Réunion de Paris sur le processus de paix au Proche-Orient - Conférence de presse conjointe des ministres des affaires étrangères français, allemand, égyptien et jordanien - Propos liminaires de Jean-Yves Le Drian, ministre de l’Europe et des Affaires étrangères (Paris, 11 mars 2021)

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Mesdames et Messieurs,

Je voudrais vous dire que je suis très heureux d’accueillir ici, à Paris, au quai d’Orsay, mes homologues Sameh, Ayman et Heiko. C’est notre quatrième réunion, après celles de Munich, d’Amman et du Caire. Et je suis très heureux aussi que cette réunion ait pu avoir lieu en présence du coordinateur spécial des Nations unies, M. Wennesland, qui s’est joint à nous, de même que la représentante spéciale de l’Union européenne, Mme Susanna Terstal, qui est aussi des nôtres.

C’est notre quatrième réunion, elle montre notre volonté de rester à l’initiative pour contribuer à restaurer les conditions d’une paix durable dans la région. La dynamique qui se construit dans la région depuis les accords de normalisation et de rétablissement des relations entre Israël et plusieurs États arabes est positive. Elle apporte une contribution importante à la stabilité et à la sécurité régionales.

Mais la paix et la stabilité passeront aussi par une résolution juste et durable du conflit israélo-palestinien dans le cadre du droit international et des paramètres agréés. Le chemin pour y parvenir est connu de tous. L’objectif est celui de deux États, vivant côte à côte, le long des frontières sûres et reconnues. Le cadre, c’est celui du droit international et des résolutions du Conseil de sécurité. Et la méthode, c’est celle de la négociation entre les parties pour trouver une solution conforme aux aspirations des deux peuples.

La première étape est donc de recréer la possibilité d’une reprise de dialogue en identifiant des pistes concrètes pour surmonter la défiance qui existe entre les parties. Nous avons observé, ces derniers mois, quelques signes encourageants ; c’est vrai s’agissant de la reprise de la coordination entre Israël et l’Autorité palestinienne sur des questions fiscales et sécuritaires ; c’est vrai aussi sur les prolégomènes d’une bonne gestion de la crise sanitaire qui frappe malheureusement indifféremment toutes les populations, même si, aujourd’hui, nous estimons que cette coopération doit être très largement renforcée. Et l’objectif de notre groupe d’États européens et arabes est de s’appuyer sur ces éléments positifs et d’aller plus loin, en identifiant des mesures concrètes et réalistes, que pourraient prendre les parties, à brève échéance. Il s’agit d’identifier les petits pas réciproques que nous pourrions proposer aux Israéliens comme aux Palestiniens d’accomplir pour rétablir progressivement les conditions du dialogue.

Nos pays ont engagé des discussions avec les deux parties, sur cette base. Nous entendons les poursuivre, sur la base des échanges que nous avons eus, aujourd’hui, et que nous continuerons à avoir, tout à l’heure. Nous avons pu nous appuyer sur l’expertise des Nations unies, nous en sommes heureux, et sur l’expertise de l’Union européenne. Nos efforts sont complémentaires de ceux qui sont conduits dans d’autres cadres, dans d’autres enceintes, je pense en particulier au Quartet et nous entendons travailler étroitement avec le Quartet, dont les membres jouent un rôle central sur la question israélo-palestinienne.

Nous savons aussi que nous sommes devant toute une série de nouveaux éléments, que ce soit la nouvelle posture américaine, que ce soit la proximité des échéances électorales israéliennes ou palestiniennes. Nous avons là un ensemble de données de calendriers qui sont nouveaux et avec lesquels nous devons composer. Et notre but, c’est à la fois, pendant toute la période antérieure, d’éviter qu’il y ait un vide dans le processus des discussions, je crois que nous avons, de ce côté-là, réussi, éviter qu’il y ait un repli des deux parties, l’une envers l’autre, et l’une sur l’autre, et éviter aussi que ce sujet reste marginal dans les grands enjeux de négociations et de discussions, sur l’ensemble de la région, qui ne manqueront pas de se passer, dans les mois qui viennent.

Voilà dans quel état d’esprit nous travaillons. C’est notre quatrième rencontre, nous commençons à nous constituer dans une démarche commune qui me paraît extrêmement utile, et nous voulions vous en rendre compte, là, il y a un instant. Nous allons publier un communiqué, dans peu de temps, qui fera le point sur l’ensemble de nos travaux. Et je donne la parole, maintenant, au ministre des affaires étrangères de l’Égypte, M. Sameh Choukri.

