Microbiote intestinal : aperçu de quelques axes de recherche au Japon

Partager
Japon

Brève
Japon | Biologie : médecine, santé, pharmacie, biotechnologie
5 décembre 2016

La myriade de bactéries qui peuplent notre intestin fait l’objet de nombreuses recherches scientifiques, notamment au Japon, afin de mieux comprendre leur importance dans le maintien d’une bonne santé.

Depuis longtemps, le microbiote intestinal est connu pour faciliter l’assimilation des nutriments, permettre la digestion de certains composés, synthétiser des vitamines et même pour participer à la régulation de plusieurs voies métaboliques.

Dans les années 2000, un nouvel élan a été donné pour comprendre davantage le phénomène symbiotique qui existe entre les quelques 100 000 milliards d’organismes et leur hôte, l’Homme.

Hiroshi Ohno, directeur du laboratoire d’immunologie épithéliale au Riken Center for Integrative Medical Sciences (IMS) fait partie de ceux qui ont orienté leurs recherches vers l’analyse du métagénome grâce aux techniques de séquençage haut débit.

Chaque individu possède environ 160 espèces différentes de bactéries dans son intestin soit environ 550 000 gènes bactériens dont la moitié varie selon les personnes, il y a donc une empreinte intestinale propre à chacun. Cette flore bactérienne, qui représente environ 2kg du poids total d’une personne, est aujourd’hui reconnue pour jouer un rôle bien au-delà de la fonction digestive.

Le Prof. Ohno a par exemple démontré par une approche multi-omique [1], que la synthèse d’acétate par certaines souches de Bifidobacterium avait un rôle protecteur contre des infections potentiellement mortelles [2]. En effet, chez des souris dépourvues de flore bactérienne, la toxine shiga produite par certaines souches d’E.coli s’avère être létale comparée aux souris avec une flore intestinale complète. Le Prof. Ohno a également mis en évidence l’importance dans la réaction immunitaire d’un autre métabolite d’origine bactérienne, le butyrate, dont la synthèse par les bactéries de l’ordre des Clostridiales permet d’orienter la différenciation des cellules immunitaires vers le type lymphocyte T régulateur, conduisant ainsi à la régulation d’une réponse inflammatoire excessive, caractéristique par exemple de certaines réactions allergéniques [3].

Le lien qui existe entre un déséquilibre au niveau de la flore intestinale lors de la période de l’enfance et le développement de maladies allergéniques est d’ailleurs un autre sujet auquel le Dr. Naoki Shimojo, pédiatre à l’Université de Chiba s’intéresse. La formation de la flore intestinale se fait dès la naissance, d’abord au contact de la flore intestinale puis progressivement selon les micro-organismes rencontrés dans l’environnement. Celle-ci reste ensuite relativement stable au cours de la vie, mais il a été démontré qu’une prise d’antibiotiques à un très jeune âge peut augmenter le risque de développer des allergies pendant l’enfance [4].

L’importance du microbiote intestinal est aussi suspecté de jouer un rôle majeur dans l’axe intestin-cerveau. Le système nerveux consacre près de 200 millions de neurones à l’intestin, parmi lesquels 80% concernent des échanges de signaux de l’intestin au cerveau, ce qui laisse suggérer que des altérations du microbiote intestinal pourraient influencer les messages afférents en direction du cerveau. C’est ce qu’a récemment démontré le Prof. Yoshini Benno, du Riken Innovation Center, grâce à des résultats qui mettent en évidence une concentration en neurotransmetteurs différente entre des souris germ-free et des souris conventionnelles [5].

Si ces nouvelles pistes de recherche n’en sont qu’à leur début, que des résultats supplémentaires sont encore nécessaires pour mieux comprendre la nature des relations entre le microbiote intestinal et le reste de l’organisme humain, elles ne manquent pas de susciter des questionnements. Faut-il par exemple constituer une database du métagénome afin de suivre la progression de certaines maladies ou même pour les diagnostiquer ? Faut-il se prémunir davantage des effets néfastes d’antibiothérapies répétées sur la stabilité du microbiote ? Enfin, que savons-nous des autres organismes non bactériens tels que les virus, le microbiote fongique qui constituent également la flore intestinale ?

[1Fukuda S. et al. Bifidobacteria can protect from enteropathogenic infection through production of acetate. Nature, 2011.

[2Nakanishi Y. et al. Dynamic omics approach identifies nutrition-mediated microbial interactions. J Proteome Res, 2011.

[3Furusawa, Y. et al. Commensal microbe-derived butyrate induces colonic regulatory T cells. Nature, 2013.

[4Suzuki S. et al. A quantitative and relative increase in intestinal bacteroides in allergic infants in rural Japan. Asian Pac J Allergy Immunol, 2008.

[5Matsumoto M. et al. Cerebral low-molecular metabolites influenced by intestinal microbiota : a pilot study. Front Syst Neurosci, 2013.