Ville de Toulouse - ville d’Hanoï (Vietnam) : repenser le développement urbain en s’adaptant aux enjeux climatiques

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Le Vietnam compte parmi les cinq pays au monde les plus vulnérables aux conséquences du changement climatique. Hanoï est identifiée comme l’une des six villes les plus polluées au monde (source PNUE – 2007). Après être très rapidement passée d’un usage massif du vélo à celui des deux roues motorisés, (80% des déplacements en 2006), la ville-capitale d’Hanoï connaît aujourd’hui une deuxième révolution de ses pratiques de déplacements avec l’arrivée massive d’automobiles (+21% d’immatriculations par an) qui aggrave la situation en matière de santé publique.

Au-delà des questions de qualité de l’air, ces évolutions risquent de provoquer très rapidement une déstructuration d’une ville largement constituée d’une juxtaposition de noyaux villageois, et de modes de vie traditionnels des hanoïens, organisés autour d’un parcellaire étroit et d’un habitat sous forme d’échoppes non compatibles avec la généralisation de la voiture particulière.

Dans ce contexte, les villes de Toulouse et Hanoï s’associent pour mettre en œuvre des politiques publiques de mobilité répondant à un enjeu d’adaptation climatique par une réduction des émissions de gaz à effet de serre et de consommation énergétique.

Nous avons rencontré Nguyen Duc Hung, architecte et directeur général adjoint de l’Institut de la Planification urbaine d’Hanoï, lors de la table ronde "les collectivités locales s’engagent pour le climat" organisée le 5 décembre dans le cadre de la COP21, au Bourget.

Depuis 1996, Hanoï et Toulouse coopèrent dans le domaine de la protection et de la mise en valeur du quartier ancien de Hanoï et restent profondément attachées à cette coopération initiée par Dominique Baudis (maire de Toulouse de 1983 à 2001). Cette relation d’amitié n’a cessé de se renforcer avec l’élargissement des échanges dans les domaines culturel, économique et en matière de développement urbain durable.

L’enjeu du développement urbain durable a été pris en compte dès 2012 avec l’aménagement de l’axe urbain " Ton Duc Thang – Nguyen – Trai " selon une démarche participative intégrant les modes de vie, les comportements et les besoins des habitants, dans le processus d’évolution de la ville.

Un nouvel accord de partenariat a été signé en 2014, à l’occasion de la semaine culturelle de Hanoï à Toulouse organisée dans le cadre de l’" Année Vietnam-France ", marquant la volonté de poursuite de cet engagement.

Cette coopération a intégré dès son démarrage plusieurs éléments innovants avec des retombées pour chacune des deux villes :

  • un partenariat élargi dès l’origine du projet : d’importantes structures sont associées à cette coopération : des institutions, des universités, des associations et acteurs techniques et culturels ;
  • une participation citoyenne : le projet est défini et mis en œuvre d’une façon participative, en prenant en compte de façon privilégiée les habitants ;
  • une forte implication des services municipaux concernés.

Dans le cadre du nouveau projet, il s’agit, d’une part, d’avoir une réflexion commune autour des modes de déplacement du " Vieux quartier ", dit des " 36 rues ", et notamment la mise en place d’un plan de circulation qui détourne les flux de transit et la définition de principes de partage des espaces publics (continuité piétonnes, places, paysagements, activités commerciales diurnes et nocturnes…). D’autre part, de poursuivre l’aménagement de l’axe urbain " Ton Duc Thang – Nguyen Trai ", en incluant des transports collectifs propres qui priorisent clairement le partage de l’espace public aux dépens de la voiture individuelle.

5 décembre, Nguyen Duc Hung, architecte et directeur général adjoint de l’Institut de la Planification urbaine d’Hanoï, répond à nos questions en direct de la COP21, où le projet vient d’être évoqué lors de la table ronde " les collectivités locales s’engagent pour le climat ".

MAEDI : Pourriez-vous nous rappeler brièvement les objectifs du projet ?

