Eléments de réflexion sur la question du genre et l’accès aux financements de la recherche en Colombie-Britannique

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Brève
Canada
30 juin 2018

Selon la "Michael Smith Foundation for Health and Research", l’égalité des genres ne serait pas encore de mise dans le domaine de la recherche en santé. En effet, la fondation a étudié les données collectées dans le cadre de ses propres programmes de financements, et déplore l’inégalité hommes/femmes dans l’attribution des bourses et l’emploi dans la recherche. Elle partage ses données afin de mieux comprendre le phénomène, et envisage la mise en place de nouvelles stratégies pour y remédier.

La "Michael Smith Foundation for Health and Research" (MSFHR) est une agence de financement de la recherche subventionnée par la province de Colombie-Britannique. Sa mission est le soutien aux chercheurs talentueux dans le domaine de la santé. Récemment, la MSFHR a analysé ses données sur l’accès aux financements afin de déterminer s’il était équitable.

Cette question a refait surface pendant l’été 2017, alors que la MSFHR lançait un nouveau programme, "Innovation to Commercialization, I2C" (Innovation pour la commercialisation) : la Dr Zena Sharman (Directrice stratégique de la MSFHR, experte sur les questions du genre et de santé) a remarqué que les 11 chercheurs subventionnés étaient tous des hommes. Elle a souhaité comprendre d’où venait cette inégalité, et quelles seraient les bonnes pratiques à adopter pour y remédier. Elle a ainsi procédé à une analyse des données collectées dans le cadre des différents programmes de la MSFHR. Ce travail est présenté dans un article publié le 23 mai 2018 : “Forward Thinking : Gender equity in health research funding” (« Réflexion prospective : L’égalité des genres dans les financements attribués à la recherche en santé ») [1].

Que savons-nous sur ces inégalités à l’heure actuelle ?

Il faut d’abord rappeler que cette inégalité de traitement entre les femmes et les hommes dans le domaine de la recherche est une tendance globale : une étude réalisée par le Canadian Institutes for Health Research (CIHR) le démontre [2]. Les femmes se retrouvent systématiquement désavantagées dans les appels à projets, dans les publications et dans les promotions. L’étude révèle aussi que les femmes ont moins de succès lorsqu’elles se présentent comme chercheuse principale d’un projet de recherche. Elles demandent également moins de financements, et lorsqu’elles le font, elles visent des bourses moins bien dotées.

Les données des programmes de la MSFHR confirment cette tendance : en effet, 56% des post-docs financés sont des femmes, alors qu’elles sont seulement 38% parmi les jeunes chercheurs. Ce biais est lié principalement à une diminution de la représentation des femmes au cours de la carrière professionnelle, vers les postes à responsabilités. Ces résultats recoupent ceux de University of British Columbia (UBC) [3], dont une récente étude révèle que les femmes occupent moins de postes universitaires à temps plein que les hommes.

Quelles seraient les solutions et les actions à suivre pour corriger ces inégalités ?
Pour endiguer ce phénomène, le premier enjeu, selon la Dr Zena Sharman, serait d’améliorer la collecte des données à l’échelle du Canada. D’après elle, combler ce déficit en données nationales sur la question du genre serait la première étape pour établir par la suite de bonnes stratégies afin de remédier aux inégalités. Le CIHR a déjà lancé des démarches en ce sens en établissant un nouveau questionnaire sur le sujet [4].

Il faudrait également analyser en détail dans quelle mesure la conception des appels à projets, les pré-requis et règles imposés aux candidats, ainsi que le processus d’évaluation sont sources de biais homme/femme dans le cadre d’attribution de financements.
En attendant les résultats de ces recherches, certaines stratégies ont déjà été mises en place au MSFHR ; Zena Sharman en cite quatre :

  • la mise en place de session de sensibilisation (formation pilote) pour les évaluateurs afin de lutter contre les biais inconscients sur la question du genre ;
  • la collecte d’information et l’analyse systématique du genre des candidats et des lauréats afin de suivre les évolutions dans le temps ;
  • la réalisation d’un plan stratégique pour favoriser l’équité homme/femme dans les programmes du MSFHR ; et
  • la définition claire de ce qu’on entend par équité lorsqu’il s’agit du genre ; avec l’identification d’indicateurs.

Grâce à ce plan d’action, et une collecte de données à l’échelle nationale, la Dr Zena Sharman pense que des stratégies efficaces seront mises en place dans les prochaines années pour lutter contre les inégalités de genre dans la recherche en santé.

Sources :
[1] https://www.msfhr.org/news/blog-posts/forward-thinking-gender-equity-health-research-funding?elqTrackId=c3c414e4c5444c6094d6fee342f0d57f&elq=09af276728a4475181e8954feb0db027&elqaid=22221&elqat=1&elqCampaignId=10785
[2] https://www.biorxiv.org/content/early/2018/03/02/232868
[3] http://outcomes.grad.ubc.ca/docs/UBC_PhD_Career_Outcomes_April2017.pdf
[4] http://cihr-irsc.gc.ca/e/50956.html

Rédacteurs :
Lou LEMOINE, Stagiaire au Service de Coopération Scientifique et Universitaire du Consulat Général de France à Vancouver.
Fabien AGENES, Attaché de Coopération Scientifique et Universitaire au Consulat Général de France à Vancouver.