Iran/Israël/Territoires palestiniens - Entretien de Christophe Lemoine, porte-parole du ministère de l’Europe et des affaires étrangères, avec "France Info" (Paris, 17 juin 2025)

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Q - Bonjour, Christophe Lemoine.

R - Bonjour.

Q - Alors je le disais, des paroles assez peu diplomatiques qu’on a apprises il y a quelques minutes. Donald Trump qui a quitté le G7 et qui dit dans un post sur son réseau social : "Volontairement ou pas, Emmanuel [Emmanuel Macron] ne comprend jamais rien." Un mot d’abord sur la forme, sur ce type de déclaration - on commence à être habitués, mais voilà… Que répond le Quai d’Orsay ?

R - Je ne vais pas commenter les déclarations et les posts du président américain sur son réseau social. Ce qui est important dans cette réunion du G7, c’est qu’une discussion ait pu avoir lieu sur cette crise entre Iran et Israël, qui est très fortement escalatoire et qui met en danger toute la région.

Q - Vous parlez de moments escalatoires. On avait le sentiment, à entendre le président français, que le départ de Donald Trump allait plutôt dans le sens d’un cessez-le-feu. Manifestement, ce n’est pas tout à fait l’interprétation qu’en donnent les Américains. C’est plutôt, justement, dans le sens de l’escalade.

R - Les propos du Président de la République fixent un objectif, et je pense que c’est un objectif que beaucoup peuvent partager. C’est un objectif de désescalade. Il y a une situation qui est actuellement extrêmement dangereuse, une situation dans laquelle les populations civiles sont en première ligne. Il faut que cela cesse. Il faut retrouver le chemin de la négociation. C’est ce que le Président de la République a clairement exprimé.

Q - Je vous pose la question plus clairement, peut-être, encore : la France s’attend-elle à une entrée en guerre des Etats-Unis contre l’Iran ?

R - Pour le moment, ce ne sont pas les annonces qui ont été faites par l’administration américaine. On a une situation qui est extrêmement difficile, extrêmement fragile, avec des échanges nourris entre l’Iran et Israël. Et encore une fois, compte tenu de la situation régionale, ce sont des opérations qui sont extrêmement inquiétantes, s’agissant de la stabilité de la région.

Q - Il y a encore beaucoup de questions, Christophe Lemoine, sur la position de la France sur cette guerre. On a entendu hier successivement François Bayrou et Emmanuel Macron dire ceci.

(…)

Il y a eu des déclarations du premier ministre israélien qui menacent explicitement le guide suprême iranien. Question simple : jusqu’où la France soutient-elle Israël ?

R - Il y a un soutien de principe. C’est ce qu’a rappelé l’extrait que vous donnez de l’expression du Premier ministre. L’Iran constitue quand même dans la région une menace assez forte. Il y a un programme nucléaire iranien qui ne décélère pas. Il y a eu des déclarations ces dernières semaines sur des seuils d’enrichissement qui ont été franchis. L’Iran franchit des seuils régulièrement. Pour ce qui concerne la diplomatie française, avec nos partenaires britannique et allemand, il y a toujours eu une volonté d’amener les Iraniens à la négociation pour trouver une solution diplomatique.

Q - Mais que reste-t-il à négocier ce matin ? Parce que vous appelez encore à la négociation, mais…

R - Il reste encore beaucoup de choses à négocier, sauf que pour le moment évidemment ces négociations sont suspendues. Ce qu’exprime le Président de la République, c’est qu’elles doivent reprendre sans délai et que les opérations entre Israël et l’Iran doivent cesser.

Q - Est-il possible de négocier entre deux pays dont un dirigeant menace explicitement de tuer le dirigeant du pays ennemi ?

R - Le cadre de négociation qui existe pour le moment, c’est le JCPOA. Evidemment, c’est un cadre de négociation sur la crise de prolifération nucléaire. Comme l’a dit le Président de la République lors de sa conférence de presse au G7, il existe ce cadre, mais il peut en exister d’autres, incluant notamment les pays de la région. Encore une fois, l’essentiel c’est l’objectif, et l’objectif c’est de retrouver une discussion pour faire baisser la tension dans la région.

Q - Pardon, j’insiste, mais quand Benyamin Netanyahou évoque explicitement l’élimination du guide suprême iranien Ali Khamenei, est-ce que la France cautionne ces menaces ?

R - C’est exactement le deuxième extrait que vous avez donné du Président de la République, qui a indiqué très clairement lors de sa conférence de presse que tout pays qui a essayé de changer de régime par l’extérieur avec des bombardements a toujours commis une erreur stratégique.

Q - Ça signifie que, pour la France, l’Iran n’est pas la seule source d’instabilité dans la région ?

R - C’est une grosse source d’instabilité. Encore une fois, il y a une crise de prolifération nucléaire avec l’Iran qui existe depuis longtemps. Je vous rappelle au passage que l’Iran détient deux otages français qui n’ont toujours pas été libérés, Cécile Kohler et Jacques Paris.

Q - Et vous n’avez pas de nouvelles ?

R - Assez peu. La situation est là aussi très inquiétante. Donc l’Iran est effectivement un facteur de déstabilisation régionale assez fort.

Q - Je voudrais vous faire écouter quand même ces images qui ont marqué les esprits.

(…)

Voilà, ça c’est le bombardement de la télévision iranienne en plein direct hier. Là encore, la France ne cautionne pas ?

R - Les frappes israéliennes ont été menées à l’initiative du premier ministre israélien. Et comme l’a dit le Président de la République, nous n’avons pas été consultés sur ces frappes. Ce qui est important aujourd’hui, c’est que, passées les premières journées de frappes - sur les dispositifs nucléaires iraniens notamment -, il faut que la désescalade arrive. Encore une fois, il faut revenir à la négociation. La situation est extrêmement volatile, extrêmement dangereuse, dans une région qui est déjà source d’instabilité. Donc il faut absolument cesser cette escalade qui peut devenir hors de contrôle.

Q - Vous reparlez d’instabilité. Je complète ma question de tout à l’heure. Je vous demandais si, pour la France, l’Iran était la seule source d’instabilité. Est-ce que Israël est, pour la France, une source d’instabilité aujourd’hui dans la région ?

R - Israël mène différentes opérations. Mais comme on l’a rappelé à plusieurs reprises et en reprenant les différents points sur l’Iran, effectivement, il faut arriver à un cessez-le-feu. Il faut que ces opérations cessent. Et comme l’a redit le Président de la République cette nuit, c’est aussi le cas à Gaza. Il faut que nous arrivions à un cessez-le-feu, à une libération des otages et à une situation qui permette de réengager un dialogue en vue d’une solution politique et diplomatique, qui sera la seule à garantir la sécurité d’Israël et des Palestiniens sur le long terme.

Q - Merci, Christophe Lemoine. Le porte-parole du Quai d’Orsay était l’invité de "France Info" ce matin

R - Merci beaucoup.