Gouvernance d’Internet, quels enjeux ?
Pour bien comprendre les enjeux de la gouvernance d’internet, il est nécessaire d’en saisir les grands principes techniques.
Internet est un réseau de communication composé de millions de réseaux, possédés et opérés par différents acteurs. Internet connecte ces réseaux entre eux et facilite l’échange global d’information. De fait, le nombre de parties prenantes impliquées dans sa conception et sa réglementation d’Internet se compte par centaines, incluant des gouvernements, des organisations internationales, des entreprises, des comités techniques et bien plus encore.
Un accent particulier doit aussi être mis sur le principe de bout en bout (end-to-end principle) qui est un concept central de l’architecture d’Internet. Ainsi, au lieu d’installer l’intelligence au cœur du réseau, Internet le place à ses extrémités.
L’ensemble de ces particularités techniques explique pour quelles raisons Internet dispose d’une gouvernance à différents niveaux :
Les organes techniques
De nombreux organismes travaillent déjà sur l’infrastructure d’Internet tels :
- l’ICANN (Internet Corporation for Assigned Names and Numbers) dont la mission est de « contribuer à assurer un Internet mondial stable, sûr et unifié ».
Les adresses Internet doivent être uniques, de sorte que les ordinateurs sachent où se trouver les uns les autres. L’ICANN vise à coordonner et à soutenir ces identificateurs uniques dans le monde entier. C’est une société à but non lucratif et d’utilité publique et les participants à ses décisions proviennent des quatre coins du globe. Il existe en outre des registres de noms de domaine régionaux et nationaux, telle l’AFNIC, responsable notamment des domaines se terminant en .fr. - L’ IETF (Internet Engineering Task Force) est un groupe de travail ouvert composé de développeurs chargés d’établir des normes et standards d’Internet.
- L’ISOC (Internet Society) a été fondée par les premiers « pionniers » d’Internet, ce dont elle tire une légitimité morale et technique. Association à but non lucratif née aux États-Unis, elle agit comme une sorte de « superstructure » pour l’IETF et d’autres structures. L’ISOC affiche une volonté d’ « assurer le développement, l’évolution et l’utilisation ouverts d’Internet ». Elle compte des « chapitres » nationaux, tels ISOC FRANCE, presque partout dans le monde.
D’autres comités et groupes de travail se concentrent également sur les normes et les assises techniques, parmi lesquels le W3C (World Wide Web Consortium.) Ce dernier se concentre essentiellement sur l’amélioration des technologies et du format du code HTML utilisé dans les sites Web.
Les entreprises privées
Les entreprises contribuent également à façonner Internet et ses règles. Par exemple, de nombreux services Web et réseaux sociaux ont établi des conditions générales ou termes d’utilisation des services. Ces termes encadrent ce qu’un utilisateur est autorisé à faire ou non pour accéder aux services proposés sur une plateforme donnée.
Les fournisseurs de télécommunications et autres prestataires de services gèrent l’infrastructure de flux de données, des centres de données jusqu’aux câbles sous-marins internationaux en passant par des lignes principales appelées « backbone ».
Aux côtés des pouvoirs publics et de la société civile, les entreprises peuvent travailler ensemble à la mise en œuvre de règles et de processus globaux spécifiques. Ainsi, l’Appel de Christchurch engage, pour la première fois, les gouvernements et les grands acteurs du numérique à prendre des mesures concrètes pour éliminer les contenus terroristes et extrémistes en ligne et mettre fin à l’instrumentalisation d’Internet par des terroristes.
De nombreuses entreprises opérant dans l’économie d’Internet se sont également structurées autour d’associations professionnelles ou cercles de réflexion afin de promouvoir leurs intérêts auprès de la sphère institutionnelle et du grand public. On distingue ainsi en France : France Digitale, The Galion Project, le Syntec numérique…
Les gouvernements et agences publiques
Les gouvernements nationaux façonnent les règles d’Internet de plusieurs manières. Les lois relatives à des domaines spécifiques, élaborées par les parlements nationaux ou les institutions européennes, n’en sont qu’une des facettes les plus visibles.
Des agences sont également impliquées dans l’application et le contrôle des règles concernant l’Internet. Par exemple, la Commission Nationale de l’Informatique et des Libertés (CNIL) est le régulateur des données personnelles. Elle accompagne les professionnels dans leur mise en conformité et aide les particuliers à maîtriser leurs données personnelles et exercer leurs droits.
Les gouvernements sont représentés dans les organes consultatifs de certaines instances telles l’ICANN ou le Forum sur la gouvernance de l’Internet (IGF).
La société civile
Le vocable « société civile » recouvre des structures comme des organisations non gouvernementales (ONG) ou des fondations. La société civile influence la réglementation et l’autorégulation d’Internet au travers d’actions telles que des campagnes de sensibilisation, la participation aux processus de décision politique, ou la recherche de valeurs communes relatives aux nouvelles technologies et applications.
De nombreuses initiatives de la société civile ont pour thème l’accès à l’information et au savoir ou aux biens produits en coopération sur Internet. Les initiatives d’ « open source » telles l’Open Source Initiative et la Free Software Foundation visent à promouvoir les licences de logiciels qui permettent d’accéder, d’utiliser et de modifier librement le code, tandis que la Fondation Mozilla fait la promotion du navigateur Firefox entre autres choses, et que la Fondation Wikimedia soutient le projet Wikipedia.
Les organisations internationales
Les institutions internationales « généralistes » comme les « organisations spécialisées » sont impliquées dans le façonnage et la réglementation de l’Internet.
Les institutions dépendant des Nations unies
- L‘IGF (Internet Governance Forum) a été créé à la suite d’une résolution des Nations unies. L’Assemblée générale des Nations unies a également abordé la gouvernance de l’Internet dans ses résolutions sur la vie privée à l’ère numérique et la cybersécurité internationale, par exemple.
Le Secrétariat général des Nations-unies a confié à la France le rôle-clé de coordinateur et inspirateur d’un groupe de travail sur les questions d’intelligence artificielle. Ces travaux se font écho au rapport de l’ONU « L’âge de l’interdépendance numérique », paru le 10 juin 2019, qui propose de nouvelles idées de collaboration internationale dans le monde numérique. - L’UIT (Union internationale des Télécommunications) se concentre sur les spécifications techniques dans le secteur des télécommunications - par exemple pour le standard sans fil 5G.
D’autres organisations internationales travaillent dans leurs propres sphères d’activité sur des réglementations qui touchent directement ou indirectement Internet. Citons par exemple, les règles commerciales régies par l’OMC (Organisation mondiale du Commerce).
Mise à jour : mars 2020