Déclaration franco-mexicaine pour un multilatéralisme efficace (19 décembre 2019)

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Nous, d’une part le Ministre de l’Europe et des Affaires étrangères de la République française et d’autre part le Ministre des Relations extérieures des Etats-Unis mexicains, décidons de conclure un agenda pour un multilatéralisme efficace afin de défendre, d´affermir et d’adapter un ordre multilatéral fondé sur la règle de droit, la démocratie, la coopération internationale au plus près des populations.

DÉCLARATION FRANCO-MEXICAINE POUR UN MULTILATÉRALISME EFFICACE DU MINISTRE DE L’EUROPE ET DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES
DE LA RÉPUBLIQUE FRANÇAISE, M. JEAN-YVES LE DRIAN, ET DU MINISTRE DES RELATIONS EXTERIEURES DES ÉTATS-UNIS
MEXICAINS, M. MARCELO LUIS EBRARD CASAUBO

CONSIDERANT les liens d’amitié fraternelle et de coopération qui unissent la France et le Mexique, et la communauté de valeurs existant entre nos deux démocraties, constitutionnellement attachées aux droits de l’Homme, à la protection de l’environnement, et au progrès social,

CONVAINCUS de leurs nombreuses convergences face aux principaux enjeux mondiaux, dans la réalisation du Programme de développement durable à l’horizon 2030 et dans la défense d’un ordre international fondé sur le droit, au service de la paix et de la prospérité mondiale,

REAFFIRMANT leur attachement au multilatéralisme, dont l’Organisation des Nations Unies constitue l’élément central, comme meilleure réponse possible face à la multiplication des risques et des défis communs,

SOUTENANT les efforts déployés par le Secrétaire général des Nations Unies en faveur d’une réforme de cette Organisation universelle, et souhaitant œuvrer ensemble pour rendre celle-ci encore plus efficace et réactive face aux défis globaux,

ENCOURAGEANT les initiatives multi-acteurs innovantes en faveur de la paix durable, du renforcement de la gouvernance mondiale et de la coopération internationale, notamment à travers le Forum de Paris sur la Paix,

REITERANT leur engagement au sein de « l’Alliance pour le Multilatéralisme », coalition ouverte aux pays de bonne volonté désireux de défendre, renforcer et d’adapter un système multilatéral fondé sur le droit international, coparrainée par l’Allemagne, le Canada, le Chili, la France, le Ghana, le Mexique et Singapour à New York le 26 septembre 2019,

NOUS REFERANT à la centaine d’accords de coopération conclus entre les deux pays, mais également à l’Accord de partenariat économique, de coordination politique et de coopération entre la Communauté européenne et ses États membres, d’une part, et les États-Unis mexicains, d’autre part (« Accord global »),

1. ​Nous, d’une part le Ministre de l’Europe et des Affaires étrangères de la République française et d’autre part le Ministre des Relations extérieures des Etats-Unis mexicains, décidons de conclure un agenda pour un multilatéralisme efficace afin de défendre, d´affermir et d’adapter un ordre multilatéral fondé sur la règle de droit, la démocratie, la coopération internationale au plus près des populations.
A travers leurs diplomaties respectives, la France et le Mexique s’engagent à favoriser une réponse multilatérale forte face aux enjeux globaux les plus pressants, notamment les défis : (i) environnementaux et climatiques ; (ii) technologiques et de cybersécurité ; (iii) de paix et de sécurité internationales ; (iv) des droits de l’Homme et de l’égalité des sexes ; (v) économiques et commerciaux.

2. ​S’agissant des défis environnementaux et climatiques, la France et le Mexique réaffirment leur volonté de lutter ensemble contre le changement climatique, la perte de la biodiversité, et la pollution des océans.

Ils réaffirment l’irréversibilité de l’Accord de Paris sur le Climat et saluent les rapports du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) sur les terres, les océans, et le réchauffement mondial de 1,5°C, dont les conclusions scientifiques sont extrêmement préoccupantes. Ils s’engagent à appliquer toutes les dimensions de l’accord de Paris et à progresser vers des objectifs plus ambitieux d’atténuation et d’adaptation à l’horizon 2050, en présentant en 2020 des politiques climatiques revues à la hausse. Ils soulignent l’importance d’engager, dès à présent, la transition énergétique, la réorientation des flux financiers publics et privés et l’accompagnement social des transformations requises pour faire face au changement climatique. Désireux de contribuer à la résilience et l’adaptation des Caraïbes aux changements climatiques, ils soutiennent notamment le Programme caribéen de coopération sur les sargasses et le l’initiative sur les Systèmes d’alerte précoce aux risques climatiques (CREWS).

