Quai d’Orsay - Projet de loi de finances pour 2022 - Audition de François Delattre, secrétaire général du ministère de l’Europe et des affaires étrangères, devant la Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées du Sénat (Paris, 03 novembre 2021)

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Monsieur le Président, Mesdames les Sénatrices, Messieurs les Sénateurs, c’est un honneur pour l’équipe qui m’accompagne et pour moi de rencontrer à nouveau votre Commission dans le cadre de l’examen du projet de loi de finances pour 2022. Je souhaite vous remercier pour cette invitation mais aussi pour votre engagement. Nous y voyons une grande marque d’attention pour le ministère de l’Europe et des affaires étrangères, à un moment où celui-ci est engagé sur tous les fronts dans le cadre des deux missions "Action extérieure de l’Etat" et "Aide publique au développement" qui se répartissent presque équitablement le budget du ministère, lequel se monte à 6,03 milliards d’euros.

La dernière fois que je m’étais exprimé devant vous, j’avais eu l’occasion de mettre en relief la mobilisation exemplaire de notre diplomatie et de ses agents face à la pandémie et à ses effets. Cette mobilisation s’est poursuivie sans discontinuer depuis face à l’accumulation sans précédent des crises internationales de toutes natures mais aussi des défis dits globaux, qui mettent à l’épreuve nos intérêts et nos valeurs. Non seulement la diplomatie française a tenu le choc, mais elle l’a fait avec un professionnalisme, un savoir-faire et un niveau d’engagement de ses agents à donner foi dans le service public.

L’opération Apagan en Afghanistan et ses suites, dont le Président de la République a tenu à féliciter publiquement les agents concernés il y a quelques jours, en a donné une nouvelle illustration très concrète, au service de nos compatriotes et, en l’espèce, des Afghans menacés parce qu’ils partagent les valeurs qui sont les nôtres.

Comme vous me l’avez proposé, je vais consacrer mon propos liminaire aux grandes orientations du budget, sans répéter la présentation détaillée que vous en a fait le Ministre. Je souhaite partager avec vous notre analyse sur la façon dont les moyens en hausse significative (plus 12%) du budget proposé pour le ministère vont très concrètement servir notre action, sur 5 volets notamment :

  • le renforcement de l’outil diplomatique,
  • l’accroissement de l’aide publique au développement,
  • notre soutien au multilatéralisme,
  • la montée en puissance de notre diplomatie d’influence,
  • et le service public aux Français.

Premier axe : ce budget renforce les différentes composantes de notre outil diplomatique, dans le cadre d’une démarche méthodique et cohérente sur plusieurs années.

Je voudrais mettre en exergue trois éléments à ce titre.

Premier élément : le projet de loi de finances pour 2022 sanctuarise la force de travail du ministère en stabilisant son plafond d’emploi, à 13.606 ETP pour être précis. En d’autres termes, pour la deuxième année consécutive et grâce à votre soutien, les effectifs du Quai d’Orsay sont stables. Cette stabilité, nous l’espérons, inscrit dans la durée l’arrêt de l’attrition de nos ressources humaines qui, après deux décennies de réduction des emplois, devenait de plus en plus insoutenable.

Deuxième élément : en parallèle à la préservation du nombre d’agents, ce budget nous donne par ailleurs les moyens de conduire la réforme des ressources humaines du ministère que nous préparons depuis plus d’un an. Notre masse salariale lui dédie ainsi une enveloppe de 24 millions d’euros, complétée d’un budget de 10 millions d’euros sur nos moyens de fonctionnement, soit 34 millions d’euros au total. La conception de ce plan tient compte de tous les leviers disponibles pour valoriser nos métiers et traite de toutes les catégories d’agents, quels que soient leurs grades et leurs statuts. Il s’appuie sur le travail d’une équipe mobilisée pendant plusieurs mois autour de l’ambassadeur Jérôme Bonnafont, à l’initiative du Ministre, pour à la fois promouvoir la dynamisation des carrières, effectuer un effort inédit sur la formation, via notamment la création de l’Ecole diplomatique et consulaire, et renforcer l’ouverture et l’attractivité de notre ministère. Cette réforme, menée conjointement avec une modernisation profonde des méthodes de travail à laquelle je suis très attaché, montre que notre ministère, contrairement à la réputation de conservatisme qui lui est parfois attribuée à tort, non seulement s’adapte en permanence, mais est à la pointe des efforts de modernisation de l’Etat.

Troisième élément : le budget 2022 comporte également de bonnes nouvelles pour nos outils vitaux que sont le numérique et l’immobilier.