Nguyen Duc Hung : Le projet proposé vise la mise en œuvre de politiques publiques de mobilité répondant à un enjeu d’adaptation climatique par une réduction des émissions de gaz à effet de serre et de consommation énergétique. L’ensemble des actions s’inscrit dans un objectif de création et d’amélioration d’espaces publics. Concrètement, il s’agira de réduire les flux motorisés fossiles et d’inclure de la végétalisation dans le quartier des 36 rues, en pleine évolution, et de poursuivre l’aménagement de l’axe urbain "Ton Duc Thang – Nguyen Trai" long de 30 km, d’en améliorer la gestion hydraulique, de végétaliser les espaces publics…

Pourquoi avoir choisi l’angle de la mobilité durable ?

C’est en allant directement à Toulouse que nous avons décidé d’agir de concert pour cette initiative. La mairie d’Hanoï a toujours apporté son soutien à la coopération que nous menons, mais parfois, les choix politiques peuvent s’avérer compliqués. Le déclic s’est fait lorsque nous avons vu ce qu’une politique de mobilité durable peut donner sur une grande ville.

De plus, ce choix a été fait avec M. Ionesco (architecte et co-porteur du projet) pour une action pérenne de long terme. Elle lie politique de transport et politique d’urbanisme à différents horizons. La démarche globale de mobilité durable a pour vocation d’assurer une optimisation des systèmes proposés et une cohérence dans leurs localisations au bénéfice de l’intérêt général (populations desservies, santé, environnement, cadre de vie). La gestion et l’exploitation des espaces et des systèmes qui en découlent seront sous la responsabilité des acteurs locaux.

Pouvez-vous nous en dire plus sur le partenariat universitaire mis en place ?

Ce partenariat répond au besoin de formation transversal qui devait être mis en place pour la bonne conduite de nos actions au niveau des habitant du quartier ainsi que sur l’axe que nous aménageons, afin d’éviter les erreurs commises dans le passé, de développement intempestif, polluant et consommateur d’énergies fossiles. Les universités offrent de nouvelles idées qu’il faut savoir exploiter. C’est pour cela que nous avons décidé d’associer l’université d’architecture d’Hanoï (UAH) et l’École nationale supérieure d’architecture de Toulouse (ENSAT). Le partage des connaissances permet d’augmenter le niveau d’expertise et de répondre avec pertinence aux objectifs que nous nous sommes fixés. Le partenariat existe depuis 1996, il fallait que nous étendions notre collaboration aux acteurs gravitant autour de nous.

Quelles suites souhaitez-vous donner à ce projet ?

Le résultat attendu, c’est le changement d’image de la capitale. Hanoï souffre du statut de capitale surpeuplée et sale. Le partenariat que nous menons avec Toulouse permet de changer les consciences. C’est dans ce sens que nous avons commencé à travailler et c’est ainsi que nous continuerons dans les années à venir.

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Nguyen Duc Hung (2ème en partant de la gauche), architecte et directeur général adjoint de l’Institut de la Planification urbaine d’Hanoi et Jérôme Ionesco (à droite), architecte et responsable des Projets et Formes Urbaines à l’Agence d’Urbanisme de l’aire urbaine de Toulouse. Photo : DR

Nguyen Duc Hung (2ème en partant de la gauche), architecte et directeur général adjoint de l’Institut de la Planification urbaine d’Hanoi et Jérôme Ionesco (à droite), architecte et responsable des Projets et Formes Urbaines à l’Agence d’Urbanisme de l’aire urbaine de Toulouse. Photo : DR

Les acteurs impliqués :

  • Ville de Toulouse
  • Ville d’Hanoï
  • Hanoi Urban Planning Institute
  • Agence d’Urbanisme de l’aire urbaine de Toulouse
  • École nationale supérieure d’architecture de Toulouse
  • Université de Toulouse-le-Mirail
  • Université d’architecture de Hanoï
  • La société civile, avec les associations : Maison du Vietnam, Tchin-Tchine, des étudiants vietnamiens, d’amitié France-Vietnam…

Ce projet a été sélectionné dans le cadre de l’appel à projets Climat 2015, lancé par le ministère des Affaires étrangères et du Développement international (MAEDI), en partenariat avec le ministère de l’Écologie, du Développement durable et de l’Énergie (MEDDE) et le ministère de l’Agriculture, de l’Agro-alimentaire et de la Forêt (MAAF) ainsi qu’avec la Fondation Schneider Electric, sous l’égide de la Fondation de France.