Corée du Sud - Discours de Catherine Colonna lors de l’inauguration du campus diplomatique français de Séoul (15 avril 2023)

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Seul le prononcé fait foi

Madame la Première Dame,
Monsieur le Ministre,
Monsieur le Vice-ministre des Affaires étrangères,
Monsieur l’Ambassadeur,
Madame la Députée,
Monsieur le Maire de l’arrondissement de Seodaemun,
Mesdames, Messieurs,
Chers collègues,
Chers amis,

Au moment d’inaugurer ce nouveau campus diplomatique français de Séoul, qui est comme une nouvelle mue pour notre ambassade, je crois pouvoir dire que nous sommes toutes et tous particulièrement frappés de l’épaisseur historique qui s’exprime dans ces murs. C’est que la solidité des liens tissés entre la France et la République de Corée, au fil d’une longue histoire partagée, nous oblige.

Cette histoire, c’est d’abord celle de la colline sur laquelle nous nous trouvons. Un lieu à part dans l’histoire et la culture coréennes, identifié dès la fondation de la cité pour son rôle majeur dans la circulation des énergies, suivant les principes de la géomancie coréenne.

L’histoire du lieu, c’est aussi celle de ses anciens propriétaires, ceux qui ont précédé l’installation de l’ambassade, en particulier la famille du Prince MIN Yeong-hwan. À quelques centaines de mètres d’ici, un monument honore aujourd’hui encore la mémoire de ce ministre et grand patriote, mort pour l’indépendance de la Corée.

Nous pensons aussi en cet instant aux premiers diplomates français à avoir exercé leurs fonctions dans ce pays. Dès 1896, une première grande légation de France avait été construite à Séoul. Elle n’a pas survécu aux troubles de l’histoire, mais nous en avons gardé la pierre inaugurale, qui se trouve toujours en ces lieux. Elle conserve la mémoire de Victor COLIN DE PLANCY, de Maurice COURANT, de tous ces grands introducteurs des études coréennes en France, qui ont fait naitre l’enthousiasme de notre pays pour la Corée et ont cru en son avenir. En faisant l’acquisition de ce terrain en 1905 et en conservant, par-delà le protectorat puis l’annexion japonaise, une présence consulaire pratiquement ininterrompue jusqu’au retour de l’indépendance, la France a su faire preuve de la même confiance en la Corée.

Jusqu’à ce qu’en 1950, la France réponde présent à l’appel des Nations Unies et de la nation coréenne, injustement agressée, en envoyant ce Bataillon français dont je veux saluer la mémoire aujourd’hui. Dans les moments les plus difficiles, les soldats français jouèrent un rôle décisif. Ils ont combattu là où se jouait le sort de la guerre, à Chipyeong-ri, à Arrowhead, à Crèvecoeur, et dans tant d’autres lieux de la péninsule. Un grand nombre d’entre eux sont encore aujourd’hui portés disparus. Durant ce même épisode tragique de l’histoire de la Corée, les diplomates français présents à Séoul, à commencer par notre chef de poste Georges PERRUCHE, payaient eux aussi un lourd tribut. Ils eurent à subir, trois ans durant, de terribles conditions de captivité en Corée du Nord. Alors que les noms de deux des combattants du Bataillon français, le général Monclar et le médecin-major Jean-Louis, ont été donnés aux nouveaux bâtiments de notre ambassade, la mémoire de ces femmes et de ces hommes vit aujourd’hui en ces lieux.

Après la Guerre, et alors qu’une nouvelle période s’ouvrait pour la Corée, la France exprimait de nouveau sa confiance en l’avenir de votre pays, meurtri et amputé. C’est ainsi qu’était décidée, en 1962, à l’initiative du général DE GAULLE, la construction d’une grande ambassade. Sous la supervision de l’ambassadeur Roger CHAMBARD, la mission fut confiée à M. KIM Jeong-up. C’est à l’immense talent de cet architecte d’exception que nous devons ce bâtiment dont nous sommes fiers et qui, je crois, occupe aujourd’hui encore une place à part dans le cœur des habitants de Séoul. Tout en s’inscrivant dans les plus anciennes traditions du pays et en s’inspirant des formes de l’architecture sacrée et royale, ce brillant disciple de Le Corbusier sut pleinement ancrer son œuvre dans la modernité de son temps. À tel point que l’ambassade de France à Séoul marque alors, dit-on, la renaissance de l’architecture coréenne.

C’est pourquoi nous avons voulu que le Pavillon, qui constitue le cœur de notre nouveau campus diplomatique, porte le nom de son concepteur. Par son élégance, par son audace également, il est probablement unique au monde. Restauré dans sa forme initiale, il est certainement appelé à devenir l’une des icônes de la ville de Séoul. Car cette ambassade et ce campus seront ouverts sur la ville et accessibles au public.