Notre stratégie pluriannuelle d’investissements numériques bénéficie dans le projet de budget de mesures nouvelles à hauteur de 10 millions d’euros. Je vous le rappelle, toute notre stratégie vise à concilier un haut niveau de sécurité et un outillage numérique de toutes nos catégories d’agents à l’échelle du monde entier.

S’agissant de l’immobilier, la mise à niveau de nos moyens au service d’une stratégie immobilière clairement définie se poursuivra en 2022 par deux voies : d’une part, la poursuite d’un effort budgétaire, via notamment 41,7 millions d’euros consacrés à l’entretien lourd à l’étranger ; d’autre part, un complément apporté à ces moyens "rebasés" par une dotation de 36 millions d’euros sur le compte d’affectation spéciale 723. Ces fonds du CAS ne seront soumis à aucune contrepartie. Au total nous atteignons ainsi un niveau annuel soutenable pour entretenir et adapter notre patrimoine immobilier. Nous aurons besoin que cet effort soit renouvelé.

Nous aurons également besoin qu’il soit adapté : pour conduire des opérations d’investissement en nombre, nos rythmes d’engagements et de décaissements se jouent nécessairement au-delà de l’année budgétaire. Nous espérons donc qu’à l’avenir nos dépenses d’entretien lourd sur le programme 105 pourront être budgétées en tenant compte de la dimension pluriannuelle de ce type de dépenses et en distinguant ainsi les autorisations d’engagement des crédits de paiement.

Deuxième axe : outre le renforcement de notre outil diplomatique, ce projet de budget marque un effort important de renforcement de notre aide publique au développement, en pleine cohérence avec la loi de programmation relative au développement solidaire et à la lutte contre les inégalités mondiales que vous avez adoptée.

Le programme 209 augmente ainsi de 23%. C’est un effort qui permettra de concrétiser l’engagement du Président de la République de consacrer 0,55% du revenu national brut à l’APD en 2022. Cela constitue la première étape vers l’objectif de 0,7% en 2025, une obligation qui a été inscrite dans la loi de programmation.

Dans ce cadre, nos priorités restent celles qui ont été fixées par le CICID de 2018 avec une matrice simple et lisible :

  • Cinq priorités sectorielles : la santé, le climat, l’égalité entre les femmes et les hommes, l’éducation, la prévention des crises et le traitement des fragilités.
  • Des priorités géographiques qui nous amènent à concentrer l’aide sur dix-neuf pays prioritaires : 18 pays d’Afrique subsaharienne et Haïti.

Conformément aux orientations du Président de la République, la composante bilatérale de l’APD poursuivra sa progression. Elle sera tout d’abord portée par la hausse des moyens alloués à l’Agence française de développement [AFD] au titre de l’aide-projet, c’est-à-dire le don projet et les dons ONG. Ils progressent respectivement de 18,5% et 10 ,3%. Ces moyens atteignent ainsi, en crédits de paiement, près d’un milliard d’euros, hors rémunération de l’Agence.

La priorité donnée à l’aide bilatérale se traduit également par les moyens consacrés, à hauteur de 70 millions d’euros, aux projets du Fonds FSI, le Fonds de solidarité pour les projets innovants, les sociétés civiles, la francophonie et le développement humain. Ces moyens avaient été rehaussés de 10 millions d’euros en 2021. Nous avons veillé à ce que ce niveau soit maintenu l’année prochaine. Ces programmes, portés par nos ambassades et à la main de nos ambassadeurs, ont fait la preuve de leur efficacité pour financer des projets très concrets, à fort effet de levier et visibilité, et peuvent être mis en place très rapidement.

L’aide humanitaire atteindra 500 millions d’euros en 2022, conformément à l’objectif fixé par le CICID en 2018. Cet objectif sera atteint grâce à une hausse des crédits humanitaires de près de 170 millions d’euros par rapport à 2021. Les canaux d’acheminement de l’aide humanitaire verront tous leurs crédits progresser, qu’il s’agisse des contributions volontaires aux Nations unies, du Fonds d’urgence humanitaire et de l’aide alimentaire programmée. Au sein de ces moyens, 50 millions d’euros sont réservés à l’aide humanitaire en Syrie.

Par ailleurs, les crédits relatifs à l’appui à la coopération décentralisée seront portés à 14,2 millions d’euros, en hausse de 2,7 millions d’euros par rapport à la loi de finances 2021. Je relève que, si la crise sanitaire a eu pour effet de décaler un certain nombre de projets, les collectivités territoriales ont fait preuve d’un engagement constant en matière de coopération décentralisée et de solidarité, et elles ont su adapter leurs modalités d’action aux circonstances.

Je tiens également à vous faire part de la progression continue de notre soutien aux dispositifs de volontariat, notamment via l’opérateur France Volontaires, et à l’engagement de la société civile qui atteindra l’année prochaine 25,6 millions d’euros, soit une augmentation de 7,1%.

