Réunion des ministres des Affaires étrangères du G7 (14 mai 2022, Weissenhaus)

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(Traduit de l’anglais)
Déclaration sur le renforcement de la capacité d’anticipation en matière d’aide humanitaire

I. CONTEXTE
1. Les besoins humanitaires actuels sont sans précédent. Les crises et les conflits, les effets des changements climatiques et les catastrophes menacent de plus en plus les vies et les moyens de subsistance de millions de personnes, et cette évolution est encore exacerbée par les effets de la COVID-19 et de l’agression injustifiable et illégale de la Russie contre l’Ukraine, qui ne fait suite à aucune provocation. Pour que le système humanitaire continue d’être en mesure de protéger les populations touchées, pour combler le manque de financement croissant et protéger les progrès difficilement réalisés en termes de développement, un changement de paradigme est nécessaire afin de rendre l’aide humanitaire plus efficace et plus prospective.
2. Dans le prolongement des engagements pris dans le cadre du Pacte du G7 pour la prévention de la famine et des crises humanitaires adopté par le G7 à Londres, ainsi que de l’événement de haut niveau sur les mesures d’anticipation qui s’est tenu à New York en 2021, et compte tenu de notre compréhension commune de l’impératif de prévenir et d’atténuer les souffrances humaines et de réduire les besoins avant même qu’ils ne surgissent, nous, G7, nous engageons à renforcer autant que possible la capacité d’anticipation du système humanitaire.
3. Nous prenons acte des efforts significatifs déployés pour faire face aux effets croissants des changements climatiques et nous nous efforcerons de trouver des synergies et la cohérence maximale entre l’aide humanitaire et l’action climatique telle que prévue dans l’Accord de Paris, notamment en apportant une contribution déterminante en termes de capacité d’anticipation pour prévenir, réduire au maximum et traiter le risque de pertes et de dommages liés aux effets du changement climatique. Nous cherchons à tirer le meilleur parti des synergies avec les travaux sur les risques climatiques menés dans le cadre des mesures du G7 en faveur du développement. Par ailleurs, nous saluons et soutenons l’objectif fixé par le Secrétaire général des Nations Unies, selon lequel face à la multiplication des événements météorologiques extrêmes ou des changements climatiques, tous les habitants de la planète doivent, d’ici à cinq ans, être protégés par des systèmes d’alerte précoce. Nous reconnaissons l’importance de l’initiative sur les systèmes d’alerte précoce face aux risques climatiques (CREWS) pour atteindre cet objectif. Nous attendons avec intérêt le plan d’action préparé par l’Organisation météorologique mondiale dans la perspective de la COP 27 en Égypte.
4. Nous notons avec une vive préoccupation les enjeux croissants en termes de sécurité alimentaire et de nutrition à l’échelle mondiale, qui est encore aggravé par l’agression de la Russie contre l’Ukraine. Dans un monde où le risque de famine demeure une véritable menace, il est impératif de poser les fondements qui permettront d’adopter et de moderniser des mécanismes d’anticipation afin de faciliter l’action rapide et d’empêcher le pire. Nous prenons acte des importants efforts complémentaires déployés par le groupe de travail du G7 sur la sécurité alimentaire.

II. NOTRE COMPRÉHENSION COMMUNE DU POTENTIEL DES MESURES D’ANTICIPATION
5. Une mesure d’anticipation est définie comme le fait d’agir en amont d’aléas prévus pour prévenir ou réduire les effets humanitaires graves avant qu’ils ne se fassent totalement sentir. Cela implique de mettre en place des plans arrêtés en amont qui identifient les partenaires et les activités et de prévoir des informations d’alerte rapide fiables et des financements prédéfinis qui pourraient être mobilisés de manière rapide et prévisible lorsqu’un seuil prédéterminé est atteint.
6. Nous nous engageons à tirer le meilleur parti du potentiel des mesures d’anticipation pour faciliter la planification conjointe et une action plus rapide en renforçant la coopération au-delà même du système humanitaire. Cela suppose de prendre des mesures concernant notamment l’adaptation au changement climatique, la prévention des risques de catastrophes naturelles, l’alerte rapide, la préparation, la protection sociale et les moyens de financement de l’action climatique et de la lutte contre le risque de catastrophe naturelle, et le renforcement des capacités et de la participation à tous les niveaux, local, national, régional et international. Pour ralentir l’augmentation des besoins humanitaires, il importe de s’appuyer sur les progrès du Cadre de Sendai pour la réduction des risques de catastrophe, les moyens de financement de l’action climatique et l’axe de travail du G7 sur le financement de l’action climatique et de la lutte contre le risque de catastrophe naturelle, notamment en cas de conflit et de crise prolongée, en encourageant l’utilisation par anticipation de moyens de financement prédéterminés. Par conséquent, nous nous engageons à renforcer le cadre propice à l’anticipation et à améliorer la coopération et l’action transversale.
