Intelligence artificielle pour le diagnostic médical : durcissement de la réglementation pour les start-ups chinoises.

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Chine | Sciences et technologies de l’information et de la communication : TIC, télécoms, micro-nanotechnologies, informatique
31 mai 2019

Les start-ups qui utilisent des méthodes IA pour le diagnostic médical rencontrent actuellement de grandes difficultés, en raison d’un récent durcissement de la réglementation, et de conditions d’accès aux financements plus difficiles qu’auparavant.

Le secteur, très prometteur, a particulièrement suscité l’enthousiasme des investisseurs ces dernières années en Chine. Le potentiel des technologies IA pour le diagnostic médical y est en effet très grand, du fait du grand nombre de patients, mais aussi du faible nombre de médecins bien formés et capables de poser des diagnostics précis (pour un diagnostic du cancer par exemple). Selon le cabinet de conseil KPMG, cité par le Financial Times, une douzaine d’entreprises utilisant les techniques du « machine learning » et de la reconnaissance d’image ont levé à elles seules 142 millions de dollars en capital-risque (venture capital) et en capital-investissement (private equity funding) en 2017 et 2018, soit un quart de l’investissement mondial dans le secteur sur la période. Des chiffres très élevés mais en cohérence, indépendamment de l’application au domaine de la santé, avec la montée en puissance de l’utilisation des techniques IA par les entreprises high-tech chinoises. Les technologies de diagnostic intéressent par ailleurs particulièrement les hôpitaux : de très nombreux hôpitaux chinois collaborent déjà avec au moins une de la cinquantaine de start-ups actuellement sur ce segment en Chine.

La plupart de ces entreprises ne génère cependant pas encore de bénéfices. La société Shukun Technology, qui a levé 200 millions de yuan (29 M$) en Février de cette année et dont les algorithmes sont utilisés dans 10 hôpitaux, reconnait être toujours déficitaire et ne pas réussir à dégager de bénéfices de la vente de ses services aux hôpitaux. A ces difficultés viennent s’ajouter des contrariétés plus contextuelles : alors que le marché chinois du capital-risque s’est tassé sur l’année écoulée, les autorités ont annoncé en août dernier l’adoption d’une nouvelle réglementation qui exige des entreprises qu’elles disposent dorénavant d’une licence spécifique dédiée aux dispositifs médicaux. L’obtention de cette licence a un coût important, 4 millions de yuan (0.6 M$), et prend du temps : à ce jour, les 8 entreprises ayant commencé les démarches ne l’ont pas encore obtenu. Selon Sun Qi, de la société de capital-risque Dalton et cité par le Financial Times, si l’enjeu pour les start-ups du secteur était il y a quelques années la levée de fonds, il est aujourd’hui l’obtention des licences. Preuve des difficultés à venir, il prédit que 90% des entreprises proposant de l’IA pour l’établissement de diagnostic mourront faute de parvenir à entrer en conformité.

Si l’article du Financial Times ne précise pas ce qui est requis pour l’obtention des licences en Chine, en Europe et aux Etats-Unis, où le secteur est aussi très dynamique, les impératifs réglementaires requis avant commercialisation sont aussi très exigeants. La méthode d’IA utilisée pour le diagnostic doit notamment avoir prouvée une meilleure efficacité que le diagnostic humain sur un très grand nombre d’études, avant validation par les instances compétentes. Le contexte réglementaire de l’accès aux données médicales des patients est aussi nettement plus contraint en Europe et aux Etats-Unis qu’en Chine, avec des règles de confidentialité stricte et un accord préalable du patient pour l’utilisation des données à des fins de recherche. L’enjeu de l’accès à ces données est très important : les algorithmes IA d’apprentissage automatique requièrent un grand volume de données pour se développer. Infervision, start-up chinoise qui a levé 350 millions de yuan depuis 2017 (51 millions de dollars), déclare ainsi avoir collectée plus de 400 000 scanners thoraciques, lui permettant d’alimenter ses algorithmes de reconnaissance d’images. L’article du Financial Times n’indique pas si la Chine souhaite à terme durcir aussi la réglementation sur l’utilisation des données privées des patients.

Sources :https://www.ft.com/content/7ea2a3d8-70a2-11e9-bf5c-6eeb837566c5

Rédaction : Sylvain Pasquier, chargé de mission au service pour la science et la technologie de l’ambassade de France à Pékin, sylvain.pasquier[at]diplomatie.gouv.fr