Troisième axe : ce budget traduit notre vision en faveur d’une approche coopérative et multilatérale.

Le mouvement d’affaiblissement et de contestation du système multilatéral est indéniable et en voie d’accélération, malgré le réengagement américain. Je l’ai personnellement expérimenté durant mon mandat à New York. Alors que la France est très attendue sur ce sujet pour pleinement jouer son rôle de puissance d’équilibre, cet engagement en faveur du multilatéralisme se traduit de différentes manières dans le projet de budget.

D’abord, la défense d’une approche collective de la sécurité. Cela passe par un soutien concret à diverses organisations via nos contributions volontaires. Le programme 105 porte ainsi une augmentation de 9,6 millions d’euros, qui seront consacrés à la prévention des conflits, aux organisations de sécurité internationale ainsi qu’à la présence française dans les instances multilatérales (Fonds de consolidation de la paix, soutien à des organisations comme l’AIEA, l’OIAC et l’OSCE, financement des JEA).

Ensuite, la mobilisation face aux crises de toutes natures. Le programme ACT-A, lancé en 2020 à l’initiative du Président de la République en réponse à la crise sanitaire, en est un exemple éloquent. L’objectif est clair : favoriser le développement, la production et l’accès équitable et universel aux tests, traitements et vaccins contre la Covid-19, et renforcer les systèmes de santé. Au sein d’ACT-A, la France plaide pour faire du vaccin un bien public mondial, accessible en termes de prix et de quantité aux pays les plus pauvres. La contribution française à cette initiative va être considérablement renforcée en 2022, avec 125 millions d’euros de contributions nouvelles sur le programme 209 du ministère, après un effort de même volume cette année, en gestion 2021. Cela fait donc un effort supplémentaire combiné de 250 millions d’euros afin notamment de garantir un meilleur accès à la vaccination dans les pays les moins bien dotés.

Autre illustration de cet engagement en faveur du multilatéralisme dans ce projet de budget : la préservation des biens publics mondiaux. Le programme 209 porte ainsi nos contributions aux fonds multilatéraux en faveur de l’éducation, la santé, l’égalité entre les hommes et les femmes et le climat. Le Ministre y est longuement revenu devant vous. Pour n’en prendre qu’un seul exemple, nous avons ainsi utilisé le Forum génération égalité pour marquer, dans un cadre multilatéral, nos engagements en faveur de l’égalité hommes/femmes et des droits des femmes, avec un accent sur les des droits et santé sexuels et reproductifs. C’est dans ce cadre que la France a annoncé lors du Forum, en juillet à Paris, une contribution de 18 millions d’euros sur cinq ans au Fonds des Nations unies pour les populations, le FNUAP.

Enfin, pour oeuvrer efficacement au service d’une approche multilatérale, il nous faut montrer l’exemple au niveau européen. D’un point de vue budgétaire, il est important de relever que les vecteurs de notre coopération communautaire évoluent : la part du Fonds européen de développement [FED] continue ainsi de décroitre dans le budget du ministère : c’est la conséquence de l’intégration du Fonds dans le nouvel instrument européen de coopération, le NDICI qui, lui, est financé par la contribution française au budget de l’UE.

Quatrième axe : le budget 2022 nous donne les moyens de faire de la diplomatie d’influence un puissant instrument de politique étrangère, ce qu’elle doit être pour valoriser cet atout majeur de notre pays face à une compétition internationale de plus en plus féroce sur ce plan aussi.

Nous en avons fait le constat, notre réseau éducatif et culturel a été résilient face à la crise sanitaire. De même, notre audiovisuel extérieur a été un vecteur crucial dans la lutte contre les infox et comme lien entre les communautés. Tout cela nous a montré, s’il en était besoin, les atouts considérables dont dispose notre diplomatie à l’échelle du monde : des écoles pour former les esprits, des lieux de débat pour inventer les sociétés de demain, des programmes pour attirer les talents. Nous savons que la bataille est rude car la concurrence est intense et les codes évoluent très vite. Il est donc plus nécessaire que jamais d’investir dans ces vecteurs, dans nos savoir-faire, le tourisme, l’expertise culturelle, les industries culturelles et créatives, pour porter nos intérêts et notre vision du monde. La reprise post pandémique nous en donne l’opportunité et il faut la saisir.

C’est cette ambition que servent les crédits du programme 185, qui augmentent de plus de 15 millions d’euros en 2022.

Cette augmentation permet tout d’abord au Quai d’Orsay de maintenir son appui aux opérateurs d’influence au niveau atteint l’année dernière - je pense à l’AEFE, à Campus France et à l’Institut Français, avec une légère hausse de la subvention versée à Atout France.

