Russie - Liquidation de l’organisation Memorial International - Déclaration de Jean-Yves Le Drian (28 décembre 2021)

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C’est avec indignation et préoccupation que j’ai appris la liquidation de l’ONG Memorial International par la Cour suprême de Russie, alors que l’autre branche de cette organisation, le centre des droits de l’Homme Memorial, fait également face à des poursuites.

En cette année du centenaire de la naissance d’Andreï Sakharov, fondateur de cette organisation et prix Nobel de la Paix, cette annonce est profondément inquiétante pour l’avenir de la recherche historique et la défense des droits de l’Homme en Russie.

Comme je l’avais souligné à l’Université Charles de Prague le 6 décembre 2019, « la tentation est grande pour certains de conduire une politique de l’histoire de nature à instrumentaliser le passé, à attiser ses braises, à ajouter à la confusion, au service d’une idéologie… Comme le disait l’un des plus grands historiens français, Marc Bloch, « l’incompréhension du présent naît fatalement de l’ignorance du passé ». Elle peut naître aussi de la manipulation de l’histoire. Parmi les principes européens, figure la liberté académique et là où elle est menacée, ce sont la démocratie et la paix qui sont en danger. »
La France a maintes fois salué l‘action de Memorial. Son travail scientifique remarquable en faveur d’une meilleure connaissance des crimes de masse du XXe siècle à travers le rassemblement des archives, les témoignages et les études des historiens, est une contribution essentielle à l’histoire contemporaine, à la réhabilitation des victimes des répressions et plus généralement à la mémoire collective.

La dissolution de Memorial International est une terrible perte pour le peuple russe qui a le droit de bénéficier d’une connaissance juste de son passé et d‘une société fondée sur les valeurs fondamentales portées par le Conseil de l’Europe. Elle est aussi une perte pour les communautés scientifique, académique et culturelle de nos deux pays, qui œuvrent à bâtir une relation bilatérale ambitieuse et indépendante des aléas politiques.

Dans ce contexte, la décision hier du tribunal de Petrozavodsk d’alourdir à 15 ans de colonie pénitentiaire la peine de prison de M. Iouri Dmitriev, historien spécialiste des charniers de la période stalinienne, défenseur des droits de l’Homme et dirigeant local de l’organisation Memorial, est également très préoccupante. Comme nos partenaires de l’Union européenne, la France appelle à sa libération et continuera de suivre sa situation avec la plus grande attention.

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