Commune de Seclin - commune de Méguet (Burkina Faso) : restaurer, protéger et gérer de manière durable les forêts naturelles pour s’adapter aux effets du dérèglement climatique

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Les forêts de la région de la commune de Méguet sont dégradées de façon croissante, à cause des catastrophes climatiques (sécheresses inopinées, pluies torrentielles, tornades, feux de saison sèche…), mais également par l’homme (coupe de bois de feu, besoins en fourrage, conflits d’usage sur la terre, forte croissance démographique accentuant la pression sur les ressources naturelles…). Face à cette constatation, Seclin, commune de 12 500 habitants en région Nord-Pas-de-Calais-Picardie, et Méguet, liées depuis 1986, se sont engagées depuis quelques années dans un projet de protection et de gestion durable des forêts naturelles du village de Kakim, dans la commune de Méguet.

Avec l’appui technique de l’Administration forestière et le concours financier de la commune, les villageois ont tout d’abord défini un domaine forestier de 250 hectares qu’ils ont eux-mêmes ceinturé par un système de pare-feu et pour lequel ils ont constitué un comité de surveillance composé de villageois, dans une démarche participative. Entre 2009 et 2014, ce comité a procédé au déguerpissement définitif des troupeaux nomades, à l’enrichissement des trouées en essences locales, à la construction de cordons pierreux, à la récolte organisée du bois mort gisant tandis que les femmes ont récolté les noix de néré et karité. Enfin, la surface de la forêt a été portée à 400 ha en 2012. Grâce à ce programme, la forêt villageoise n’a subi aucun feu de brousse depuis 2008, alors qu’elle était dévastée chaque année auparavant. Le tapis de graminées disparaît peu à peu, permettant l’émergence de pousses ligneuses. De ce fait, la forêt devient naturellement résistante aux feux et héberge plusieurs espèces animales qui l’avaient désertée, en particulier des antilopes, des phacochères et des buffles.

Nous avons rencontré Pierre Kaboré, ex-maire de Méguet et coordonnateur technique de l’Association solidarité pour un Développement communautaire (ASDC), co-responsable du projet, lors de la table ronde "les collectivités locales s’engagent pour le climat" organisée le 5 décembre 2015, par le Ministère des Affaires étrangères et du Développement international, dans le cadre de la COP21, au Bourget.

Et aujourd’hui ?

Avec l’appui de la Fédération nationale des Communes forestières (FN-COFOR), par l’intermédiaire de COFOR International dans la maîtrise d’ouvrage et avec la commune de Seclin, la commune de Méguet souhaite donc poursuivre et amplifier ce processus de reconquête forestière, en créant sur le même modèle deux autres forêts villageoises dans les zones les plus dégradées de son territoire. Elle a créée pour cela le Programme intégré de restauration et de protection des forêts naturelles dans la commune de Méguet, sous l’autorité des élus locaux.

Cette initiative a pour objectif d’étendre le processus de protection et de gestion durable des forêts naturelles relictuelles à deux autres villages. Ces forêts seront délimitées entre les villages et la commune, puis dotées d’un plan d’aménagement multifonctionnel simplifié qui conciliera les divers usages de ces espaces : protection des sols, des eaux et du climat, production de bois, de fourrage et d’autres produits non ligneux.

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16 villages de la commune pourraient protéger et gérer 6400 ha de forêt. Photo : DR

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Création et protection de nouvelles forêts villageoises sur le territoire de Méguet. Photo : DR

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Enrichissement des trouées en essences locales. Photo : DR

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La population riveraine des forêts participe aux travaux de reboisement. Photo : DR

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Replanter, c’est aussi agir en faveur du climat, la forêt est en effet un puit de carbone. Photo : DR

5 décembre, Pierre Kaboré, ex-maire de Méguet, coordonnateur technique de l’Association solidarité pour un Développement communautaire (ASDC) et co-responsable du projet répond à nos questions en direct de la COP21, où le projet vient d’être évoqué lors de la table-ronde "les collectivités locales s’engagent pour le climat".

MAEDI : Pouvez-vous brièvement nous rappeler les différentes étapes et enjeux du projet ?

Pierre Kaboré : La réalisation de ce projet se fait en plusieurs actions simultanées sur environ une année d’avril 2015 à avril 2016, mêlant concertations sur la délimitation de la zone géographique attribuée aux deux forêts, fixation de l’agriculture en périphérie avec l’appui des acteurs économiques impliqués, réalisation du plan général d’aménagement et renforcement institutionnel du projet.

Au-delà de l’enjeu climatique pour la région, la restauration des forêts participe directement au développement local du territoire. Cette initiative doit procurer une formation et des emplois aux jeunes ruraux et améliorer le cadre de vie général des populations riveraines des forêts.

Quelle est la particularité de cette coopération décentralisée ?

Non seulement nous protègeons les ressources forestières, mais nous les valorisons également. Les ressources des forêts (Karité, Moringa) seront récoltées et transformées grâce à la création de coopératives. D’autres entreprises doivent participer à l’entretien et l’exploitation forestière qui créeront des emplois et contribueront à l’élévation du niveau de vie de la commune.

De plus, cette réalisation a vocation à améliorer les relations entre les chefs coutumiers, élus locaux et agents de l’administration des collectivités burkinabès par une prise de conscience collective de la conservation des zones forestières.
Toutefois, il ne faut pas oublier que tout est pensé pour la population locale, car c’est elle qui est l’acteur majeur du développement de son territoire. Je crois que c’est cette particularité qui a nous a permis d’obtenir le label COP21.

En quoi la ville de Seclin a pu être un atout dans la réalisation de votre action ?

Ce sont les contacts tissés depuis 1986 qui ont permis de concrétiser cette initiative. Les liens qui unissent les deux communes vont bien au-delà de la simple coopération formalisée. Quand je suis à Seclin, je suis à Méguet, et inversement ! Lorsque je séjourne à Seclin, je dors directement chez l’habitant, parfois chez les agents de la commune…

En quelques mots, voulez-vous partager une dernière impression ?

Depuis que nous travaillons ensemble, beaucoup de seclinois se sont rendus à Méguet et inversement. Nous avons même recensé des mariages franco-burkinabè, après toutes ses années de collaboration et d’amitié. Ce qui fait la réussite de cette coopération, c’est le dialogue d’homme à homme qui s’est instauré entre les différentes parties, et auquel participent les jeunes de la commune de Méguet et de celle de Seclin via des chantiers de coopération.

Ce projet a été sélectionné dans le cadre de l’appel à projets Climat 2015, lancé par le ministère des Affaires étrangères et du Développement international (MAEDI), en partenariat avec le ministère de l’Écologie, du Développement durable et de l’Énergie (MEDDE) et le ministère de l’Agriculture, de l’Agro-alimentaire et de la Forêt (MAAF) ainsi qu’avec la Fondation Schneider Electric, sous l’égide de la Fondation de France.