Grâce aux crédits supplémentaires accordés au programme 185, ce sont en outre plus de moyens qui vont pouvoir être consacrés, à l’étranger, aux campus bilatéraux et, sur notre territoire, aux bourses d’études et de stage dont l’enveloppe est portée à 64 millions d’euros. Pour prendre quelques exemples particulièrement significatifs, des mesures nouvelles viendront également en soutien à l’internationalisation des industries culturelles et créatives françaises ainsi qu’à l’année de la gastronomie et à la villa Albertine, qui constitue un projet majeur dans l’action culturelle de la France aux Etats-Unis.

Cinquième axe : je conclurai ce propos liminaire par le programme 151, qui consacre le rôle du Quai d’Orsay en tant que grand service public des Français à l’international.

En dépit d’un contexte difficilement prévisible, notre réseau consulaire continue d’apporter son soutien à nos compatriotes dans le cadre de leur vie quotidienne. Permettez-moi d’en prendre cinq exemples parmi beaucoup d’autres.

D’abord le ministère a mis en place cet été et pendant deux mois un dispositif de délivrance de passes sanitaire aux Français vaccinés à l’étranger, afin de faciliter leur séjour sur le territoire. Ce sont plus de 160 000 QR codes qui ont été délivrés grâce à une mobilisation exemplaire au coeur de l’été.

Ensuite notre réseau conduit une campagne de vaccination qui a bénéficié à ce stade à plus de 48.000 personnes dans une soixantaine de pays, et qui a pour caractéristique de cibler à la fois nos agents, entendus au sens large, et nos communautés françaises à l’étranger.

Par ailleurs, et comme le Ministre vous l’a indiqué, nous expérimentons, avec le tout nouveau service France consulaire, un service innovant de réponse à nos usagers. Le service France consulaire, basé à La Courneuve, aura vocation à être déployé dans l’ensemble des pays de l’Union européenne fin 2022. Je vous rappelle qu’il s’agit de mettre à disposition de nos compatriotes de l’étranger une plateforme de réponse qui rende les services consulaires davantage joignables et qui désengorge l’accueil de nos consulats, en recentrant leur activité sur les sujets qui ne peuvent être traités qu’à l’échelle locale.

Autre élément important, les crédits alloués aux affaires sociales se maintiennent à 20,5 millions d’euros afin de continuer de répondre aux besoins des Français les plus démunis, dans un contexte qui reste difficile, ne nous y trompons pas, pour beaucoup d’entre eux.

Dans le même esprit, la dotation des organismes locaux d’entraide et de solidarité sera renforcée en 2022 avec une dotation supplémentaire d’un million d’euros. J’aurais pu prendre beaucoup d’autres exemples, comme le registre d’état-civil électronique que le Ministre a évoqué devant vous.

Je souhaite enfin souligner l’importance de la responsabilité que nous avons, en 2022, d’organiser les élections présidentielles et législatives à l’étranger. D’un point de vue financier, nous recevrons un transfert du ministère de l’intérieur d’un peu moins de 13 millions d’euros afin de financer ces scrutins. S’agissant de la mise en oeuvre, nous sommes en train de mobiliser l’ensemble de nos chefs de postes pour qu’ils lancent les opérations de préparation des scrutins nationaux du printemps. C’est à la fois un vrai défi logistique et une grande fierté pour le ministère et pour ses agents de permettre à nos compatriotes de voter dans les meilleures conditions. C’est aussi un effort considérable en termes de ressources humaines, à la fois pour assurer le dialogue avec les autorités locales, préparer les matériels de vote, prendre en charge la logistique comme je l’indiquais et bien sûr s’assurer de la sécurité des scrutins. Vous le savez, le ministère se prépare en outre à mettre à disposition des électeurs le vote par internet pour les élections législatives. Cela après, bien entendu, que l’étape de l’homologation aura été franchie avec succès.

Voilà, Monsieur le Président, Mesdames les Sénatrices et Messieurs les Sénateurs, les principaux éléments sur lesquels je souhaitais appeler votre attention alors que vous étudiez le projet de budget 2022 du ministère de l’Europe et des affaires étrangères.

(…)

Merci pour votre hommage à l’engagement des femmes et des hommes de ce ministère, que je relaierai auprès d’eux.

Monsieur Grand, c’est la deuxième année que nous connaissons une stabilisation des ETP et de la masse salariale ainsi qu’une augmentation de nos crédits immobiliers. Je vous ai rappelé les chiffres. La tendance est clairement positive sur ce point, et c’est une évolution majeure par rapport à la situation antérieure.

