Discours de Michèle Alliot-Marie lors du 10ème anniversaire du CAPE (9 février 2011)

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Madame la Présidente,
Monsieur le Directeur,
Mesdames et Messieurs,

Voici 10 ans que l’accueil des journalistes étrangers dans notre pays est assuré par ce centre.

Lieu de convivialité, il offre aux journalistes étrangers un lieu où se retrouver et travailler.

Lieu d’échanges et de dialogue, il contribue à leur information, au dialogue et à la compréhension mutuelle entre chacun de nos pays.

Des agents du quai d’Orsay, de Bercy, des contractuels y travaillent en bonne intelligence, sous votre autorité, Monsieur le Directeur.

Tous contribuent à faire de Paris une place de référence pour la presse internationale.

Mesdames et Messieurs les journalistes,

Vous faites un métier difficile, indispensable à notre démocratie, comportant des risques importants.

Trop de journalistes sont inquiétés au motif qu’ils symbolisent les droits de l’homme aux yeux de ceux qui les nient. Je ne l’accepte pas.

Lorsque j’ai appris la semaine dernière que certains de vos confrères avaient été incarcérés au Caire, j’ai appelé mon homologue égyptien pour obtenir leur libération immédiate. J’ai été entendue.

Et qui oublierait un instant Hervé Ghesquière et Stéphane Taponier, journalistes otages en Afghanistan depuis 407 jours ?

Comme pour tous les otages français en Afghanistan, au Sahel, en Somalie, à Gaza, la diplomatie française est totalement mobilisée.

Mesdames et Messieurs,

Je veux travailler en confiance avec les journalistes de la presse française et internationale.

Qu’il s’agisse d’analyser les enjeux d’un monde en pleine évolution, ou d’adapter l’instrument diplomatique aux réalités de notre temps, la presse libre contribue à éclairer la diplomatie française.

I. Analyser les enjeux d’un monde de plus en plus complexe est le premier devoir de la diplomatie.

La crise tunisienne a montré la difficulté de cette tâche.

Nul n’a su prévoir la rapidité du départ de Monsieur BEN ALI, qu’il s’agisse des diplomates français ou américains, des journalistes, des commentateurs, des chercheurs.

Il faut savoir tirer les conséquences d’un tel constat.

Il nous faut renforcer notre travail d’analyse pour mieux anticiper les crises et leurs conséquences.

A) Chaque situation appelle une analyse précise, adaptée à la singularité du pays concerné.

Je reviendrai, à titre d’exemple, sur l’actualité en Egypte.

La situation de l’Egypte n’est pas la même que celle de la Tunisie.

Avec près de 85 millions d’habitants, l’Egypte est le plus grand pays du monde arabe.

Il joue un rôle essentiel dans les équilibres internationaux, notamment dans le cadre du processus de paix au Proche-Orient.

La présence d’un mouvement islamiste ancien, structuré, fait partie des réalités politiques égyptiennes.

Le processus de transition politique, auquel la France a appelé, est engagé. Nous le saluons.

Pour autant, nous devons rester vigilants. Les mouvements continuent quotidiennement. Une nouvelle manifestation est prévue vendredi.

B) Un travail d’analyse approfondi doit nous permettre d’agir au bon moment, au bon niveau, et au bon endroit.

J’entends dire parfois que la diplomatie française aurait été trop prudente.

Que les choses soient claires : il appartient au peuple égyptien, et à lui seul, de décider de son avenir.

C’est un principe de la politique étrangère de la France que la non-ingérence. Cela n’empêche en rien un appel constant à toujours plus de démocratie et de liberté partout dans le monde.

Promouvoir la démocratie, ce n’est pas imposer ses dirigeants, ses choix politiques, ses intérêts diplomatiques. C’est aux peuples de faire leurs choix. Nous parlons avec les interlocuteurs qu’ils nous désignent.

Mais notre responsabilité est d’anticiper les crises et leurs conséquences sur les équilibres internationaux.

C’est pourquoi j’ai décidé de renforcer la direction de la prospective du ministère des affaires étrangères, de la doter d’une capacité d’information plus diversifiée, et d’une structure d’analyse associant des chercheurs et universitaires.

