Dix ans après sa création, quel bilan pour l’Institute of Science and Technology Austria ?

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Autriche

Rapport
Autriche | Politiques de recherche, technologiques et universitaires | Horizon 2020 : innovations et progrès techniques
8 mars 2016

Créé en 2006 et ouvert en 2009, l’Institute of Science and Technology Austria (IST Austria) est un institut de recherche fondamentale autrichien qui se fait progressivement connaître au sein du paysage international de la recherche. A l’occasion d’une visite de l’Institut en décembre 2015 et 10 ans après sa création, il s’agit d’offrir un aperçu du fonctionnement, de la stratégie et des accomplissements de ce projet phare pour l’Autriche.

Créer ad-hoc une institution de recherche internationale

L’Institute of Science and Technology Austria (IST Austria) est un institut de recherche fondamentale d’excellence créé en 2006 et ouvert en 2009 et situé à Klosterneuburg, une petite ville de la périphérie de Vienne. Projet phare pour les autorités autrichiennes de la recherche, l’IST Austria a été conçu sur un modèle se voulant unique et inspiré de différents instituts de recherche internationalement réputés : la Société Max Planck en Allemagne pour les méthodes d’évaluation, l’Institut Weizmann en Israël pour la partie propriété intellectuelle, l’Université Rockefeller aux Etats-Unis pour les carrières et l’Ecole Polytechnique fédérale de Lausanne pour l’organisation financière.

L’IST poursuit deux objectifs : mener une recherche de pointe à l’échelle internationale et former des scientifiques de haut niveau. L’Institut se veut interdisciplinaire et il n’existe pas pour le moment de départements. L’IST est organisé selon une logique horizontale sous forme de clusters devant favoriser la flexibilité. La recherche se concentre sur trois domaines : les sciences physiques, les sciences formelles et les sciences de la vie (physical sciences, formal sciences und life sciences). En outre, les services et laboratoires sont partagés par les différents clusters afin de créer des coopérations. L’Institut est actuellement présidé par l’informaticien autrichien Thomas Henzinger et dirigé par trois comités différents : un conseil d’administration (board of trustee) ; un conseil exécutif (excecutive committee), un conseil scientifique (scientific board). Ces conseils réunissent des personnalités scientifiques internationales actives dans des institutions reconnues, les universités de Cambridge et Harvard, la Société Max Planck. Il faut noter que la mathématicienne d’origine basque Maria J. Esteban (CEREMADE, CNRS et Université Paris-Dauphine) est membre du conseil scientifique et que l’astrophysicienne Catherine Cesarsky (Haut-Commissaire à l’énergie atomique, membre de l’Académie française des sciences), membre du conseil d’administration .

L’excellence et la recherche fondamentale comme mot d’ordre

L’environnement est entièrement dédié à la recherche et les professeurs forment des petites équipes comprenant de 3 à 5 doctorants et de 4 à 6 post-doctorants. Tous les chercheurs sont employés à plein temps, même les doctorants ainsi que les étudiants participant aux écoles d’été organisées par l’Institut. Les étudiants en doctorat sont formés en interne et chacun doit passer une année à travailler au sein des différents clusters avant de fixer son choix de directeur et de sujet de thèse. Il n’existe pas de double affiliation pour les professeurs.

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Organisation des cursus au sein de l’IST Austria
IST Austria

L’institut revendique l’excellence scientifique et le potentiel des étudiants et chercheurs comme étant l’unique critère de sélection. Il n’y a pas de sujets de recherche ou de postes de professeur prédéfinis et l’admission des étudiants en doctorat se fait de manière centralisée. L’objectif affiché est d’attirer les meilleurs chercheurs et étudiants dans leur discipline. En 2015, 36 étudiants ont été choisis pour un doctorat. Le recrutement est international et si un certain nombre de chercheurs et d’étudiants viennent de pays européens (notamment d’Allemagne), l’IST attire également des étudiants d’Asie ou d’Amérique du Nord. L’Institut compte actuellement 518 employés dont 37 professeurs. Au-delà de Thomas Henzinger, nous pouvons citer entre autres le biologiste Nick Barton, le spécialiste de la théorie des jeux Krishnendu Chatterjee, le spécialiste de la géométrie algébrique Herbert Edelsbrunner ou encore le biologiste Jiří Friml. Pour les 40 postes de professeurs existant actuellement, près de 6500 candidatures ont été déposées et 890 ont par la suite été évaluées par des experts internationaux. L’obtention de bourses du conseil européen de la recherche (ERC) est l’une des priorités de la stratégie de l’IST (voir ci-dessous au sujet des sources de financement de l’Institut) et les candidatures de chercheurs bénéficiaires ou futurs bénéficiaires de bourses ERC semblent être privilégiées.

Depuis 2009, l’IST affiche un bilan de 985 publications scientifiques. En plus des 20 bourses du Conseil européen de la recherche (ERC) déjà reçues par des chercheurs de l’IST, plusieurs d’entre eux ont reçu des distinctions prestigieuses : une médaille Darwin-Wallace pour Nick Barton, une médaille d’or EMBO pour Jiří Friml, un prix Wittgenstein pour Thomas Henzinger, un prix START pour Michael Sixt & Caroline Uhler, un prix « Microsoft Research Faculty Fellowship » pour Krishnendu Chatterjee .