Conscients de l’impact particulièrement néfaste pour le climat des réfrigérants hydrofluorocarbonés (HFC), ils réitèrent leur pleine adhésion à l’Engagement de Biarritz pour une action rapide en faveur de l’efficacité dans le secteur du refroidissement. Le succès obtenu dans la mise en œuvre du Protocole de Montréal de la Convention de Vienne pour la protection de la couche d’ozone constitue un exemple exceptionnel de coopération internationale et des vertus du multilatéralisme pour faire face aux défis environnementaux mondiaux.

Dans le cadre de la Convention sur la diversité biologique, ils contribueront à l’agenda de l’action pour la nature et les peuples, y compris lors du Congrès mondial de la Nature de juin 2020 à Marseille, et à la définition et la mise en œuvre effective d’un cadre mondial post-2020 ambitieux pour la conservation de la biodiversité. Ils contribueront à la conservation, la restauration, et la gestion durable des écosystèmes et des ressources marines et terrestres, en vue notamment de la décennie des Nations unies 2021-2030 pour la restauration des écosystèmes. Ils resteront pleinement engagés dans la discussion d’un Pacte Mondial pour l’Environnement visant à renforcer le droit international de l’environnement.

3. ​En ce qui concerne les défis technologiques et de cybersécurité, la France et le Mexique soulignent les nouvelles opportunités engendrées par les changements technologiques rapides, telles que la 5G, l’Intelligence Artificielle ou la robotique parmi d’autres, et reconnaissent les risques et les menaces que peut générer un usage malveillant et criminel de celles-ci. Par conséquent, ils font un appel à la communauté internationale pour apporter une attention intégrale à ce sujet afin de générer des réponses efficaces.

La France et le Mexique se félicitent du rapport du Groupe de haut niveau du Secrétaire général des Nations Unies sur la coopération numérique et réitèrent leur pleine adhésion à l’Appel de Paris pour la confiance et la sécurité dans le cyberespace, afin de protéger l’accessibilité, la stabilité et l’intégrité du cyberespace, de prévenir les activités malveillantes en ligne, et de garantir la vigueur du droit international dans le cyberespace. Ils défendent et affirment l’applicabilité du droit international au cyberespace et promouvront notamment dans le cadre de l’ONU, un comportement responsable dans celui–ci par les acteurs publics et privés.

Les deux pays continueront de collaborer sur le thème des nouvelles technologies et leur impact sur la réalisation des objectifs du développement durable dans le cadre du Groupe d’amis des Nations Unies sur les technologies numériques. Ils soutiendront le lancement d’un Partenariat Mondial pour l’Intelligence Artificielle, notamment dans le cadre de l’Organisation pour la Coopération et le Développement Economique.

Commémorant les victimes d’attaques terroristes et de crimes de haine prémédités à travers un usage malveillant de l’Internet, ils réitèrent également leur pleine adhésion à l’Appel de Christchurch pour supprimer les contenus extrémistes violents en ligne. La France et le Mexique observent avec une grande préoccupation la diffusion mondiale du discours de haine qui exalte les différences entre individus ou groupes selon la race, les croyances religieuses, la nationalité, l’origine ethnique, le sexe, l’orientation sexuelle, parmi d’autres. Pour preuve, la tragédie d’El Paso, Texas, le 3 août 2019, qui a coûté la vie à 22 personnes, dont 8 Mexicains. En ce sens, les deux pays expriment leur soutien aux valeurs de la tolérance et du respect entre les individus de toutes les nations et répudient tout discours de haine, les expressions xénophobes et les idéologies extrémistes.

4. ​S’agissant des défis de paix et de sécurité internationales, la France et le Mexique soulignent l’impérieuse nécessité de veiller au respect du droit international et à la promotion d’une paix durable, dans un contexte mondial marqué par des visions unilatérales et la montée des menaces et des conflits.