7. Les pays en prise à des conflits ou des crises prolongées sont parmi les plus vulnérables aux changements climatiques et possèdent une capacité limitée d’absorption des chocs et d’élaboration de structures de gestion des risques de catastrophe naturelle par anticipation. Notre engagement conjoint en faveur du renforcement de l’anticipation doit inclure des mesures permettant de l’appliquer de manière croissante en cas de conflit ou de crise prolongée dans lesquels les chocs liés aux catastrophes naturelles et aux changements climatiques exacerbent les besoins liés au conflit. Actuellement, nos engagements portent principalement sur les chocs liés aux catastrophes naturelles et aux changements climatiques, mais nous devons continuer d’améliorer notre compréhension de l’importance de l’anticipation pour atténuer les effets humanitaires d’autres chocs, compte tenu du fait que la majorité des besoins humanitaires découle de risques causés par l’homme tels que les conflits et les violences.
8. Des structures et des systèmes bien établis et opérationnels de gestion des risques climatiques et de catastrophes naturelles sont importants pour permettre l’efficacité de l’anticipation. Dans les contextes humanitaires dans lesquels ceux-ci ne sont pas totalement opérationnels, des mesures internationales seront nécessaires à la fois pour renforcer les capacités et pour compléter les efforts existants afin de faire évoluer les mesures d’anticipation. Par conséquent, nous soulignons la nécessité de continuer à soutenir la constitution et le renforcement de structures et de systèmes nationaux, régionaux et locaux de gestion des risques climatiques et de catastrophes naturelles lorsque cela est nécessaire afin de consolider la capacité d’anticipation dans ces situations.

III. RENFORCEMENT ET INTÉGRATION DES MESURES D’ANTICIPATION DANS LE SYSTÈME HUMANITAIRE
9. Si l’aide humanitaire traditionnelle demeure essentielle en cas de conflit ou de catastrophe naturelle, l’anticipation nous permet d’agir en amont des catastrophes ou des crises, avant la perte de vies humaines et la disparition de moyens de subsistance. En conséquence, nous, G7, réaffirmons notre volonté d’encourager, de développer et de prendre en compte systématiquement la capacité d’anticipation dans le système humanitaire, en particulier dans les pays où existe une infrastructure bien établie de prévention des risques de catastrophes naturelles.
10. Nous nous engageons à soutenir l’intégration de mesures d’anticipation dans le cycle des programmes d’action humanitaire ainsi que dans les stratégies de planification du développement et les plans nationaux d’adaptation afin de mettre en place et de consolider les structures, systèmes et capacités qui permettent une action rapide et de renforcer les capacités dans les zones à fort risque de catastrophe. Dans ce contexte, nous saluons également les importantes recommandations formulées par le Bureau des Nations Unies pour la prévention des catastrophes ainsi que sa liste de contrôle sur le renforcement de la prévention des risques de catastrophes naturelles dans l’action humanitaire 2.0.
11. Nous nous engageons à soutenir, renforcer et accroître la disponibilité de données prévisionnelles de qualité sur les risques, qui comportent les aléas et les besoins prévus pour améliorer les systèmes d’alerte rapide et l’analyse des risques. Cela implique de concevoir et de définir ensemble des modes d’analyse de risque innovants, des seuils, des critères de déclenchement et une modélisation de l’anticipation, ainsi que des investissements dans la coordination et les infrastructures pour permettre le partage de données et de modèles afin de multiplier les connaissances, les applications concrètes et les expériences de l’anticipation. Nous nous engageons à y contribuer, notamment à l’aide du Fonds d’analyse des risques complexes de l’ONU (CRAF) et de l’Indice de gestion des risques INFORM.
12. L’expérience démontre le rôle crucial des acteurs locaux dans la mise en œuvre réussie de mesures d’anticipation. Ces acteurs comprennent le mieux les vulnérabilités, les besoins, les capacités et les obstacles à la participation au niveau local et permettent d’apporter une réponse globale. Le fait d’agir en amont de la crise permet de mener des actions davantage au plan local. Nous nous nous engageons à soutenir les communautés locales, la société civile et les autorités des pays concernés pour qu’elles puissent jouer un rôle moteur dans l’analyse et la gestion des risques climatiques et de catastrophes naturelles, la collecte des données, la préparation et la programmation.
