Conférence internationale de soutien à la population du Liban – Conclusions des co-présidences (France et Nations unies) (4 août 2021)

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La Conférence internationale de soutien à la population du Liban s’est tenue le 4 août 2021 en visioconférence, à l’invitation conjointe du Président de la République française et du Secrétaire général des Nations unies. Trente-trois États, treize organisations internationales et cinq représentants de la société civile libanaise ont participé aux échanges.

Il y a tout juste un an, une terrible explosion ravageait le port de Beyrouth et les quartiers environnants. La communauté internationale a exprimé sa solidarité. Une conférence de soutien, réunie dès le 9 août 2020, a permis d’organiser dans l’urgence une première réponse humanitaire. Une seconde conférence s’est tenue le 2 décembre 2020, pour mobiliser des soutiens additionnels et commencer à s’inscrire dans une logique de relèvement à moyen terme.

Un an après l’explosion, les participants à la Conférence, tout comme les Libanais, ont commémoré ce triste anniversaire, constaté la grave détérioration des conditions de vie de toute la population du Liban, et demandé des comptes à la classe politique libanaise afin que toute la lumière soit faite sur cette explosion.

La crise touche aujourd’hui tout le Liban et tous ses habitants. Cette crise est économique et financière, l’une des trois plus graves au niveau mondial depuis le milieu du XIXe siècle selon la Banque mondiale. Cette crise est aussi sociale, la réponse aux besoins essentiels et la fourniture des services publics de base n’étant plus assurée pour une grande partie de la population. Cette crise est également alimentaire, et elle est en train de se transformer en crise humanitaire. Cette crise est politique, sa responsabilité incombe aux dirigeants politiques, et elle est marquée par l’impossibilité de former un gouvernement capable de mener les réformes les plus urgentes. Cette crise est, enfin, une crise de confiance, tant entre la population du Liban et ses dirigeants qu’entre ces derniers et la communauté internationale.

Dans ce contexte particulièrement difficile, la Conférence a salué le fait que la totalité de l’aide annoncée il y a un an ait été versée. Les participants ont répondu à un nouvel appel humanitaire de 357 millions de dollars des Nations Unies pour les douze mois à venir, en faisant état d’aides financières de l’ordre de 370 millions de dollars, auxquelles s’ajoutent des aides en nature substantielles. Il s’agit en particulier de répondre aux besoins les plus urgents dans les secteurs de la sécurité alimentaire, de l’eau et de l’assainissement, de la santé et de l’éducation.

Les participants ont souligné que cette aide supplémentaire vise à sauver des vies et ne représente en aucun cas une solution durable aux difficultés auxquelles fait face le Liban. Celles-ci exigent d’abord et avant tout la formation d’un gouvernement mettant en œuvre les réformes promises depuis la Conférence CEDRE de 2018 et rappelées le 1er septembre 2020 dans la feuille de route agréée par l’ensemble des forces politiques libanaises. Les participants ont souligné que la mise en œuvre de ces décisions demeure décisive pour tout soutien financier structurel de leur part.

Les participants à la Conférence ont salué la désignation de M. Najib Mikati comme Premier ministre et appelé à la formation d’un gouvernement dédié au sauvetage du pays.

Ce gouvernement devrait se consacrer, dès sa formation, à lancer, conduire et conclure rapidement des négociations de bonne foi avec le Fonds monétaire international (FMI). Il lui appartiendra aussi de préparer les élections de 2022, qui doivent se tenir de manière transparente et impartiale selon le calendrier prévu.

La Conférence a permis d’évoquer les mesures exigées par l’aggravation de la crise.

La levée progressive des subventions aux produits de première nécessité doit s’inscrire dans le cadre de la création de filets de protection sociale, notamment à travers la mise en œuvre immédiate du prêt Emergency Social Safety Net (ESSN) de la Banque mondiale. La distribution de cartes prépayées et l’établissement des listes de bénéficiaires sur lesquelles elle repose doivent se dérouler en toute transparence.

Les participants à la Conférence ont constaté que le cadre 3RF (Réforme, relèvement, reconstruction) est désormais opérationnel, et permet une meilleure coordination des bailleurs et un rôle important confié à la société civile. La « Facilité financière pour le Liban », fonds multi-bailleurs de la Banque mondiale, doit commencer à engager des financements sans obstacles bureaucratiques dès les jours qui suivent cette conférence, en versant de premiers dons aux PME. Les contributeurs actuels invitent d’autres bailleurs à les rejoindre.

Alors que l’économie libanaise est en profonde récession, le secteur bancaire et financier doit jouer son rôle normal de financement de l’économie réelle. Le traitement de la crise financière doit commencer sans délai, dans le cadre d’un plan et d’une loi de résolution bancaire qui reposent sur des règles équitables et transparentes mettant à contribution les acteurs de cette crise financière.

Les participants ont relevé que le Liban va bientôt bénéficier de sa part (900 millions de dollars environ) de l’allocation universelle et inconditionnelle de droits de tirage spéciaux du FMI, pour faire face à la récession et aux conséquences de la crise sanitaire mondiale. Ils ont recommandé de décider de l’utilisation de ces ressources en toute transparence, en lien avec la société civile, de la soumettre à un suivi en temps réel et à une évaluation a posteriori et, enfin, de faire en sorte qu’elle contribue à l’élaboration des politiques publiques appropriées. Ils sont convenus de suivre avec attention ce sujet et de s’en ressaisir.

Les participants ont estimé que, conformément aux attentes de la population libanaise, le modèle de développement du pays devait être repensé afin de le replacer sur une trajectoire de développement durable et axée sur l’humain. L’aide humanitaire ne saurait être une solution de longue durée et la mise au point d’un programme avec le FMI doit s’inscrire dans la perspective d’un renouvellement de la gouvernance et dans celle d’un nouveau modèle de développement s’appuyant sur l’Agenda de développement durable à l’horizon 2030.

Les participants s’inquiètent des retards de l’enquête sur l’explosion du 4 août. Ils relèvent aussi, avec préoccupation, la situation opérationnelle du port de Beyrouth. Ils appellent les autorités libanaises à prendre, sans délai, les mesures nécessaires à sa maintenance adéquate et à la reconstruction des parties du port détruites.

La première richesse du Liban est sa population. La crise et les effets de l’impasse politique poussent des Libanais de plus en plus nombreux à quitter leur pays. Il s’agit d’un risque majeur pour l’avenir du pays, qui fragilise dès à présent les secteurs d’excellence du Liban, en particulier l’éducation et la santé.

Les participants à la Conférence ont souligné que la formation d’un gouvernement engageant sans délai les réformes indispensables est la première étape d’un effort soutenu visant à répondre aux défis auxquels est confronté le Liban. Les participants se tiennent aux côtés des Libanais sur cette voie, et entendent poursuivre leur dialogue avec les institutions nationales et la société civile libanaises. Ils confirment leur détermination à déployer tous les instruments disponibles pour apporter une aide directe à la population. Mais la fourniture d’une assistance économique et financière structurelle exigera des changements en profondeur de la part des responsables politiques libanais.