En réponse à une question sur le Liban, le ministre a indiqué :

« Sur le Liban, Madame, je suis, pour ma part, partagé entre la tristesse, la colère et l’angoisse. Et je serais tenté de qualifier les responsables politiques libanais de « non-assistance à pays en danger », tous autant qu’ils sont. Chacun sait ce qu’il faut faire. Lorsque le Président de la République s’était rendu à deux reprises au cours de l’été, après l’explosion, puis, le 1er septembre, à Beyrouth, l’ensemble des acteurs s’était engagé à agir, à la fois dans la composition rapide d’un gouvernement, inclusif, et par ailleurs dans l’engagement des réformes indispensables. C’était il y a sept mois. Sept mois, oui. Et rien ne bouge.

Je pense qu’il n’est pas encore trop tard, mais les délais sont très courts avant l’effondrement. Et c’est aux autorités libanaises de prendre en main le destin de leur pays, en sachant que la communauté internationale regarde avec l’angoisse que j’ai indiquée tout à l’heure, l’inquiétude, devant les retards.

Si le Liban s’effondrait, ce serait une catastrophe. Pour les Libanais d’abord, bien sûr, partout où ils sont, et d’abord au Liban. Et ce serait une catastrophe pour les réfugiés palestiniens, les réfugiés syriens, et une catastrophe pour l’ensemble de la région. Mais nous ne pouvons pas, nous, nous substituer aux forces politiques libanaises qui doivent assumer leurs responsabilités. Nous voyons bien que des mouvements se déploient. La population s’inquiète beaucoup, et on la comprend.

Donc, pour conclure, il est encore temps d’agir, parce que demain, il sera trop tard. »

En réponse à une question sur la Libye, le ministre a indiqué :

« Je voudrais juste ajouter un point sur la Libye, ce n’est pas le sujet de notre conversation, mais quand même, quand il y a de bonnes nouvelles, il faut se le dire. Et le fait que le vote de confiance ait eu lieu, hier, à l’égard du processus politique qui avait été initié dans le cadre du forum de Genève, ce vote de confiance qui consolide le Premier ministre Dbeiba, le Président Manfi, c’est quand même un point important à souligner. Il y a parfois des bonnes nouvelles. Et quand il y en a, disons-le. Et comme nous avons travaillé tous les quatre sur cette orientation, que nous étions, tous les quatre, favorables à ce que la Chambre des représentants présidée par M. Aguila Saleh puisse voter pour ce gouvernement qui a pour charge de préparer les échéances du 24 décembre - nous n’en avons pas parlé encore, mais nous avions prévu de nous en parler, après cette conférence de presse -, c’est une bonne nouvelle, qui est due aussi à l’action des Nations unies. Il se trouve que je recevrai M. Kubis ce soir, cela tombe très bien. Nous avons au niveau européen aussi, avec nos amis, Heiko Maas et moi-même, avec nos amis italiens, agi pour que cela aille dans ce sens-là. Nous avons multiplié les échanges. Parfois, nous étions un peu désemparés, - n’est-ce pas ? - sur les situations conflictuelles et les inerties. Et puis là, bon ! Il y a cet éclair, cette éclaircie, qui n’est pas arrivée depuis plusieurs années - plusieurs années -, qu’il y ait une identification d’un gouvernement légitime validé par une chambre élue.

Il y a eu les accords de Skhirat, mais c’était une autre période et il n’y avait pas eu en plus de légitimation par les assemblées. Là, j’espère que c’est un nouveau chemin qui s’ouvre pour la Libye et que nous allons, à partir de là, retrouver les chemins de la paix et de la sérénité. Cela veut dire aussi qu’il faudra faire en sorte que les éléments du cessez-le-feu, qui est intervenu au mois d’octobre, se déclinent. Alors il y a l’échéance de décembre, indispensable : les échéances électorales. Et puis, il y a les échéances de sécurité à mettre en œuvre tout de suite. Mais là, c’est tout de même une grande avancée, et c’est la suite - je le dis pour Heiko mais - c’est la suite du processus de Berlin. C’est une application concrète.

Donc, quand il y a des moments positifs, cela vaut le coup de le souligner. »