Le ministère présentera en novembre prochain au Conseil de l’immobilier de l’Etat (CIE) son schéma directeur immobilier pluriannuel pour l’étranger, qui dresse l’inventaire des opérations à réaliser pour mettre à niveau notre parc immobilier à l’étranger, lequel comporte près de 2000 biens. Ce schéma directeur détaille la trajectoire budgétaire pluriannuelle à atteindre. L’exécution de ce plan de rattrapage compte plus de 200 opérations en cours ou à mener d’ici 2025. Ce plan est bien engagé. La dotation budgétaire doit se stabiliser annuellement au niveau nécessaire pour un tel parc immobilier, c’est-à-dire au moins 80 millions d’euros par an, de notre point de vue.

Pour ce qui est de la réforme sous ses différents aspects, il faut avoir à l’esprit trois éléments.

Le premier, c’est le plan que le Ministre a proposé il y a plus d’un an dans le cadre du suivi du rapport Bonnafont pour la réforme du ministère. Ce plan s’articule autour de plusieurs axes : la dynamisation et la fluidification des carrières, une ouverture et une mobilité plus grandes et un important effort pour renouveler et renforcer la formation, via la création de l’école diplomatique et consulaire en particulier. Nous avons obtenu pour ce faire, comme je l’ai indiqué, des crédits à hauteur de 34 millions d’euros. Les objectifs généraux de ce plan sont cohérents avec la réforme de la haute fonction publique voulue par le Président de la République.

Le deuxième élément, c’est précisément l’application au ministère de la réforme de la haute fonction publique. Le projet de décret portant création du corps des administrateurs de l’Etat, qui a été transmis au Conseil d’Etat et au Conseil de la fonction publique après arbitrage du Président de la République, établit que l’ensemble des corps pertinents, y compris les corps des conseillers des affaires étrangères et des ministres plénipotentiaires, seront versés dans le corps des administrateurs de l’Etat.

Dans ce contexte, c’est le troisième élément, le Ministre et l’administration du ministère sont pleinement mobilisés autour de trois objectifs, qui conditionnent le maintien d’un outil diplomatique performant, professionnel et attractif, visent à donner la lisibilité nécessaire aux agents et à leur permettre de construire un parcours au Quai d’Orsay dans la durée - en permettant aussi à nos jeunes collègues de se préparer aux concours pour servir la diplomatie, ce qui est pour beaucoup une vocation et un choix de vie.

Le premier objectif est de préserver la spécificité des concours d’Orient comme voies d’accès directe et spécifique au Quai d’Orsay, via le statut d’administrateur de l’Etat et l’Institut national du service public (INSP) qui va se mettre en place. Chacun est convaincu aujourd’hui, y compris au plus haut niveau de l’Etat, de l’importance des concours d’Orient, à la fois pour permettre au ministère de répondre à ses besoins spécifiques en langues rares, en connaissances de civilisation et d’espaces géopolitiques stratégiques et pour assurer la parité et la diversité de nos recrutements. À travers les concours d’Orient, nous recrutons beaucoup d’agents de très grande qualité qui ne sont pas des copies conformes de ceux qui passent le concours de l’ENA ou, demain, de l’INSP. Ce sont des recrutements plus paritaires entre hommes et femmes, et ce sont ces personnes qui ont une approche différente. C’est donc un apport vital pour le Quai d’Orsay. Il faut à présent traduire cette nécessité en dispositif concret permettant un concours spécifique articulé avec l’INSP, afin que ceux qui le réussissent soient affectés directement au Quai d’Orsay.

Le second objectif est de revaloriser les parcours et les carrières des agents qui ont rejoint le ministère comme Secrétaires des affaires étrangères, en améliorant leurs perspectives d’accès à l’encadrement supérieur du ministère, c’est-à-dire, demain, au corps des administrateurs de l’Etat. C’est, sur le plan de l’unité et de l’efficacité de notre outil diplomatique comme de l’équité et de la motivation des agents, un élément absolument crucial.

Le troisième objectif consiste à s’assurer que les conditions d’exercice du droit d’option permettant de choisir de rester dans le corps des conseillers des affaires étrangères ou des ministres plénipotentiaires ou bien de basculer dans le corps les administrateurs de l’Etat garantissent à ceux qui choisiront de rester dans leur corps d’origine une situation et des perspectives au moins aussi favorables par rapport à la situation antérieure.

