Polytechnique de Hong Kong (PolyU) ont été créées en 2015. Bien que leurs projets soient principalement focalisés sur les trains à grande vitesse, nombre de leurs débouchés sont également transposables ou adaptables au métropolitain, et donc directement au MTR.

Avec son envergure internationale et son expertise reconnue en ingénierie ferroviaire, PolyU est un partenaire de choix pour les autorités et les universités chinoises. C’est la raison pour laquelle, après avoir collaboré en 2012 à la conception des lignes à grande vitesse Pékin-Shanghai puis à celle reliant Lanzhou à Ürümqi dans la région du Xinjiang en 2014, un nouveau partenariat stratégique a été signé le 27 octobre 2017 avec la South West Jiao Tong University (SWJTU) pour la création d’un Centre Conjoint d’Innovation :
« La signature de l’accord nous amène à collaborer plus étroitement dans le développement de nouvelles technologies de surveillance du réseau et PolyU participera davantage aux projets ferroviaires à travers le pays » déclare le Professeur Alex Wai, vice-président de la recherche et développement à PolyU.
Cette structure concentre de nombreux projets de recherche, comme :

  • des systèmes de Contrôle de Santé Intégré (CSI) adaptés aux rails et aux infrastructures ferroviaires
  • des systèmes de CSI pour les trains à grande vitesse
  • de nouvelles méthodes de diagnostique et de pronostic pour évaluer les conditions des rails
  • -a mise en place de nouvelles mesures de surveillance et de contrôle en temps réel

Capteurs en fibre optique - Crédit PolyU

Ces recherches menées depuis quelques années ont été plébiscitées par une filiale de la China Railway Rolling-Stock Corporation (CRRC) lors des essais conduits sur la nouvelle ligne de métro construite à Rio de Janeiro quelques mois avant l’ouverture des Jeux Olympiques en 2016. Utilisant la technologie de détection par fibre optique développée à PolyU, l’équipe a effectué une surveillance complète sur les composants critiques tels que les bogies, les moteurs et les voitures.

Les capteurs en fibre optique développés par les chercheurs sont constitués de structures périodiques à l’intérieur du cœur de 10 μm de diamètre. Les mesures sont codées dans la même longueur d’onde que la lumière réfléchie provenant des fibres optiques. La longueur d’onde est un paramètre absolu, et une modification de la puissance du signal reçue n’affecte pas la détection des informations, ce qui garantit intrinsèquement la fiabilité du système. Ce dispositif peut aussi mesurer d’autres paramètres tels que la température, la contrainte, les vibrations, l’accélération et l’inclinaison, en remplaçant sur plusieurs centaines de kilomètres les capteurs traditionnels. Ces fonctionnalités améliorent considérablement la fiabilité des systèmes de détection actuels et fournissent à l’industrie une solution intégrée très rentable.

Tandis que les capteurs électroniques traditionnels nécessitent un grand espace pour l’instrumentation, le blindage EMI (blindage électromagnétique) et le câblage pour résister aux interférences électromagnétiques, les capteurs FBG (Fiber Bragg Grating) sont fabriqués sur de petites fibres optiques et ne sont pas affectés par des interférences externes et peuvent donc surveiller des points non accessibles par des capteurs électriques.

D’autres universités mises à contribution

De son côté, l’Université municipale de Hong Kong (CityU), a reçu plus de 40 MHKD de financement de la part du Research Grant Council pour le développement d’un plan quinquennal sur les technologies ferroviaires : « Notre projet est de faire de Hong Kong un centre d’expertise en matière de sécurité, de fiabilité et d’efficacité dans les technologies ferroviaires », a déclaré le professeur Tsui Kwok-Leung, responsable du département de génie des systèmes et gestion de l’ingénierie (SEEM) de CityU. Les ingénieurs de recherche se concentrent, principalement, sur les caractéristiques physiques des câbles et des composants de locomotives. Ils étudient la détection d’anomalies, la distinction des défaillances, le diagnostic de défauts et la modélisation des dégradations de la fiabilité en analysant les vibrations produites par le matériel roulant sur les voies. A terme, l’objectif est de pouvoir anticiper le calendrier d’entretien des voies et des machines, et de sécuriser la chaîne d’approvisionnement des composants et des pièces détachées, qui demandent parfois plusieurs mois pour être acheminés. Concernant l’étude des flux de personne, l’équipe de recherche a pour objectif de créer des stratégies de prévention des situations d’urgence et des protocoles de réponse appropriés. L’accent est mis sur la sécurité incendie en évitant les scénarios de surpeuplement et en fournissant une planification optimale.

L’Université de Sciences et Technologies (HKUST) n’est pas en reste, elle collabore avec l’entreprise Thalès dans le cadre d’un partenariat global qui inclut l’aéronautique, l’aérospatial, les TIC, la défense et la sécurité, la radiographie et bien entendu, le transport. Ce travail conjoint sur le transport utilise comme matière première les données recueillies grâce aux cartes et tickets de métro. A court terme elle devait pouvoir proposer une cartographie permettant d’afficher en temps réel les informations sur l’occupation des trains et de prédire les points d’engorgement. Sur long terme, la MTR Corporation pourra justifier grâce à l’exploitation de ces données la construction de nouvelles lignes en fonction des horaires et lieux de déplacement. Cette collaboration entre HKUST et Thales a été récompensée en janvier 2016 par la Commission Innovation et Technologie de Hong Kong.

Les transports ferroviaires sont vitaux pour soutenir la croissance économique, le développement sociétal, et protéger l’environnement du territoire hongkongais. C’est dans cette optique que le gouvernement hongkongais entend doubler l’étendue des voies ferrées sur son territoire en atteignant 540 km d’ici 2030, renforcer la capacité du réseau existant et maintenir une fiabilité quasi-parfaite grâce aux travaux réalisés par les acteurs locaux. Le succès du plan Hong Kong 2030+ repose aussi sur l’excellence des recherches menées au sein des laboratoires qui permettront, à terme, d’ériger Hong Kong en modèle de « smart city » au niveau mondial.

sources :

Rédacteurs : Simon Muller et Vincent de Brix, chargés de mission scientifique