Par ailleurs, la France est plus présente dans la recherche des solutions de sortie de crise ou d’accompagnement des Etats.

Je pense au processus de paix au Proche-Orient.

Aujourd’hui, une fenêtre existe pour relancer le processus de paix. Il faut saisir cette opportunité avant qu’il ne soit trop tard.

J’ai eu l’occasion de m’en entretenir ces derniers jours avec Hillary Clinton, Benjamin Netanyahu, Salam Fayyad et Ban Ki Moon.

Je pense à l’évolution des pays du monde arabe.

Je m’en suis entretenu avec mon homologue tunisien Ahmed Ounaies vendredi dernier.

L’Union pour la Méditerranée a pour ambition de renforcer les solidarités entre les deux rives de la Méditerranée.

Ses objectifs sont plus que jamais d’actualité, même si je n’en ignore pas les difficultés.

Mesdames et Messieurs,

A l’heure où la mondialisation complexifie les enjeux de politique étrangère, la France veut faire entendre sa voix, son message, et ses valeurs.

II. Mon ambition est de doter notre pays d’une diplomatie de pointe, en phase avec les réalités et les besoins du monde contemporain.

L’actualité a montré la nécessité de moderniser l’instrument diplomatique.

A) Une diplomatie moderne doit être capable de mieux anticiper les évolutions d’un pays, d’une région, d’une zone géographique.

J’ai décidé de renforcer les capacités d’anticipation au sein du ministère des affaires étrangères afin de favoriser :

  • une approche à 15-20 ans de l’ensemble des enjeux de la présence française dans le monde
  • une réflexion prospective en liaison avec l’action et les besoins opérationnels de notre diplomatie.

J’en ai évoqué certaines modalités.

B) Une diplomatie modernisée, c’est aussi une diplomatie plus ouverte aux acteurs de la vie sociale.

Un dialogue permanent et structuré doit s’instaurer entre les diplomates et les acteurs de la vie sociale.

Je veux ouvrir un cycle de formation permanente ouverte, au-delà des diplomates, aux chefs d’entreprise, aux membres des autres administrations, aux collectivités locales, mais aussi aux journalistes.

Je pense que vous comme nous avons intérêt à plus et mieux échanger, au-delà de l’actualité immédiate, sur les enjeux et perspectives du monde.

C) Une diplomatie modernisée doit savoir travailler avec tous les acteurs qui contribuent au rayonnement de notre pays.

  • C’est vrai des Français à l’étranger

L’élection de députés des Français de l’étranger renforcera leur place dans la communauté nationale.

  • C’est vrai des entreprises.

Je souhaite que le ministère des affaires étrangères puisse les aider dans leur développement, notamment les PME.

J’entends faire en sorte que les PME disposent d’interlocuteurs disponibles, à leur écoute, au sein du ministère, en centrale comme dans nos postes.

  • C’est vrai de la Francophonie.

Je veux replacer la Francophonie au cœur de notre politique étrangère.

Au-delà des questions linguistiques, la Francophonie assume une fonction politique, au service du dialogue entre pays du Nord et pays du Sud. Elle peut jouer un rôle économique et politique démultiplicateur au sein des enceintes internationales.

Connaissance des pays, des acteurs, ouverture d’esprit, rôle de la francophonie : sur l’ensemble de ces sujets, l’existence d’une presse libre et indépendante est un outil indispensable.

Mesdames et Messieurs,

Une diplomatie moderne, c’est aussi une diplomatie ouverte aux échanges avec les journalistes de la presse étrangère comme avec ceux de la presse nationale.

La France est fière d’accueillir près de 2000 correspondants étrangers sur son sol.

La France s’honore de recevoir chaque année des milliers de journalistes étrangers, visitant ponctuellement notre pays.

La France se réjouit d’accueillir en 2011 les journalistes qui couvriront notamment la présidence française du G20 et du G8, les sommets de Deauville et de Cannes.

Cette année encore, comme tous les ans depuis 10 ans, le centre d’accueil de la presse étrangère leur offrira un accueil digne de la France, conforme à ses valeurs, de liberté, d’égalité et de fraternité.

Je vous souhaite un excellent anniversaire.