C’est ce que nous demandons aujourd’hui à notre diplomatie : une diplomatie ouverte sur le monde, à l’écoute des sociétés civiles, attentive et compréhensive de l’altérité, respectueuse de ses hôtes, recherchant le dialogue des cultures et le débat des idées. Quelques semaines après la clôture de ce grand exercice de réflexion collective des États généraux de la diplomatie, voulu par le Président de la République et la Première ministre, notre présence ici illustre pleinement cette ambition, que nous affirmons auprès d’un de nos partenaires clés dans la région Indopacifique.

C’est qu’il est d’autant plus essentiel, dans ce pays comme ailleurs dans le monde, à un moment de profonde remise en cause de l’ordre international fondé sur le droit, à un moment où nous avons plus que jamais besoin de diplomates, de doter la diplomatie française d’un outil de travail, d’un outil de rayonnement, à la hauteur des enjeux, à la hauteur de nos ambitions.

En regroupant l’ensemble des services français dans ce cadre exceptionnel, nous allons certes gagner en ergonomie ; mais nous allons surtout pouvoir travailler en Equipe France, exploiter tout le potentiel des synergies entre politique étrangère et diplomatie économique, coopération culturelle et développement touristique, diplomatie scientifique et éducative, développement des investissements croisés et accroissement de la qualité des services rendus à nos communautés. La triple logique d’unité de lieu, d’unité d’action et d’unité de commandement, sous l’autorité de l’ambassadeur ou de l’ambassadrice, dont la vocation et le mandat fixé par le Président de la République est d’être résolument capitaine de l’équipe de France interministérielle, est la meilleure garantie d’efficacité.

Je veux saluer l’ensemble des services techniques, administratifs et financiers du Ministère et leurs représentants ici présents, pour leur immense contribution à la réussite de cette opération immobilière. C’est la plus importante du réseau actuellement, et assurément une des plus éclatantes. Je veux vous remercier de votre professionnalisme. Vous êtes parvenus à rester dans le cadre des délais et des budgets qui vous étaient impartis et vous avez su trouver des solutions intelligentes aux problèmes auxquels vous étiez confrontés, la crise sanitaire n’étant pas le moindre. Aux architectes, ingénieurs, techniciens et travailleurs qui se sont mis à notre service, Français comme Coréens, j’exprime aussi ma reconnaissance. La beauté aérienne et pleine d’audace du toit du Pavillon est là pour attester de la qualité du travail accompli, dans des conditions difficiles et face à des défis techniques importants.

À nos hôtes coréens qui nous font l’honneur d’être présents à cette cérémonie, je souhaite confirmer notre très profond désir d’approfondir les liens de solidarité et d’amitié qui nous unissent. Nos deux pays ont bien des perspectives de coopération et de travail en commun.

Dans les domaines de la science, des technologies et de l’industrie ; dans ceux des industries culturelles et créatives, dans lesquelles nos deux pays excellent, mais aussi dans l’éducation, la préservation de l’environnement et la protection des biens publics mondiaux.

Avec une croissance de 30 % de nos échanges commerciaux en un an, la relation commerciale entre la Corée et la France n’a jamais été aussi dynamique. Ce dynamisme se traduit aussi en matière d’investissements croisés. Et je remercie l’ensemble de la communauté d’affaires, française et coréenne, qui participe au quotidien à cette vitalité de nos relations économiques, au dynamisme de nos territoires. Car ne l’oublions jamais : loin de la France, à l’autre bout du monde, ce sont nos concitoyens que nous servons. Je salue à cet égard l’annonce par le groupe SK de l’installation d’une usine innovante de recyclage de plastique en France, un investissement considérable et la création de nombreux emplois. Et ce n’est qu’un exemple.

Je veux redire ici que les Coréens sont les bienvenus en France. Qu’ils souhaitent y investir, y étudier, y travailler ou simplement nous rendre visite, l’une des priorités des services regroupés dans cette nouvelle Ambassade sera de les accompagner du mieux qu’il est possible. Tout comme nous avons à cœur de rendre les meilleurs services possibles à nos ressortissants à l’étranger. Et je me félicite qu’ils soient de plus en plus nombreux en Corée.

Mais si la France tient tant à sa relation avec la Corée, c’est que nous partageons des valeurs et des convictions profondes. Dans le monde déréglé et déboussolé qui est le nôtre, ces convictions et ces valeurs partagées sont fondamentales. C’est d’abord celles de la souveraineté, car sans elle il n’y a pas de démocratie. Pouvoir mesurer tout le prix de la liberté, c’est un trait que nos deux peuples, à travers nos histoires parallèles, ont en commun. Conviction également que l’ordre international doit être fondé sur le droit, sur le rejet de la violence et de l’agression.

C’est en affirmant haut et fort leur attachement aux valeurs universelles, en s’assurant ensemble de la maîtrise des ressources, des technologies et des moyens indispensables à la liberté de nos souverainetés, que nos deux pays seront fidèles à cette Histoire commune que je citais au début de mon propos, et qui fait toute la force de notre relation : une relation qui voit une nouvelle page s’ouvrir avec l’inauguration de ce campus diplomatique. Une nouvelle page pleine de promesses que vous saurez toutes et tous, j’en suis sûre, transformer en réalités.

Vive la France, vive la République de Corée, vive l’amitié franco-coréenne.

Je vous remercie.

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