La France et le Mexique œuvreront ensemble pour le maintien effectif de la paix et de la sécurité internationales, y compris à travers des consultations régulières sur des sujets d’intérêt mutuel dans l’agenda du Conseil de sécurité des Nations Unies, et des concertations au sujet de sa réforme. Ils continueront de promouvoir face aux Nations unies leur initiative conjointe pour la suspension du veto des membres permanents du Conseil de sécurité des Nations unies en cas d’atrocités de masse, laquelle réunit cent-quatre pays signataires.
En soutien de l’Action pour le maintien effectif de la paix (A4P), les deux pays continueront de travailler au renforcement et à l’efficacité des opérations de maintien de la paix des Nations Unies. Ils consolideront leurs contributions aux opérations de maintien de la paix, notamment à travers du déploiement de casques bleus y compris dans les pays francophones, et du développement du Centre d’entraînement conjoint aux opérations de paix du Mexique (CECOPAM).

Ils réitèrent leur pleine adhésion à l’Appel à l’Action Humanitaire pour une mise en œuvre effective du droit international humanitaire, s’agissant notamment de la protection des personnels humanitaires et des personnels de santé.

Ils réitèrent leur engagement avec la mise en œuvre effective du Traité sur le commerce des armes et du Programme d’action des Nations unies en vue de prévenir, combattre et éradiquer le commerce illicite des armes légères sous tous ses aspects et soulignent les synergies existantes entre les instruments relatifs au trafic des armes légères et de petit calibre ou leur détournement vers des destinataires non autorisés.

En outre, les deux pays réaffirment leur engagement sans restriction de contribuer à une dixième Conférence d’examen du Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires (TNP) couronnée de succès pour la mise en œuvre intégrale de cet instrument international. Ils réaffirment la validité du respect des engagements et obligations au titre du TNP, clef-de-voute du régime international de non-prolifération et du désarmement nucléaire.

5. ​S’agissant des défis liés aux droits de l’Homme et à l’égalité des sexes, la France et le Mexique soulignent l’importance de protéger et promouvoir les droits de l’Homme et les libertés fondamentales, en prenant pleinement en considération l’égalité des sexes et l’autonomisation des femmes et des filles.

Reconnaissant les défis persistant dans chacun de leurs pays, la France et le Mexique continueront de défendre le rôle des institutions multilatérales de protection et promotion des droits de l’Homme et de la justice pénale internationale. Ils renouvelleront inlassablement leurs efforts vers l’abolition universelle de la peine de mort. Ils réaffirment leur engagement en faveur de la promotion et de la protection des droits de l’Homme y compris des migrants et des personnes sous protection internationale, et réitèrent leur pleine adhésion au Pacte mondial pour des migrations sûres, ordonnées et régulières ainsi qu’au Pacte Mondial sur les Réfugiés.

La France et le Mexique co-organiseront le Forum Génération Egalité dans le but de promouvoir de manière décisive et concrète les engagements inscrits dans la Déclaration et le Programme d’action de Pékin et de réaliser l’égalité des sexes et l’autonomisation des femmes et des filles, en partenariat avec la société civile et le mouvement féministe, au plus tard en 2030. Convaincus du caractère central de l’éducation à l’égalité femmes-hommes, ils réitèrent leur pleine adhésion à l’initiative « Genre au Centre », ainsi que son engagement à garantir l’accès des filles et des femmes à une éducation de qualité, y compris dans les domaines liés à la science, la technologie, l’ingénierie et les mathématiques et à favoriser la continuation de leurs études jusqu’au niveau secondaire et l’enseignement supérieur. De même, ils prendront les mesures nécessaires pour assurer l’autonomisation économique des femmes, au moyen de leur insertion sur le marché du travail en promouvant des politiques nationales de soins, de protection sociale et de répartition des tâches du foyer leur permettant d’équilibrer leur vie familiale et leur travail rémunéré. Ils continueront de promouvoir la participation substantielle des femmes à tous les niveaux de prise de décisions. Reconnaissant leur rôle essentiel dans la prévention et le règlement des conflits, ils continueront de promouvoir l’agenda « Femmes, paix et sécurité ». Ils poursuivront leurs efforts dans la lutte contre toutes les formes de violence contre les femmes et les filles, y compris les féminicides, à travers l’initiative de l’Union européenne et des Nations unies « Spotlight ». Ils réaffirment le droit de toutes les femmes d’avoir un contrôle total sur leur sexualité, d’avoir accès à des méthodes de planification familiale modernes et sûres et à l’autonomie de décision sur leurs corps. Ils œuvreront à favoriser l’accès de toutes les filles et les femmes à l’éducation complète à la sexualité et à garantir leurs droits et santé sexuels et reproductifs, conformément aux engagements pris dans le cadre du Programme d’action du Caire de la Conférence Internationale sur la Population et le Développement de 1994 et du Programme d’action de Beijing de la quatrième Conférence mondiale sur les femmes de 1995.