M. Gattolin s’est interrogé sur les contributions européennes et internationales face à la montée en puissance de la Chine notamment. Il y a eu un vrai changement avec l’arrivée au pouvoir de l’administration Biden, qui est plus multilatéraliste que l’administration Trump mais qui considère surtout que la meilleure manière de faire face à la rivalité systémique de la Chine est d’éviter que le compétiteur chinois ne contrôle les organisations internationales. C’est à partir de ce raisonnement que l’administration Biden est engagée aujourd’hui à contrer les efforts de la Chine visant à investir une partie importante des organisations internationales, notamment celles qui définissent les normes de demain. La Chine dispose de onze ressortissants à des postes de direction, dans les secrétariats, les agences spécialisées ou les fonds et programmes onusiens. Elle est à la tête de quatre des principales organisations des Nations unies, comme vous l’avez dit. Même si elle n’en dirigera plus qu’une fin 2022, ce qui offrira une forme de répit temporaire, la tendance est claire, il ne faut pas s’y tromper.

A-t-on engagé une coordination sur ce sujet avec les pays européens ? La réponse est oui, et l’effort initié pour une large part à notre initiative au cours des dernières années commence à porter ses fruits. Indépendamment même de la coordination très étroite entre Européens sur les diverses élections qui rythment la vie des Nations Unies, l’un des exemples que je citerai est celui des jeunes experts associés (JEA) de l’ONU. Nous travaillons avec les Allemands pour parvenir ensemble à une masse critique répartie dans des domaines jugés prioritaires. C’est indispensable si nous voulons peser face à l’investissement considérable d’un pays comme la Chine dans les JEA.

S’agissant des EAF, nous tenons beaucoup à leur statut. Leur flexibilité leur a permis de résister aux chocs liés à la crise sanitaire. Un projet d’amendement doit être introduit dans la LOLF à ce sujet. Ce sera une exception sui generis qui assurera davantage de transparence budgétaire. Nous comptons sur le soutien de votre assemblée et sommes à votre disposition pour présenter cet amendement.

S’agissant de l’Institut français de Valence, les recettes de cet institut étaient très dégradées, notamment s’agissant des cours de langues, mais nous avons pris le parti de poursuivre le volet portant sur la coopération grâce à d’autres moyens. Ce n’est donc pas une fermeture mais un reformatage pragmatique.

Dans un contexte post-covid de relance des mobilités étudiantes, qui est au coeur de nos priorités, le rôle de Campus France est central pour attirer les meilleurs étudiants et diversifier leur provenance. Les moyens dévolus aux bourses reviennent à leur niveau de 2020, avec une augmentation de 6 millions d’euros. Nous veillerons naturellement à ce que ces sommes soient bien utilisées à ce à quoi elles sont destinées. Il faut être conscient que le modèle économique de Campus France, fondé sur la gestion de programmes de mobilité, mais aussi l’organisation de salons, a été fortement impacté par la crise. La subvention pour charges de service public à cet opérateur est donc stabilisée à 3,5 millions d’euros.

Concernant Atout France, vous faisiez état d’un besoin de moyens sensiblement plus important. C’est également notre sentiment, d’autant qu’Atout France est au coeur de la promotion de la campagne "Destination France" et des deux campagnes de communication qui la soutiennent : la campagne domestique "Je redécouvre la France", et la campagne paneuropéenne qui s’articule autour de la marque "Explore France". Vous noterez que nous choisissons des libellés qui se comprennent aussi bien en français qu’en anglais. Atout France a rationalisé son réseau international et a réalisé 4 millions d’euros d’économies dans ses plans de fonctionnement et de personnel depuis 2019. C’est un motif supplémentaire pour soutenir cet opérateur. C’est dans cet esprit qu’un nouveau contrat d’objectifs et de performances (COP) 2020-2023 est en cours de signature par l’opérateur et ses tutelles. C’est dans ce cadre que nous restons plus que jamais mobilisés pour soutenir Atout France, dont les moyens, par exception par rapport aux autres opérateurs, sont en légère augmentation.

Concernant le programme 151 et la situation post-Brexit, j’ai plusieurs fois rencontré le précédent ambassadeur de Grande-Bretagne pour faire valoir les droits de nos compatriotes. Je lui ai indiqué avec beaucoup de clarté que nous avions joué le jeu en ce qui concerne les ressortissants britanniques en Europe et en France, en particulier en leur accordant toutes sortes de flexibilités destinées à leur faciliter les choses dans notre pays, mais que nous avions le sentiment que le contraire n’était pas vrai et que l’administration britannique, dans ses différentes composantes, ne faisait pas preuve de la même souplesse à l’égard de nos compatriotes vivant en Grande-Bretagne. Notre consul général à Londres et notre ambassadeur ont fait un très gros travail, à la fois de persuasion en direction de l’administration britannique, mais aussi de communication au profit de nos compatriotes, pour qu’ils puissent se mettre à jour des obligations britanniques. Ils ont été accompagnés par nos services et continuent de l’être pour la fourniture des documents français d’identité et de voyage, malgré les difficultés liées à la crise. Notre engagement est et restera complet sur ce point.

