Abel Servien : un négociateur opiniâtre et pragmatique à Münster (1644-1648)

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Abel Servien (1593-1659) Les portraictz au naturel, avec les armoiries et blasons, noms et qualitez de messieurs les Plenipotentiaires assemblez a Munster et Osnaburg pour faire la paix generale / [François Bignon et Zacharie Heince]. A Paris : chez Henry Sara, [1648]. Bibliothèque, Rés. T 31. Archives diplomatiques

En 1648, trois traités de la paix de Westphalie sont signés à Münster et à Osnabrück. Ils concluent la guerre de Trente ans et la guerre de Quatre-vingt ans. Ils permettent la mise en place d’un système international durable qui remodèle l’Europe pour de longues années.

Abel Servien (1593-1659) représente Louis XIV aux pourparlers de Münster qui opposent les Provinces-Unies à l’Espagne et la France au Saint-Empire romain germanique. Protégé successivement par les cardinaux de Richelieu et Mazarin, il est l’oncle d’Hugues de Lionne (diplomate et secrétaire d’Etat aux Affaires étrangères). De 1630 à 1636, il occupe le poste de secrétaire d’Etat à la Guerre. Tombé en disgrâce, il est rappelé par Mazarin en 1643 et nommé, à la place de Chavigny, en qualité d’ambassadeur extraordinaire plénipotentiaire pour les négociations de Westphalie en même temps que le comte d’Avaux. L’opposition entre les deux hommes perturbe le travail de la délégation française. Leurs engagements politiques et leurs méthodes sont antagonistes. Leurs caractères et leurs idées sont incompatibles. Formé à l’école de Richelieu, ayant la faveur de Mazarin et l’appui de Lionne, Servien supporte mal la primauté accordée à d’Avaux, due à sa longue carrière dans les ambassades. Au cours des conférences, les manières brutales de Servien s’opposent aux façons plus habiles du comte d’Avaux qui éclipse également dans ces occasions son collègue par sa culture classique. Le fait religieux est aussi un constant sujet d’affrontement entre les deux hommes. Lié au parti dévot, d’Avaux est un ardent défenseur des intérêts de l’Eglise. Représentant les « politiques », Servien recherche avant tout l’abaissement de la maison d’Autriche par le moyen d’alliances protestantes. Après le départ en 1648 du duc de Longueville et du comte d’Avaux, il obtient les pleins pouvoirs pour traiter seul. Après la signature des traités de Westphalie, il devient membre du Conseil d’en-haut, ministre d’État et garde des Sceaux. Il reste fidèle au roi pendant la Fronde. En 1653, Mazarin le fait nommer surintendant des Finances avec Nicolas Fouquet.

Les portraits gravés de trente-trois négociateurs de Westphalie ont été réunis, après une liste en latin, dans un recueil publié en 1648 pour célébrer la paix générale. Ils sont l’œuvre du graveur François Bignon (c. 1620-1671) et du peintre Zacharie Heince (1611-1669). En cliquant sur ce lien, il est possible de découvrir certains d’entre eux.

L’exemplaire conservé à la bibliothèque du ministère de l’Europe et des Affaires étrangères a appartenu à Abel Servien, comme en témoigne son chiffre sur la reliure. Il est acquis ultérieurement par Robert de Billy (1869-1950) qui devient chef du service des Archives (1921-1924) au terme d’une carrière diplomatique de vingt-huit années. Ami de Marcel Proust, il se lie également à Paul Claudel auquel il succède comme ambassadeur au Japon en 1926.

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Robert de Billy (1869-1950) source : Wikipedia

La Bibliothèque achète cet ouvrage à la librairie Clavreuil (Paris) le 15 décembre 1962.