Liban - Participation de Jean-Yves Le Drian au lancement de l’opération « Un bateau pour le Liban » (Marseille, 25 août 2020)

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Jean-Yves Le Drian, ministre de l’Europe et des affaires étrangères, s’est rendu le 25 août 2020 à Marseille pour participer au lancement de l’opération humanitaire « Un bateau pour le Liban » dans le cadre du pont aérien et maritime mis en place par la France après les explosions du 4 août dernier à Beyrouth.

L’Aknoul, navire affrété par la Fondation CMA CGM, a appareillé vers Beyrouth. Dans le cadre du partenariat entre la Fondation CMA CGM et le centre de crise et de soutien du ministère de l’Europe et des affaires étrangères, il transporte une cargaison de dons humanitaires destinés à la population libanaise et fournis par des acteurs des secteurs public et privé : ministère de l’Europe et des affaires étrangères, ministère des solidarités et de la santé, collectivités territoriales, conférence des directeurs généraux des centres hospitaliers universitaires de France, ONG nationales et internationales, associations, agences des Nations unies, entreprises.

L’Aknoul emporte plus de 2500 tonnes de matériel de reconstruction, de denrées alimentaires essentielles, de produits d’hygiène, ainsi que des véhicules de secours et du matériel médical qui permettra de contribuer à la lutte contre la pandémie de Covid-19 et de prendre en charge des blessés ou des malades dans des hôpitaux de la ville.

À l’arrivée du navire à Beyrouth, le ministère de l’Europe et des affaires étrangères, par l’action du centre de crise et de soutien et de l’ambassade de France au Liban, appuiera le déchargement de cette aide et assurera la remise des dons aux bénéficiaires identifiés, en particulier des hôpitaux de Beyrouth, la Croix-Rouge libanaise et les nombreuses associations locales impliquées dans la réponse d’urgence au profit de la population libanaise.

Opération « Un bateau pour le Liban »

Discours du ministre de l’Europe et des affaires étrangères, à l’occasion de l’opération « Un bateau pour le Liban » (Marseille, 25 août 2020) - Extraits

[…]

Mesdames et Messieurs,

On rappelle souvent, dans cette période, une phrase du général de Gaulle, lorsqu’il était à Beyrouth en juillet 1941 : le cœur du peuple libanais a toujours battu au rythme du coeur de la France.

Et si je peux me permettre de paraphraser, je pourrais dire aujourd’hui que le cœur de Marseille bat au rythme du cœur des Libanais et du peuple libanais.
Grâce à votre initiative, chère Tanya, initiative de la fondation CMA-CGM, grâce aussi à votre détermination, cher Rodolphe, et puis, surtout, Mesdames et Messieurs, grâce à votre coopération, j’ai entendu Mme Vassal le dire tout à l’heure, avec justesse, vaste coopération entre les élus, coopération entre les élus et les ONG, coopération entre les élus, les ONG et les entreprises, pour apporter ce soutien physique, matériel, identifiable, au peuple libanais.
Je dis bien « au peuple libanais », parce que nous avons le souci, vous avez le souci, et nous l’avons en particulier, et nous serons extrêmement vigilants que ces dons, ces biens, qui vont arriver bientôt à Beyrouth, soient effectivement attribués à ceux qui ont le plus besoin et les services de l’ambassade de France à Beyrouth ont la charge de veiller à ce que ces biens arrivent bien là où ils doivent arriver.

J’en profite d’ailleurs pour, au-delà de la Méditerranée, saluer toutes les équipes du Quai d’Orsay qui sont là-bas et qui se sont beaucoup dévouées, et saluer aussi, Monsieur le Directeur, l’action du centre de crise qui a été très efficace pendant cette période. Vous voyez, le fait de venir à Marseille me permet aussi de féliciter mes propres collaborateurs mais les occasions sont utiles.

Nous avons été, cher Rodolphe, avec le président de la République, à Beyrouth il y a quelques jours. Le président de la République a l’intention d’y retourner dans peu de temps. Et nous avons pu constater l’ampleur de la détresse, 186 morts, 6000 blessés, des hôpitaux détruits, une population hébétée, des gens ne sachant plus par quel bout prendre les reconstructions indispensables. Et aussi beaucoup d’attentes et d’espoir à l’égard de la France. Et la France se doit d’être au rendez-vous parce qu’elle a toujours été au rendez-vous du Liban, singulièrement dans les moments les plus difficiles. Et aujourd’hui, il y a une urgence humanitaire majeure qui se décline d’ailleurs en quatre types d’urgences complémentaires.

Il y a d’abord une urgence sanitaire immédiate et le convoi et le bateau qui va partir y remédiera en partie.Urgence sanitaire immédiate en raison des blessés que j’ai évoqués. Et aussi en raison de la pandémie qui est en train de se développer à vitesse considérable sur ce territoire fragile, à tel point que le Liban est maintenant reconfiné. Vous imaginez, l’explosion plus le reconfinement. Et donc, c’est un soutien moral, aussi, qu’il nous faut apporter, que ce bateau livrera.