Un mot sur l’aide à la scolarité. Le projet de loi pour 2022 prévoit 94 millions d’euros pour les bourses scolaires, soit 10 millions d’euros de moins qu’en 2021, ainsi que cela a été dit. Toutefois, cela n’affectera en rien le volume global des bourses allouées à nos compatriotes, qui resteront bien de 104,4 millions d’euros, grâce à la trésorerie dont dispose l’AEFE. Nous estimons que cette "soulte", résultat de périodes antérieures, permettra de financer les objectifs que vous avez rappelés. Le Ministre a eu l’occasion d’y revenir devant vous.

S’agissant des élections et du vote par internet, fiabilité et sécurité sont nos deux défis, indépendamment de l’ensemble de ceux qui sont liés à la lourde logistique de ces scrutins. De ce point de vue, l’expérience des élections consulaires a montré de manière assez éclatante que le vote par internet était une modalité fondamentale. Les estimations et les travaux sont en cours pour préparer l’homologation avec l’Agence nationale de la sécurité des systèmes d’information (ANSSI), partenaire de grande qualité. Le premier test grandeur nature a permis de voir ce qui peut être amélioré. Les travaux sont en cours. Le deuxième test grandeur nature aura lieu début janvier. Nous espérons, sur la base de ses résultats, avoir tous les éléments qui nous permettront, avec nos collègues de l’intérieur et de l’ANSSI, de donner les garanties raisonnables nécessaires. Votre remarque sur la présence de bureaux de vote est tout à fait juste. C’est pourquoi, avec la Direction des Français à l’étranger et de l’administration consulaire (DFAE), nous nous battons sur ce sujet et pour la mobilisation de nos réseaux, car ceci est très coûteux en ressources humaines.

Un mot sur l’aide sociale et les organismes locaux d’entraide et de solidarité (OLES). Les subventions vont atteindre 1,4 million d’euros. Elles ne sont pas ouvertes aux entreprises mais, suite à des besoins exprimés par les Français de l’étranger, nous avons souhaité aider les associations qui soutiennent les autoentrepreneurs qui ne relèvent pas du programme 151. L’idée est donc bien de soutenir les associations qui peuvent aider les autoentrepreneurs, qui se trouvent parfois dans des situations difficiles. En 2020, plus de 28.000 secours occasionnels de solidarité (SOS) ont été versés. 57 731 l’ont été à ce jour en 2021, soit environ 86.000 au total. Il existe une vraie demande. Le dispositif sera maintenu en 2022, comme l’a annoncé le ministre, en témoignage de la solidarité nationale.

(…)

Quel est l’impact du contrat du siècle ou de la crise avec l’Algérie sur notre budget ? Il est un peu tôt pour le dire avec précision mais comme on l’a vu dans l’affaire afghane, les aléas et les crises internationales ont effectivement un effet sur le ministère, auquel nous nous efforçons de faire face en gestion lorsque cela est possible.

Madame la Sénatrice, le fait que nous indiquions que la masse salariale et le plafond d’emplois restent stables ne signifie heureusement pas que la gestion des ETP n’est pas vivante. Tel est le cas, dans le cadre des travaux que je pilote avec la directrice générale pour l’administration et la modernisation. Dans le cadre de notre réseau, nous faisons ainsi en sorte que les pays émergents soient progressivement mieux dotés en ETP. Je pourrais vous donner beaucoup d’exemples. Nous avons établi par ailleurs des méthodes nous permettant de favoriser les redéploiements nécessaires au sein de l’administration centrale pour que les effectifs et les moyens alloués correspondent bien à nos priorités et aux besoins réels.

La stratégie indopacifique est au coeur de nos priorités, y compris en termes d’ETP. Lorsque nous décidons d’avoir une présence plus marquée vis-à-vis de l’Association des nations de l’Asie du Sud-Est (ASEAN), cela se traduit par des visites de hautes personnalités françaises, mais aussi par des moyens sur place. Nos ambassadeurs dans la région nous demandent au quotidien d’abonder leurs moyens en ETP, avec d’excellents arguments. Nous étudions ces cas en priorité.

La stabilité en termes de plafond d’emplois et de masse salariale ne signifie donc pas l’immobilisme, bien au contraire. Le réseau s’adapte en permanence et s’étoffe dans les zones à forte croissance et qui sont au coeur des enjeux géopolitiques de demain.

