Pour développer l’IA, le Japon manque de cerveaux (humains)

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Japon | Sciences et technologies de l’information et de la communication : TIC, télécoms, micro-nanotechnologies, informatique
8 janvier 2020

Dans un contexte de déclin démographique, le gouvernement japonais prévoit un manque de 50 000 talents pour la seule année 2020.

Le développement des talents en Intelligence Artificielle est un enjeu crucial pour le Japon, où le gouvernement prévoit un manque de 50 000 talents pour la seule année 2020 (et un manque de 120 000 personnes d’ici 2030, dû à une augmentation de la demande provenant des secteurs automobiles et financiers). En effet, le manque de de formations en IA disponibles dans les universités japonaises, couplé à un contexte de déclin démographique, crée une situation dans laquelle les employeurs ne parviennent pas à recruter les ressources humaines dont ils ont besoin dans ce domaine.

La compétition est intense entre les entreprises japonaises pour attirer les talents qui sortent de l’université. Aussi n’hésitent-elles pas à revoir leurs grilles salariales pour les nouveaux arrivants, déviant de la tradition historique au Japon consistant à récompenser la longévité dans l’entreprise plutôt que les compétences. Ainsi, NEC a annoncé en juillet 2019 offrir des salaires annuels de plus de 10 millions de Yen aux nouveaux diplômés ayant les compétences recherchées. Sony a également annoncé augmenter de 20 % les salaires à l’entrée des diplômés en IA et les autres acteurs des technologies de l’information et des communications ont effectué des annonces similaires.

En novembre 2019, Toshiba Corp avait annoncé avoir conclu un partenariat avec la graduate school of information science and technology de l’Université de Tokyo pour le développement des talents en IA. L’objectif est de fournir à 350 ingénieurs Toshiba une formation de 3 mois en intelligence artificielle, avec des cas d’usages qui s’appuieront sur des données fournies par l’entreprise. Ajouté au recrutement de 200 nouveaux spécialistes en IA et à la formation de 700 ingénieurs en interne, la firme japonaise entend tripler ses effectifs d’ingénieurs IA d’ici mi-2023 (passer de 750 à 2 000 ingénieurs).

Le mois suivant, la société SoftBank Corp. avait à son tour annoncé une collaboration avec l’Université de Tokyo en vue de faciliter la commercialisation des résultats de recherche en Intelligence Artificielle.

En juin 2019, une étude réalisée par la start-up Canadienne Element AI a mis en exergue la situation singulière des spécialistes en IA au Japon. La start-up a identifié un groupe de 22 400 experts internationaux travaillant de le domaine de l’intelligence artificielle (en analysant les auteurs ayant publiés des papiers dans des conférences internationales). En quantité, le Japon se place 6ème avec 805 représentants (3,6 % du total). La France prend la position suivante avec 695 experts identifiés.

Cependant, le Japon se démarque en termes qualitatifs avec des indicateurs de diversité au plus bas. Concernant l’équilibre des genres, le Japon est dernier avec uniquement 9 % de femmes parmi ses top experts en IA (contre plus de 20 % à Taiwan, Singapour ou en Chine, 16 % en France). Par ailleurs, seulement 17 % des experts Japonais ont étudié à l’étranger (2ème plus bas parmi les pays étudiés), contre 27 % des Français, 30 % des Chinois ou 40 % des Singapouriens.

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Au delà des bénéfices apportés par la diversité des profils dans les activités de recherche, il est plus probable que des équipes composées de profils similaires aient tendance à prendre des décisions biaisées en n’ayant à l’esprit qu’un nombre limité de perspectives.

Le gouvernement Japonais a pris tardivement la mesure du retard accumulé en la matière. Dans sa stratégie nationale en IA publié en juin 2019, il se fixe pour objectif de former 2 000 experts en intelligence artificielle par an d’ici 2025, et de former la moitié des diplômés sortant d’université (250 000 personnes par an) aux fondations de l’IA, et d’ « alphabétiser » à l’IA (au même titre qu’apprendre à lire, écrire et compter) tous les lycéens.

Sources :
https://asia.nikkei.com/Business/Technology/Asia-s-AI-talent-pool-broadens-except-in-Japan
https://www.diplomatie.gouv.fr/fr/politique-etrangere-de-la-france/diplomatie-scientifique-et-universitaire/veille-scientifique-et-technologique/japon/article/au-japon-la-penurie-des-ressources-humaines-en-sciences-met-en-peril-les
https://mainichi.jp/english/articles/20191107/p2g/00m/0bu/055000c
https://asia.nikkei.com/Business/Companies/NEC-hikes-starting-pay-over-90-000-putting-skills-before-seniority

Rédacteur :
Guillaume Barraud, Chargé de mission Numérique, Matériaux et Sciences de l’ingénieur, Ambassade de France au Japon
guillaume.barraud -at- diplomatie.gouv.fr