Il y a une urgence alimentaire. Et les dons qui ont été effectués par certains d’entre vous, certains acteurs ici présents, certaines entreprises ici présentes, permettront d’y remédier en partie.

Il y a une urgence éducative, même si ce n’est pas l’objectif d’un bateau pour le Liban, il n’empêche que nous avons pu sentir l’ampleur du sujet. Figurez-vous, mais je pense que vous le savez déjà, tant la communauté libanaise est présente ici à Marseille et Mme la Maire de Marseille a rappelé l’histoire des relations que Marseille a avec Beyrouth, mais figurez-vous que près de 20% des élèves dans le monde, dans les écoles françaises dans le monde, sont au Liban. Et le Liban est un élément considérable de la francophonie et le renouveau éducatif est indispensable et nous avons attribué à cet égard des financements nécessaires d’urgence pour permettre aux écoles de reprendre. Tout simplement, parce que quand les écoles reprennent, c’est l’espoir qui renaît.
Et puis, une urgence de reconstruction. Quand on voit l’état du port, quand on voit l’état des maisons, des constructions environnantes, quand on voit l’état du siège de CMA-CGM à proximité du port, on voit bien l’effort, l’ampleur que cela va représenter.

Donc, une urgence humanitaire globale qui se décline dans une urgence sanitaire, dans une urgence alimentaire, dans une urgence éducative et une urgence de reconstruction. C’est l’enjeu de la France. Et votre contribution est essentielle dans cette affaire. Et c’est pour cette raison que le président de la République a souhaité, en partenariat avec les Nations unies, organiser, au début du mois d’août, au retour de Beyrouth, une conférence internationale des donateurs qui a permis de mobiliser 250 millions d’euros pour permettre la reconstruction. C’est l’urgence humanitaire.

Mais, au-delà de cela, il y a aussi une urgence politique. Je le dis ici, mais au-delà d’ici, Madame la Consule, aux Libanais. Il ne faudrait pas, malgré sa gravité, que l’urgence humanitaire occulte l’urgence politique et que l’on se dise « on va reconstruire, on va faire tout ça, mais le reste, on oublie. » Non ! Et la France est soucieuse de la gravité de cette crise politique, sociale, économique, - la moitié de la population vit en dessous du seuil de pauvreté -, il y a un manque de liquidités, il y a une crise énergétique, il y a des interrogations sur la manière dont le pays peut être gouverné demain. Donc, c’est un pays qui, avant l’explosion, était au bord de la détresse. Et il ne faudrait pas oublier, après l’explosion, malgré l’effort de la communauté internationale, que ce rendez-vous-là était déjà, à ce moment-là, sur la table, et qu’il faudra honorer cette difficulté pour permettre la constitution d’un gouvernement de mission qui, on l’espère, permettra aux Libanais d’être à nouveau au rendez-vous de leur histoire.

Voilà les deux points que je voulais souligner, en me réjouissant à la fois de la mobilisation marseillaise, de la solidarité qui s’est manifestée, de ce bateau que j’aurai sans doute l’occasion de voir à Beyrouth dans quelques jours, en accompagnant à nouveau le président de la République. Et puis, de voir apparaître le temps de l’espoir, Mme la Maire le disait il y a un instant, que ce bateau soit le signe du temps de l’espoir, je le souhaite aussi. Et je dis au président de la Région Sud que j’honorerai, évidemment, comme tous les ans, le rendez-vous sur la Méditerranée, auquel il me convie et qui aura un parfum libanais, à la fois de solidarité, mais aussi d’espoir, cette année.

Merci beaucoup.

Propos à la presse du ministre de l’Europe et des affaires étrangères (Marseille, 25 août 2020) - Extraits

Q - Votre sentiment quand vous voyez ce bateau partir ?

R - Je trouve qu’il y a un très bel élan de solidarité de la communauté marseillaise à l’égard du Liban. C’est grâce à l’action de la fondation CMA-CGM, Tanya Saadé, Rodophe Saadé, sûrement. Mais aussi la coopération qui s’est établie à la fois entre les collectivités locales, que ce soit la région, le département, ou la ville, et les ONG, et les entreprises. Coopération qui s’est établie d’autant plus facilement qu’il y a une communauté libanaise à Marseille, et qu’il y a une histoire entre Marseille et Beyrouth. Si bien que la catastrophe qui s’est produite a été vécue ici de manière particulièrement sensible et avec une solidarité émotive qu’on a pu sentir tout à l’heure dans les témoignages des uns et des autres.

