États-Unis – Intervention de Jean-Yves Le Drian lors de sa conférence de presse avec Antony Blinken, Secrétaire d’État des États-Unis (25 juin 2021)

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Monsieur le Secrétaire d’État, cher Tony,

Je me réjouis de vous accueillir à Paris.

Nous avons eu, ce matin, des échanges très substantiels, qui confirment la valeur du nouvel élan que le Président Biden et le Président Macron ont donné à la relation qui nous unit.

Donc, Antony, « Welcome back ! »

C’est une excellente nouvelle pour nous tous que l’Amérique soit de retour. Et c’est un retour sur les valeurs que nous partageons, c’est un retour sur une exigence, la démocratie, que nous partageons, c’est un retour sur le multilatéralisme que nous avons créé ensemble et que nous avons la responsabilité de poursuivre, intensément.

Ces valeurs universelles, cette exigence démocratique, cet horizon commun, sont les fondements de notre maison commune, pour lesquels la France et les Européens, à un moment donné, ont eu à se battre seuls, pendant quatre longues années, face à des attaques, sur ces sujets-là, la démocratie, les valeurs, qui se poursuivent aujourd’hui.

Je suis donc très heureux que nous nous soyons retrouvés et que nous puissions, à nouveau, travailler ensemble à préserver cet ordre international fondé sur la coopération et sur le droit.

Depuis le début de l’année, avec Antony Blinken, nous nous sommes employés à nourrir ce nouvel élan, en renouant un dialogue constant et confiant qui est indispensable entre nos deux pays.

Il est indispensable, parce que les défis immenses auxquels nous sommes confrontés exigent toute notre énergie - que ce soit la pandémie, l’urgence climatique, en passant par les inégalités mondiales -, indispensable, parce que nous traversons un grave moment de brutalisation de la vie internationale.

C’est pourquoi l’approfondissement de notre alliance est un impératif stratégique.

Que nous agissions à titre bilatéral, au sein de la relation Union européenne-États-Unis, ou encore dans le cadre d’une OTAN rééquilibrée, où les Européens se donnent désormais les moyens de jouer pleinement leur rôle, - ce que le Président Biden et vous-même avez salué -, nous sommes plus forts ensemble.

Plus forts face à la menace terroriste, que nous combattons au Levant et au Sahel, dans cette région, le Sahel en particulier, une transformation en profondeur du dispositif français est en cours de préparation. Et j’ai dit au secrétaire d’État l’importance du soutien politique et militaire que nous souhaitons voir les États-Unis continuer d’apporter à cette initiative.

Plus forts pour répondre aux crises qui mettent en jeu nos intérêts de sécurité. Nous étions ensemble, avant-hier, à Berlin, et nous avons pu constater notre convergence de vues, avant Berlin et encore plus après Berlin, pour obtenir le départ des forces et des mercenaires étrangers et le respect du calendrier de transition politique en vue des élections du 24 décembre prochain.

Plus forts, pour répondre aux crises, j’ai dit la Libye, mais sur le dossier iranien aussi, notre position est claire : nous attendons des autorités iraniennes qu’elles prennent les dernières décisions, sans doute difficiles, qui permettront de conclure notre négociation, pour aboutir rapidement au retour complet de la mise en oeuvre de l’Accord de Vienne.

C’est vrai sur les crises également au Liban, cher Tony.

Je me réjouis que nous ayons constaté, ce matin, non seulement la même appréciation de la situation, l’effondrement de ce pays, dramatique, l’incapacité des dirigeants politiques de relever le moindre défi, le moindre début de progrès pour redresser ce pays, constatant ensemble aussi le drame que serait que ce pays se disloque, disparaisse. Nous avons fait le même constat et nous avons décidé, Mesdames et Messieurs, d’agir ensemble ; d’agir ensemble pour faire pression sur les responsables du blocage. On les connaît, et ce n’est pas l’immobilisme qui donnera la solution. Donc, nous allons décider de mener ensemble, de concert, des initiatives fortes, indispensables, pour débloquer la situation, par respect du peuple libanais.

Plus forts, pour veiller sur la stabilité de l’espace euro-atlantique, et sur la base des décisions importantes qui ont été prises, lors du dernier sommet de l’OTAN. Nous allons pouvoir décliner la réflexion stratégique initiée en 2019, qui impliquera notamment de nourrir le dialogue avec la Russie sur des sujets essentiels comme la maîtrise des armements, en parallèle avec l’approche de fermeté que nous partageons et que nous déclinons, que ce soit à l’OTAN ou à l’Union européenne.

Nous avons aussi évoqué, pour poursuivre notre action conjointe, la question de l’Arménie et de l’Azerbaïdjan. Nous allons renforcer nos échanges et nos actions communes sur ce dossier.

Être plus forts, c’est enfin être plus forts dans l’Indopacifique, qui doit impérativement demeurer un espace libre, ouvert, et cela passe par une approche équilibrée vis-à-vis de la Chine.

Nous avons, évidemment, abordé cette question ensemble, pour essayer de définir cet équilibre. Nous nous rejoignons sur la nécessité de nous coordonner pour décliner une approche lucide et pragmatique, avec ce que la Chine représente pour nous, c’est-à-dire qu’elle est à la fois un partenaire, un concurrent et un rival.

Par ailleurs, mon cher Tony, la relation franco-américaine, c’est aussi une amitié historique, à l’égard de laquelle nous avons finalement, tous les deux, une responsabilité particulière, non seulement de respecter cette histoire, mais de la faire vivre.

Et donc, je ne résiste pas, pour terminer, au plaisir de mentionner un très beau projet, que je dévoilerai dans quelques jours : un réseau de résidences de créateurs et de penseurs qui verra le jour à partir de l’automne prochain sur tout le territoire américain, qui s’appelle la Villa Albertine.

Je n’en dis pas plus parce que j’en parlerai dans quelques jours, ici, à Paris. C’est une villa d’un genre nouveau. Vous savez qu’on a la Villa Médicis à Rome, la Villa Kujoyama à Kyoto, et il y aura la Villa Albertine aux États-Unis, mais sur plusieurs sites, dans un concept tout à fait nouveau que je vous ai exposé il y a un instant mais sur lequel je voulais conclure mon propos devant la presse.

Voilà, Mesdames et Messieurs, l’essentiel de notre matinée d’échanges. Ces échanges se poursuivront, puisque nous allons les reprendre en juillet. Je me rendrai, à mon tour, aux États-Unis, mi-juillet, et nous aurons l’occasion de nous rencontrer, de poursuivre cette conversation dense, utile, et très amicale, que nous avons eue ce matin./.

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