Indopacifique - 2ème édition du Forum ministériel UE-Indopacifique - Intervention liminaire de la Catherine Colonna, ministre de l’Europe et des affaires étrangères (Stockholm, 13 mai 2023)

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Votre Majesté,
Votre Altesse royale,
Monsieur le Haut–représentant, cher Josep,
Monsieur le Ministre, cher Tobias,
Chers collègues,

Je suis honorée de participer à cette seconde édition du Forum ministériel UE-Indopacifique, lancé sous présidence française à Paris. Je me félicite que la présidence suédoise ait repris le flambeau de cette enceinte de dialogue qui nous permet d’incarner le partenariat entre l’Union européenne et les pays de l’Indopacifique.

Le Forum de Paris était intervenu le 22 février 2022, deux jours avant l’invasion de l’Ukraine par la Russie. Cette guerre illégale et injustifiable se poursuit. Nous en ressentons tous les effets, et elle nous concerne tous. Car il y va du respect de la Charte des Nations Unies. Car s’il n’est pas répondu à cette agression aujourd’hui, d’autres États se sentiront libres de faire la même chose, demain, ailleurs.

La réponse à cette guerre nous mobilise plus que jamais, nous Européens - unis, déterminés - mais aussi nombre de partenaires de l’Indopacifique représentés ici. Chacun à notre manière ; et nous respectons nos différences, dès lors que - tous - nous nous retrouvons sur l’essentiel : la défense du droit international, qui commence par le respect de la souveraineté et de l’intégrité territoriale des États, ces principes cardinaux de la Charte foulés au pied par la Russie.

Cette guerre n’enlève rien à notre ambition dans l’Indopacifique. Nous sommes convaincus que la sécurité des deux extrémités du continent eurasiatique est profondément liée. Comme le sont nos économies.

Notre ambition européenne est d’œuvrer à la préservation d’un espace indopacifique à la fois libre, ouvert, prospère et inclusif, en nouant des partenariats entre égaux avec les pays et les organisations de la région. Il s’agit de faire en sorte que chaque pays ait « la liberté de sa souveraineté » pour reprendre la formule du président Macron. Et ils doivent pouvoir disposer, à cet effet, de plusieurs options souveraines pour faire leurs propres choix, comme l’avait dit de façon très juste le Dr. Jaishankar à Paris il y a un an.

L’Europe porte une approche singulière à cet égard, une approche européenne. Cette approche refuse d’entrer dans une logique des blocs, qui voudrait ou qui ferait que l’escalade des tensions et, in fine, la confrontation, soient inéluctables. Cette approche n’en est pas moins lucide sur les défis qui se posent à la région.

Pour porter notre ambition commune sur les fondements que j’indiquais, le Forum doit demeurer un espace autonome, dégagé des grandes rivalités stratégiques, un espace de dialogue entre l’Union européenne et les pays de la région Indopacifique. Et le Forum doit continuer d’avoir pour finalité de dégager des coopérations concrètes, en les menant et en les faisant connaître, dans tous les domaines.

Notre approche européenne se veut fondamentalement multidimensionnelle. Elle vise d’abord à mieux connecter l’Europe et l’Indopacifique. Il s’agit pour l’Union européenne de décliner la stratégie Global Gateway, en mobilisant toute l’équipe Europe derrière des projets d’infrastructures durables, de qualité, qui ne placent pas les pays qui en bénéficient en situation de dépendance. Je pense aux ports, je pense aux transports, mais aussi au numérique. Les accords passés avec le Japon, la République de Corée et Singapour en la matière sont de bons exemples. Ils ont vocation à s’étendre à d’autres, pour traiter notamment de l’enjeu critique de la protection des données, dans le prolongement de la déclaration adoptée l’année dernière à Paris.

Cette approche vise tout autant à préserver nos biens communs avec vous : le climat, la biodiversité, la santé. Pour ne citer qu’un exemple, la France œuvre ainsi avec l’UE, le Canada, la Nouvelle Zélande et l’Australie, à travers l’initiative Kiwa, pour renforcer l’adaptation des pays insulaires du Pacifique au changement climatique. Et nous venons de doubler notre contribution à ce programme.

Notre approche est enfin résolument sécuritaire, pour défendre le droit international, en particulier la liberté de navigation, de façon coopérative. La France continuera de prendre toutes ses responsabilités à cet égard. Les déploiements réguliers de notre Marine s’amplifieront, tout comme les moyens que nous consacrons au renforcement des capacités de nos partenaires.

Sur tous ces sujets, la France agit en pays européen mais aussi en pays de l’Indopacifique. Elle est fière d’appartenir à l’océan indien comme au Pacifique, à travers nos territoires ultramarins, qui sont aussi européens. Ils sont autant de ponts entre l’Europe et l’Indopacifique.

Je terminerai par un mot sur l’avenir du Forum ; parce que le Forum doit se poursuivre. Je suggère pour cela, cher Josep, chère Retno, chers collègues, d’adosser nos réunions à celles que l’Union européenne a avec l’ASEAN. Cela permettrait de donner de la régularité au forum et d’envisager un sommet, sur le modèle de celui, très réussi, du 14 décembre dernier. Notre ambition commune le mérite. Je vous remercie.