Dans le cadre de la réforme du ministère que porte le Ministre, l’un des objectifs est en effet d’investir des ressources nouvelles en matière de formation initiale et continue pour professionnaliser davantage encore nos métiers, acquérir de nouveaux savoirs et mieux investir ce faisant les nouveaux champs de négociation. Il s’agit de fusionner, dans une école diplomatique et consulaire, les différents instruments qui existent aujourd’hui, et qui fonctionnent d’ailleurs bien, parmi lesquels l’IDC, créé en effet à la suite du rapport Gouteyron, mais aussi le CHEID que vous avez cité également, qui permet de faire découvrir de l’intérieur notre diplomatie à de nombreux acteurs extérieurs de grande qualité, dont plusieurs parlementaires que le Quai d’Orsay est particulièrement heureux et honoré d’accueillir dans ce cadre.

Le premier bilan que l’on peut tirer du CHEID est particulièrement positif. Je préside le comité de sélection des auditrices et auditeurs et suis frappé par la très grande qualité des candidatures que nous examinons : parlementaires, même s’il y en a moins cette année du fait des élections, journalistes, personnes de la société civile, petites ou grandes entreprises, think tanks.

J’ai approuvé hier, sur la base des recommandations du directeur du collège, Pierre Thénard, le recrutement de la troisième promotion du CHEID, qui est un vrai succès. Ceux qui ont suivi les deux premières promotions du CHEID sont très élogieux sur la manière dont ils ont pu entrer ainsi en contact avec le coeur battant de notre diplomatie. Et je suis très reconnaissant à l’équipe du CHEID mais aussi à toutes les équipes du Quai d’Orsay qui, dans un emploi du temps souvent extrêmement lourd, ont ouvert leurs portes à ces auditrices et à ces auditeurs pour leur montrer le dessous des cartes.

Je ferai la même remarque pour ce qui est de l’Académie diplomatique d’été, initiative très novatrice du Ministre pour ouvrir le Quai d’Orsay au coeur de l’été à des élèves potentiellement intéressés mais qui ne viennent pas des viviers dans lesquels nous recrutons habituellement. Nous avons découvert chez beaucoup de ces jeunes élèves, dans la très grande qualité de leurs questions et de leurs échanges avec nous, cette même passion qui nous habite. Ces rencontres ont été, de l’avis unanime, extrêmement fécondes et importantes et nous sommes déterminés à inscrire cette initiative dans la durée.

Madame la Ministre, les concours des SAE resteront les mêmes. Les modalités de recrutement ne sont pas touchées par la réforme de la haute fonction publique. Ces modalités seront donc appréciées en interne, avec un souci d’ouverture à la diversité et à la parité, ce qui est déjà très largement le cas pour les SAE. En revanche, ce sont les conditions de promotion et de parcours de ces SAE - quelque 900 agents - qui font l’objet de discussions interministérielles pour s’assurer qu’ils puissent avoir accès au corps de l’encadrement supérieur de l’Etat et donc au futur corps des administrateurs de l’Etat dans les conditions les plus favorables possibles. Comme je l’ai souligné dans mon propos introductif, c’est pour le Ministre et pour nous une priorité de tout premier plan.

Concernant la commission d’évaluation à laquelle il a été fait allusion, le décret en cours doit bien intégrer sa composition avec dix personnalités qualifiées et, si je ne m’abuse, quatre parlementaires, la mise en place étant prévue début 2022. Nous sommes en contact avec la Cour des comptes à propos de la composition et du rôle qu’elle doit y jouer.

Les rapports dont vous faisiez état, qui résultent de la loi du 4 août, seront naturellement fournis. Le Ministre s’est longuement exprimé à ce sujet. Nous pourrons vous transmettre d’autres éléments sur ce point.

S’agissant de l’audiovisuel, la relative modicité des moyens de France Médias Monde et de notre audiovisuel extérieur en général par rapport à ceux dont dispose la Deutsche Welle, pour ne pas mentionner nos partenaires britanniques ou autres, est un hommage à la qualité des agents et des contractuels qui servent notre audiovisuel extérieur.

Je vous donne naturellement entièrement raison concernant l’usage nécessaire du français dans toutes les organisations où notre langue est langue de travail. Nous y veillerons.

Monsieur Cadic, le service France Consulaire fonctionne depuis le 13 octobre. Il a répondu à ce jour à près de 1500 appels et e-mails, avec un taux de "décroché" de 98,5%. Le projet est que ce service soit étendu courant 2022 aux postes de l’Union européenne, et au monde entier, en 2023. Il est important de procéder au fur et à mesure pour nous assurer de la fiabilité du dispositif et tirer des leçons de l’expérience.

De notre point de vue, un service purement externalisé ne répondrait pas aux besoins s’il n’associait pas, comme France Consulaire, des agents du ministère ou des experts adaptés. Les moyens destinés à France Consulaire sont de 920.000 euros en crédits de paiement pour 2022, auxquels s’ajouteront 522.000 euros en provenance du Fonds interministériel pour la transformation numérique. Les choses sont bien engagées sur ce plan.

(Source : site Internet du Sénat)