13. Nous nous engageons en faveur de l’inclusion et de la participation à des mesures d’anticipation, ainsi que de l’autonomisation des communautés, groupes et personnes vulnérables et marginalisés en termes de mesures d’anticipation. Nous reconnaissons que le sexe, l’âge, les aptitudes, l’identité ethnique et religieuse, le statut de déplacé et l’identité sexuelle se superposent à des obstacles économiques, sociaux et culturels à l’inclusion dans les mesures d’anticipation. Nous croyons qu’une capacité d’anticipation forte reconnaît chacune et chacun comme agent de changement et atténue les risques de violences sexistes, de discriminations et d’inégalités.
14. L’apprentissage collectif, la coordination et les partenariats sont des facteurs essentiels du renforcement de la capacité d’anticipation, ainsi que du développement et de la diffusion d’un ensemble d’éléments probants à tous les niveaux. Nous nous engageons à y contribuer, notamment par des initiatives telles que le pôle Anticipation, le Partenariat sur l’action précoce face au risque et le réseau mondial contre les crises alimentaires.
IV. UNE AUGMENTATION DES MOYENS FINANCIERS POUR RENFORCER LA CAPACITÉ D’ANTICIPATION
15. Des financements doivent être fournis à plus grande échelle et de manière flexible et prévisible pour définir et alimenter des mesures en faveur de la capacité d’anticipation en tant que de besoin, en veillant à ce que les acteurs et les protocoles soient définis pour permettre la mise en œuvre de mesures d’anticipation lorsque celles-ci sont déclenchées.
16. Nous, principaux bailleurs du système humanitaire, nous efforçons d’accroître de manière significative notre soutien financier à la programmation de mesures d’anticipation. Cela suppose notamment de prépositionner des fonds auprès des organisations humanitaires dans des fonds communs et des instruments de financement pertinents. Conscients de leurs vulnérabilités et difficultés spécifiques, nous axerons nos efforts en priorité sur les crises prolongées et les situations liées à un conflit.
17. Nous utiliserons les instruments de financement existants et chercherons de nouvelles solutions de financement pour mettre en œuvre nos engagements et développer la capacité d’anticipation dans le cadre des fonds existants, notamment pour les pays disposant d’une infrastructure bien établie de prévention des risques de catastrophes naturelles, mais aussi de nouvelles solutions de financement. Pour soutenir la diversité des instruments de financement de l’aide humanitaire, nous cherchons à accroître notre soutien aux instruments existants tels que les fonds communs (Fonds central pour les interventions d’urgence, Fonds d’urgence pour les secours lors de catastrophes de la Fédération internationale des Sociétés de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge), ainsi qu’aux Fonds Start et Start Ready. Par ailleurs, nous appelons à élargir cette approche aux fonds de financement communs par pays, en tant que de besoin. Nous étudierons comment accroître l’anticipation concernant les financements de la lutte contre le risque de catastrophe en utilisant les prévisions pour déclencher le versement plutôt qu’en mobilisant des fonds provenant de fonds à risque en fonction d’une étude d’impact modélisée.
18. Nous ferons porter l’accent sur les instruments financiers qui concernent les dirigeants, les communautés et les systèmes au plan local pour que leurs programmes d’action par anticipation tiennent compte du contexte local, des connaissances et des évaluations du risque, s’inscrivent dans les structures locales et continuent de renforcer les capacités des communautés locales et des systèmes nationaux.
19. Dans un esprit de redevabilité et de transparence, nous nous efforçons de mettre au point des moyens de mieux assurer le suivi et rendre compte de notre financement humanitaire des mesures d’anticipation. À cette fin, nous nous engageons à élaborer une méthodologie qui améliore notre compréhension des montants de financements dédiés aux mesures d’anticipation et des possibilités de les accroître. Cet engagement s’inscrit dans le prolongement des efforts déployés par le groupe du G7 pour la prévention de la famine et des crises humanitaires et peut s’appuyer sur les travaux du Centre de protection contre les catastrophes naturelles. En utilisant cette méthodologie commune, nous cherchons à établir un point de référence pour nos financements individuels et rendrons compte ultérieurement de nos soutiens financiers aux futures mesures d’anticipation.