Donc je suis venu pour montrer le soutien que la France apporte à cette initiative. 2500 tonnes de biens, que ce soit dans le domaine sanitaire, dans le domaine alimentaire, pour la reconstruction des bâtiments et des logements. 2500 tonnes qui s’ajoutent aux mille tonnes qui ont déjà été déployées antérieurement par un vrai pont aérien, ou pont maritime, puisque c’est le troisième bateau qui part. Il y a eu auparavant deux bateaux militaires, et puis huit vols de transport de fret qui montrent l’attachement de la France au Liban, et la volonté de contribuer à régler progressivement, le mieux possible, la détresse dans laquelle se trouve aujourd’hui le peuple libanais. Et nous sommes soucieux du fait que ces biens arrivent vraiment à leurs destinataires, c’est-à-dire les Libanaises et les Libanais qui sont aujourd’hui dans la souffrance.

Q - Il y a un message politique que vous avez un petit peu abordé. Parce que ce bateau sert aussi le message politique de la France ?

R - La France est toujours là quand le Liban est en difficulté. La France n’a jamais manqué au Liban. Le Liban n’a jamais manqué à la France. Mais aujourd’hui, il y a deux urgences pour le Liban. Il y a une urgence humanitaire : la France - mais pas uniquement elle, la communauté internationale - mais la France comme leader en raison de l’histoire essaie d’y répondre. Et ce bateau en est un des éléments. Et nous retournerons d’ailleurs dans les jours qui viennent avec le président de la République à Beyrouth pour constater d’abord l’arrivée du bateau, mais aussi que ces biens sont vraiment bien utilisés. Il y a une urgence, donc indispensable. C’est l’urgence du moment qui se fait sans conditionnalité, qui doit nous permettre de mobiliser l’ensemble des partenaires, des partenaires européens aussi puisque la conférence internationale que le président de la République a initiée il y a quelques jours a permis de mobiliser 250 millions d’euros pour la reconstruction du Liban.

Donc ça, c’est un impératif essentiel. Et puis il ne faudrait pas que l’on oublie l’urgence politique et l’urgence structurelle qui existaient avant la catastrophe. Et il ne faudrait pas que la catastrophe serve de prétexte à occulter cette réalité qui existait avant. Je m’étais rendu à Beyrouth au mois de juillet. Cette réalité qui existait avant, c’est-à-dire un pays au bord du gouffre. Un pays où la moitié des gens vivent au-dessous du seuil de pauvreté. Un pays où la jeunesse est désespérée. Un pays qui risque de manquer de liquidités demain. Et un pays qui n’arrive pas à se réformer. Et donc nous souhaitons que ce moment soit le moment qui permette aux autorités libanaises, aux responsables libanais, de faire le sursaut nécessaire pour qu’un gouvernement de mission engage les réformes indispensables que tout le monde connait. Ça fait deux ans que l’on sait qu’il faut faire un audit de la banque du Liban, qu’il faut réformer le système des marchés publics, qu’il faut réformer le système d’approvisionnement en électricité, qu’il faut avoir de nouvelles méthodes de gestion.

Tout cela est connu et il y a eu déjà des discussions entre le Fonds monétaire international et les autorités libanaises, mais elles n’avancent pas. Et donc, il faut maintenant que ce sursaut soit au rendez-vous. C’est ce que le président de la République a indiqué aux responsables politiques libanais il y a quelques jours ; c’est ce qu’il redira lorsqu’il va se rendre au Liban bientôt.

Q - Est-ce que vous n’avez pas le sentiment que justement ce gouvernement de mission est assez long à se mettre en place, que les vieux réflexes reviennent, et est-ce que vous pensez que le gouvernement peut être en place lors de la prochaine visite de M. Macron ?

R - C’est ce que nous souhaitons, mais ce n’est pas pour répondre à la France que la question se pose.C’est pour répondre au peuple libanais. Parce que le peuple libanais, il était dans la rue en octobre de l’année dernière. Bien avant la catastrophe. Pour protester, pour interpeller ses responsables politiques. Et cette colère saine est toujours là. Et donc il faut la prendre en considération.

Q - Vous êtes pessimiste sur la suite ?

R - Je pense que la prise de conscience se fait. Et nous sommes prêts à aider. Mais nous n’allons pas nous substituer aux responsables libanais.

Q - Vous partez bientôt au Liban, est-ce que vous pensez que votre message, le message du président a été écouté ? Rien pour l’instant est en train de se faire. Quelle solution ?

R - C’est aux Libanais d’assurer eux-mêmes leurs responsabilités. Nous n’avons pas à nous substituer à leurs responsabilités. Mais tout le monde sait que si le gouvernement de mission à mettre en oeuvre, décide de mener des réformes qui ont été indiquées déjà par le précédent gouvernement, si ce gouvernement de mission, et je répète, ces réformes, alors la communauté internationale, et au premier rang de laquelle la France, saluera cet effort et cette volonté.

[…]