Malgré des débuts difficiles, un succès permis par un fort soutien politique, scientifique et financier

L’IST Austria souhaite attirer les meilleurs chercheurs au monde dans leur domaine et a été envisagé dès sa création comme une institution internationale. Cinq ans après son ouverture, et malgré un début difficile, le bilan de l’IST semble largement positif. Le succès rencontré jusqu’à aujourd’hui a été rendu possible par deux facteurs.
D’une part, une forte volonté politique à l’échelon autrichien ainsi qu’un soutien de personnalités scientifiques renommées à l’instar de Haim Harari, ancien directeur de l’Institut Weizmann et désormais président du conseil d’administration. L’Institut a été créé par une loi fédérale de 2006 et est une société de droit public bénéficiant d’une législation propre. L’Institut n’est pas une université mais bénéficie d’un certain nombre de prérogatives comme l’habilitation à délivrer des doctorats.
D’autre part, d’importants financements permettent de sécuriser les activités de l’Institut. Trois sources sont à distinguer : les financements publics autrichiens, le mécénat privé, les bourses et financements de projets de recherche autrichiens et internationaux.

  • Premièrement, l’Institut bénéficie, ce qui est exceptionnel, d’un financement assuré par l’Etat fédéral autrichien jusqu’en 2026. A titre de comparaison, le financement des universités autrichiennes est organisé selon une logique triennale. De 2007 à 2026 c’est ainsi 1,28 milliards d’euros qui sont consacrés aux besoins de la recherche de l’Institut. Sur ce montant, 855 millions sont garantis et 425 millions conditionnés par l’obtention de financements tiers. Le Land de Basse-Autriche, propriétaire du domaine dans lequel est installé l’IST Austria contribue quant à lui au financement des dépenses immobilières..
  • Deuxièmement, le projet a bénéficié de dons de plusieurs fondations ou entreprises. A ce jour près de 17 millions d’euros ont été récoltés, provenant entre autres de la fondation Bertalanffy (10 millions d’euros), de la banque Raiffeisen et de Voestalpine (2 millions d’euros chacun) ou encore de Mondi et de OMV (1 million d’euros chacun). Néanmoins les perspectives offertes par le mécénat semblent relativement limitées. Comme cela est régulièrement souligné par les acteurs autrichiens de la recherche scientifique, le mécénat reste peu développé dans le pays.
  • Troisièmement, pour le financement des activités de recherche, l’Institut a mis en place une stratégie efficace de captation de financements et bourses et a bénéficié depuis 2009 de 54,3 millions d’euros de financements tiers. Sur ces 54,3 millions, la moitié (soit environs 27 millions) proviennent du Conseil européen de la recherche (ERC) à travers des bourses. L’autre moitié est répartie entre des bourses autrichiennes d’un peu plus de 11 millions (dont 9,8 millions du Fonds autrichien pour la recherche, FWF), 11,7 millions de projets du 7ème Programme-cadre pour la recherche et le développement technologique (PCRD) et d’Horizon 2020 et 3,9 millions de bourses internationales (EU, Japon etc). Ce succès, notamment dans l’obtention de financements européens (qui représentent 70% du total des financements tiers), s’explique d’une part par une équipe dédiée de 5 personnes (assistant les chercheurs dans la préparation et le dépôt des candidatures ainsi que tout au long de la gestion des projets remportés) mais également par le fait que les chercheurs de l’Institut disposent le plus souvent d’une importante notoriété ainsi que de réseaux internationaux.
  • En outre, la propriété intellectuelle et les subsides qui peuvent en résulter est envisagée comme une quatrième source de financement pour l’Institut. Si l’IST est dédié à la recherche fondamentale, le potentiel en matière de transfert de technologie et d’innovation n’est pas pour autant laissé de côté. Il est prévu de construire dans les années à venir un parc technologique sur le campus de Klosterneuburg. Cette stratégie est inspirée de l’Institut Weizmann : les découvertes faites par les chercheurs sont la propriété de l’Institut.
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Le campus de l’IST à Gugging
© IST Austria

Si l’excellence scientifique de l’IST est reconnue par la majorité des chercheurs autrichiens, les conditions de création et le soutien financier et politique dont a bénéficié l’IST ont fait l’objet de critiques. L’IST a suscité une certaine méfiance, si ce n’est la défiance de la part des des institutions scientifiques déjà établies. Dans un contexte budgétaire contraint pour les universités et centres de recherche autrichiens, l’importance des financements dont a bénéficié l’IST a été jalousée. La localisation de l’Institut en dehors de Vienne, dans le Land de Basse-Autriche s’explique entre autres pour des raisons politiques et la volonté du gouvernement du Land d’avoir une institution de renommée internationale sur son sol.

Du fait de cette localisation géographique à l’écart de Vienne (9km de la ville) et d’une capacité à délivrer des diplômes indépendamment des universités nationales, l’Institut a parfois été vu comme une institution « hors-sol » échangeant relativement peu avec les autres qui ne profite en définitive qu’assez peu au paysage autrichien de la recherche. Ces critiques et ces points d’amélioration s’expliquent du fait du fait de la jeunesse de l’Institut qui n’est qu’à mi-parcours de sa phase de création (2007-2026). Jusqu’à ce jour, l’IST Austria a développé des coopérations avec près de 200 institutions de recherche nationales et internationales. En 2026, l’IST devrait compter 1000 employés, 90 groupes de recherche

Plus d’informations :

Sources  :
Le service de coopération scientifique de l’Ambassade de France en Autriche tient à remercier l’équipe de l’IST Austria pour son accueil ainsi que pour son aide.

Rédacteur  : Etienne Gonon-Pelletier etienne.gonon-pelletier[a]diplomatie.gouv.fr