Intelligence artificielle

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Australie | Politiques de recherche, technologiques et universitaires | Sciences et technologies de l’information et de la communication : TIC, télécoms, micro-nanotechnologies, informatique
8 mai 2018

La réflexion qui a lieu en France sur l’intelligence artificielle, suite au rapport du mathématicien et député de l’Essonne Cédric Villani, suivi de l’annonce par le président Emmanuel Macron de sa politique en faveur de l’IA et d’un soutien de 1,5 milliard d’euros d’ici à 2022, a un écho en Australie au sein du gouvernement, et dans les instituts de recherche dédiés à l’apprentissage automatique et à l’intelligence artificielle. L’Australie, comme la France, est confrontée dans ce domaine aux géants Américains ou Chinois, dont les plateformes (Facebook, Google, Baidu, Alibaba ou Tencent) développent et utilisent l’IA… Nos deux pays souffrent d’un manque de visibilité de leurs capacités dans ce domaine, et d’un label fort et reconnu sur la scène internationale.

  • Le partage des données numériques

Le rapport Villani comme le rapport d’Innovation and Science Australia (ISA) remis au gouvernement fédéral au début de l’année 2018 déplore les conditions difficiles d’accès aux données, qui sont les denrées de base dans ce domaine. Tandis que le rapport de l’ISA s’inquiète de voir des opportunités économiques bloquées par le monopole ou quasi-monopole dont bénéficient certaines entreprises sur l’utilisation de leurs collections de données, le rapport Villani préconise de nouveaux modes de production, de collaboration et de gouvernance sur les données, par la constitution de « communs de la donnée », permettant une utilisation libre des ressources par une communauté définie. La dernière feuille de route (2016) pour les infrastructures australiennes mettait l’accent sur le développement de plateformes de données numériques au service des chercheurs.

  • Les secteurs d’intervention de l’IA

Le rapport de l’ISA met en avant les opportunités offertes par les technologies numériques pour l’Australie, en particulier sur des niches technologiques telles que les systèmes cyber-physiques dont font partie les objets connectés. Le secteur minier australien a développé de nombreux systèmes robotiques et automatiques contrôlables à distance, et d’importants efforts de recherche sont mis en place dans le secteur des Big Data. Le Data to Decision Cooperative Research Centre développe des applications pour l’agriculture de précision, les industries de fabrication et la santé. Le Data 61 du CSIRO travaille dans les domaines des smart city, de la santé, de la sécurité et de la surveillance de l’environnement. Ces domaines sont à comparer avec les quatre secteurs stratégiques préconisés par le rapport Villani : santé, environnement, transports-mobilités et défense-sécurité. Tous ces secteurs représentent un défi majeur du point de vue de l’intérêt général, et requièrent une impulsion et un intérêt importants de l’État comme des acteurs publics et privés.

  • La mise en œuvre d’une forte capacité en IA

L’Australie et la France se rejoignent également sur l’importance de la recherche en IA, à laquelle il faut donner des moyens financiers et techniques, pour assurer de bonnes conditions de travail, et pour laquelle il faut former de nouveaux talents et assurer une mixité et diversité de ses professionnels à tous les niveaux. Si les laboratoires australiens offrent déjà des conditions de travail attractives pour les chercheurs, la France court le risque d’une fuite de ses cerveaux, et le rapport Villani préconise d’améliorer les conditions de travail et les salaires dans ce domaine.

  • La transition technologique

La transition technologique que l’intelligence artificielle va inexorablement provoquer dans le monde du travail doit être accompagnée et intégrée par l’état. Là encore, l’Australie et la France se rejoignent, sur le rôle d’exemplarité que doit jouer l’état, dont le rapport Villani fait mention, et qui est l’un des piliers de l’agenda NISA australien pour la science et l’innovation (National Innovation and Science Agenda, 2015).
Cependant, le rapport du mathématicien Cédric Villani va plus loin sur l’impact de cette transition sur le travail et l’emploi. Alors que les rapports australiens ne voient dans l’IA que de nouvelles opportunités économiques et sociales, propices à créer de nouveaux emplois, le rapport Villani nous explique qu’une réflexion s’impose quant à la complémentarité entre l’humain et la machine intelligente dans l’espace de travail, qui doit prendre en compte l’adaptation nécessaire et les risques liés à l’intégration de l’IA pour les travailleurs. Il faut également tenir compte de la transition professionnelle des populations dont les emplois risquent de disparaitre à l’heure de l’automatisation.

  • Les questions éthiques

Les questions éthiques qui se posent autour de l’intégration de l’IA dans nos vies quotidiennes n’apparaissent pas dans la réflexion australienne, et semblent constituer une exception française. Le rapport de Cédric Villani y consacre un chapitre entier afin de proposer les bases d’un cadre éthique pour le développement de l’IA. Il y prône la transparence sur la logique des algorithmes intégrés aux machines, et propose la constitution d’un corps d’experts publics assermentés, en mesure de procéder à des audits d’algorithmes. Il propose également une sensibilisation aux enjeux éthiques dans les filières d’ingénieurs ou les parcours informatiques des universités. Enfin, il ouvre le débat sur l’utilisation croissante de l’IA dans des domaines tels que la police, la banque, la justice ou l’armée (avec la question des armes autonomes), et plus généralement sur la place de l’automatisation dans la prise de décision.

Avec de telles concordances entre la France et l’Australie dans ce domaine, l’IA est une thématique d’intérêt pour le futur de la coopération bilatérale. De premiers contacts sont établis entre l’INRIA et CSIRO Data 61. Le déplacement à Paris début juin du Professeur Geneviève Bell, Directrice du Centre de recherche 3A de l’ANU, offrira une opportunité d’explorer les potentialités pour une coopération renforcée en amont du JSTM. La mise en place du Prairie Institute intéresse particulièrement l’ANU.

Lire le rapport de Cédric Villani : Donner un sens à l’intelligence artificielle
Lire le rapport de l’ISA Prosperity through innovation