Déclaration conjointe sur l’Afghanistan (6 mars 2023)

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Les Envoyés et Représentants spéciaux pour l’Afghanistan de l’Allemagne, de l’Australie, du Canada, des Etats-Unis, de la France, de l’Italie, de la Norvège, du Royaume-Uni, de la Suisse et de l’Union Européenne se sont réunis à Paris le 20 février 2023 pour discuter de la situation en Afghanistan. La Représentante spéciale du Secrétaire général pour l’Afghanistan et Cheffe de la Mission d’assistance des Nations Unies en Afghanistan (MANUA), la Cheffe du Bureau de Coordination des Affaires humanitaires (BCAH) et le Représentant spécial de l’ONU sur la situation des droits de l’Homme en Afghanistan ont également participé à la réunion en tant qu’observateurs.

Les Envoyés et Représentants spéciaux pour l’Afghanistan :

1. Ont noté avec une profonde inquiétude l’insécurité et l’instabilité croissante qui menace l’Afghanistan, de même que la détérioration de la situation humanitaire et économique dans le pays, alors que plus de 28 millions d’Afghans – dont plus de la moitié sont des femmes et des enfants - ont besoin d’aide humanitaire, et que 6 millions d’entre eux sont au bord de la famine.

2. Ont souligné leur préoccupation face à la détérioration croissante de la situation des droits de l’Homme, caractérisée par de multiples violations de ces droits et des libertés fondamentales par les Talibans depuis août 2021, en particulier ceux des femmes et des filles, des membres des minorités ethniques et religieuses et d’autres groupes marginalisés ;

2.1. Ont fermement condamné les décisions prises par les Talibans en décembre 2022 d’interdire aux Afghanes l’accès à l’enseignement universitaire et le travail dans les ONG, qui font suite à de nombreuses autres violations et restrictions préjudiciables, notamment l’interdiction, maintenue, d’accès aux écoles secondaires. Ces violations et restrictions introduites par les Talibans depuis leur prise du pouvoir en août 2021 entravent le plein exercice des droits des Afghanes, les excluant ainsi de toutes les sphères de la vie publique ;

2.2. Ont affirmé que ces décisions violent et menacent non seulement les droits et les libertés des Afghanes, mais aussi l’ensemble du développement social et économique de l’Afghanistan, pourtant indispensable. Celui-ci sera sérieusement entravé si la moitié de la population ne peut y prendre part de manière significative ; ont souligné que l’aide humanitaire ne pouvait être fournie de manière équitable ou efficace si elle était limitée par des politiques ou des pratiques discriminatoires ;

2.3. Ont appelé à l’annulation immédiate de ces interdictions inacceptables, qui empêchent l’aide humanitaire d’être délivrée aux Afghans en ayant le plus besoin ;

3. Ont rappelé la responsabilité des Talibans dans la détérioration de la situation économique et humanitaire, mais aussi le redressement du pays et l’amélioration de la situation économique ; ont rappelé que la réponse aux besoins du peuple afghan devrait être la principale préoccupation des Talibans.

4. Se sont déclarés gravement préoccupés par la menace croissante que représentent les groupes terroristes en Afghanistan, notamment l’Etat islamique au Khorassan, Al-Qaïda, le TTP (Tehrik-i-Taliban-Pakistan) et d’autres, qui nuisent profondément à la sécurité et à la stabilité du pays, dans la région et au-delà, et ont demandé aux Talibans de respecter l’obligation incombant à l’Afghanistan de ne pas accorder refuge à ces groupes.

5. Ont insisté sur le fait que l’instauration de la paix et de la stabilité en Afghanistan nécessitait la mise en place d’un dialogue national crédible et ouvert à tous, menant à un ordre constitutionnel doté d’un système politique représentatif et inclusif.

6. Ont souligné que le Conseil de sécurité des Nations Unies avait énoncé les attentes claires de la communauté internationale à l’égard des Talibans, dans la résolution 2593 (2021) et ses résolutions ultérieures. Ces attentes, essentielles pour la paix et la stabilité dans le pays et la normalisation des relations avec la communauté internationale, sont les suivantes : (1) efforts véritables pour que le territoire afghan ne soit pas utilisé pour menacer ou attaquer tout autre pays, ni pour abriter ou entraîner des terroristes, ou pour planifier ou financer des actes terroristes ; (2) accès complet au territoire afghan, en toute sécurité et sans entrave, pour les Nations Unies et les acteurs humanitaires ; (3) respect des droits de tous les Afghans, y compris ceux des femmes et des minorités ; (4) recherche d’un règlement politique inclusif et négocié pour l’établissement d’un État de droit, qui prévoit la participation entière, égale et véritable des femmes ; et (5) droit au départ d’Afghanistan, en toute sécurité, de tous ceux souhaitant se rendre à l’étranger.

7. Ont salué le travail des Nations Unies et du Rapporteur spécial des Nations Unies, Richard Bennett ; ont reconnu le travail important et spécifique de la MANUA, de la Banque mondiale, de la Banque asiatique de développement et des nombreuses ONG et autres acteurs humanitaires qui continuent à soutenir le peuple afghan et à l’aider à faire face à cette crise sociale et humanitaire particulièrement difficile ; ont réaffirmé que les ONG sont les mieux placées pour prendre leurs propres décisions opérationnelles, conformément aux principes du Comité permanent interorganisations et aux principes des donateurs, et en fonction de leur évaluation respective des conditions de sûreté et de sécurité dans le pays.

8. Ont souligné la nécessité de continuer à aider les Afghans qui souffrent de cette crise humanitaire en tenant compte, de manière appropriée, des populations vulnérables, notamment des femmes, des foyers dirigés par des femmes, des enfants et des membres des minorités ethniques et religieuses ; ont souligné que l’aide internationale à l’Afghanistan était destinée uniquement au peuple afghan, qu’elle devait être fournie sans interférence et qu’elle n’était pas un signe de normalisation des relations avec les Talibans.

9. Ont souligné la nécessité de poursuivre les échanges avec les pays voisins et les autres pays de la région, afin d’approfondir la coordination et d’apporter une réponse commune face à l’évolution de la situation en Afghanistan, y compris pour faire face aux menaces potentielles à la sécurité et à la stabilité régionales qui émaneraient d’Afghanistan ; ont salué les efforts des pays à majorité musulmane et de l’OCI, qui ont engagé le dialogue avec les Talibans sur les droits des femmes, et se sont félicités du rôle de premier plan que ces pays et cette organisation ont joué sur des questions telles que l’accès à l’éducation.

10. Ont déclaré que la situation et les développements en Afghanistan devaient être suivis avec la plus grande vigilance et que la coordination entre les membres de la communauté internationale devait être maintenue et renforcée à la lumière des évolutions à venir en Afghanistan, en gardant à l’esprit l’intérêt du peuple afghan.

11. Ont remercié la France d’avoir organisé et accueilli ces consultations et ont manifesté leur désir de voir ce groupe d’Envoyés et de Représentants spéciaux se réunir à nouveau dans un avenir proche.

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