Entretien de la Ministre, Catherine Colonna, à RFI à l’occasion de son déplacement en Côte d’Ivoire (10 décembre 2022)

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RFI – Quelle est la stratégie des autorités françaises pour répondre aux discours qui critiquent la politique française en Afrique, ou aux manipulations de l’information ?

Catherine Colonna – Ce n’est pas qu’elle est critiquée, c’est que j’ai entendu un appel à ce qu’on fasse encore d’avantage. Ce qui se passe, c’est très simple, je voudrais qu’on ait les idées claires là-dessus, il y a deux choses.
Il y a une aspiration de beaucoup de jeunes africains à faire évoluer ces relations avec leur environnement d’une façon générale et avec notre pays, si on parle du nôtre. C’est une aspiration partagée et que la France porte depuis quelques années. Je ne reviens pas sur ce que nous essayons de faire sur la transformation de notre partenariat avec l’Afrique, mais il est important de savoir et peut-être de faire mieux comprendre que, cette aspiration au changement, nous la partageons et nous la mettons en œuvre avec une réorientation de moyens de coopération et de développement, tous les nouveaux partenariats que nous avons avec l’Afrique, tous ces nouveaux contacts que l’on a avec la jeunesse africaine, que l’on développe de plus en plus, toutes nos actions de formation, d’apprentissage, de réorientation de nos actions de coopération vers des actions plus ciblées qui touchent d’avantage des petites entreprises, les start-ups, la création également, tout un champ nouveau que l’on explore. Ça c’est un fait.

L’autre volet de la discussion, c’est la confusion qui s’installe parfois dans les esprits, qui empêche une partie des jeunes de se rendre compte qu’elle est manipulée. Et là je voulais vraiment que vous nous aidiez à mettre en place un système d’alerte et de correction de la réalité des faits parce que, pardonnez-moi, la réalité compte. Et donc je ne veux pas qu’une partie de la jeunesse se laisse entraîner par, peut-être ignorance, par manipulation aussi, parce qu’il y a des manipulations, il faut le dire, à ne plus se rendre compte de la réalité de qui les aide et qui leur nuit. La réaction que nous organisons mieux désormais à la désinformation, à la propagande, la manipulation, ne doit pas oublier l’objet principal, la cause principale, le fait générateur, qui sont les mensonges et les actions de propagande que mène de façon souterraine la Russie, pour dire les choses clairement, dans la sous-région. Et qui fait un mal considérable, on le voit dans les coups d’État qui, dans des pays voisins de la Côte d’Ivoire, font que, en réalité, l’insécurité progresse. Les groupes terroristes également étendent de plus en plus leur terrain d’action et que tout le monde y perd et d’abord et avant tout les populations.

RFI – Est-ce que vous constatez que pour le moment justement cet effort-là ne porte pas ces fruits ? Sur le contre-discours etc.

Catherine Colonna – Je ne suis pas d’accord avec vous. Je crois qu’on s’organise mieux parce qu’on a une capacité de veille et de réaction que l’on n’avait pas, parce que ce ne sont pas des méthodes que l’on pratique. Nous, nous sommes aux côtés des pays et des populations. Nous les aidons par des actions concrètes mais nous leur demandons aussi d’ouvrir les yeux et de mieux réaliser qui aide et qui nuit. Et je crois qu’au-delà de ce que nous nous faisons et de ce que nous devrons peut-être faire davantage encore, il y a une question de responsabilité presque personnelle de chacun à ne pas se laisser entraîner dans des manipulations, à ne pas devenir prisonnier d’une propagande qui vise précisément à les rendre prisonniers de fausses informations.

RFI – Sur le Mali, suppression de l’aide publique française et derrière les autorités maliennes disent toutes les ONG sont interdites…

Catherine Colonna – Elles seront responsables de leurs actes. Pour nous, et compte tenu de ce double coup d’État qui a frappé le Mali, il n’était pas question que quoi que ce soit dans l’aide au développement de la France bénéficie à des individus liés à la junte ou bénéficie à la junte, alors qu’ils poursuivent des actions négatives. Donc nous avons, et c’est logique, pris en février la décision de suspendre l’aide au développement, sans suspendre l’aide humanitaire. Si la junte décide, comme il semble qu’elle l’ait fait, de suspendre l’aide humanitaire qu’apportent des ONG françaises ou maliennes ou internationales, c’est une grave responsabilité qu’elle prend. C’est un choix qui est le sien et qui n’est pas le nôtre et dont elle est responsable devant sa population.

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