6. ​S’agissant des défis économiques et commerciaux, la France et le Mexique préconisent l’amélioration de la gouvernance économique internationale et soulignent leur attachement à un commerce multilatéral ouvert, fondé sur des règles de concurrence loyale capables d’atténuer les externalités sociales et environnementales négatives de la mondialisation.

La France et le Mexique souscrivent à la nécessité d’une réforme de l’Organisation Mondiale du Commerce (OMC) pour renforcer son efficacité et son autorité, et lui permettre de lutter contre les mesures douanières unilatérales, contre les sanctions extraterritoriales visant à contrarier le commerce avec des pays tiers, et de soutenir la lutte contre le changement climatique et l’érosion de la biodiversité. Au sein de l’OMC, la France, à travers l’Union européenne, et le Mexique s’efforceront d’obtenir l’interdiction des subventions favorisant la surpêche et la pêche illégale. Les deux pays soutiennent l’action du G20 en tant que forum principal de coopération économique international et appuient son action en faveur d’une économie mondiale ouverte. Ils coopèreront étroitement dans le cadre de l’Organisation pour la Coopération et le Développement Economique afin de promouvoir une croissance économique durable et de long terme et d’améliorer le niveau de vie de leurs populations. Ils entendent continuer à promouvoir activement le processus de réforme du système monétaire et financier international. Ils s’assureront que leurs stratégies de diversification commerciale soient compatibles avec les objectifs de développement durable et avec l’Accord de Paris sur le Climat, notamment dans la perspective d’une prochaine modernisation de l’Accord global entre la Communauté européenne et ses États membres, d’une part, et les États-Unis mexicains, d’autre part.

7. ​En ce qui concerne les défis liés à la préservation du patrimoine culturel des peuples, la France et le Mexique reconnaissent que le trafic illicite d’antiquités est l’une des causes de l’appauvrissement du patrimoine culturel des pays d’origine de ces biens. Les deux pays conviennent également qu’il s’agit d’un phénomène mondial qui, au cours des dernières décennies, a atteint des proportions inhabituelles, qui exigent l’articulation des efforts au sein de tous les forums et organismes multilatéraux compétents.

A travers le dialogue et la réflexion multilatéraux, ils prétendent générer des éléments politiques et opérationnels plus solides afin d’inverser les tendances actuelles du marché mondial de l’art et des antiquités. Ils réitèrent leurs efforts au sein d’organisations internationales telles que l’Organisation des Nations Unies pour l’éducation, la science et la culture (UNESCO), à travers l’implémentation de la Convention de 1970, de laquelle ladite organisation est dépositaire, par rapport aux mesures pour interdire et empêcher l’importation, exportation et transfert de propriétés illicites de biens culturels.

8. ​Nous, Ministre de l’Europe et des Affaires étrangères de la République française et Ministre des Relations extérieures des Etats-Unis mexicains, sommes convenus de maintenir un dialogue politique de haut niveau, afin de mettre en œuvre et d’approfondir, par de nouvelles initiatives conjointes, l’Alliance pour le Multilatéralisme dont l’établissement a été coparrainé par nos deux pays le 26 septembre 2019 à New York. Nous continuerons parallèlement à promouvoir cette Alliance aux côtés de nos autres partenaires stratégiques, pour ensemble défendre, renforcer et adapter un ordre international fondé sur le droit, garant de la paix et de la prospérité mondiale.

À Mexico, le 19 décembre 2019

JEAN-YVES LE DRIAN

Ministre de l’Europe
et des Affaires étrangères
de la République française

MARCELO LUIS EBRARD CASAUBON

Ministre des Relations extérieures
des États-Unis mexicains

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