Pile ou face ? Les molécules paradoxales

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Israël

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Israël | Biologie : médecine, santé, pharmacie, biotechnologie
4 septembre 2015

Certaines molécules intervenant dans la signalisation extracellulaire peuvent avoir des effets non seulement différents mais même opposés. Comment les cellules cibles de ces messagers s’y retrouvent-elles ? Des chercheurs de l’institut Weizmann, Dr Nir Friedman et Pr Uri Alon, montrent que ce fonctionnement paradoxal permet justement de créer des équilibres particulièrement robustes au sein des systèmes biologiques.

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Ipipipourax | Creative Commons

L’Interleukine 2 comme cas d’étude

Un organisme vivant, entité unique et complète, est composé de cellules, éléments multiples et variés. Pour que l’organisme puisse vivre il est nécessaire que ses constituants communiquent entre eux et agissent de façon conjointe. Ceci semble être une lapalissade du point de vue théorique, et est d’une complexité inouïe au niveau pratique.
Prenons un cas particulier où la communication entre cellules est cruciale : le système immunitaire. Les cellules immunitaires suivent les directives des molécules qu’elles rencontrent pour savoir si elles doivent s’activer, proliférer, mourir, ou encore ignorer l’environnement. L’interleukine 2 (IL2) entre autres rôles, promeut la prolifération des lymphocytes T… et leur mort.
Les deux sont certes nécessaires pour maintenir l’équilibre du nombre de lymphocytes. Mais de quelle façon cet équilibre est-il atteint et maintenu ?
Les lymphocytes eux même produisent de l’IL2, et nous nous intéressons ici uniquement à cette IL2 à l’exclusion de source externe éventuelle. Autrement dit, nous nous intéressons à l’autorégulation des lymphocytes T.
Les chercheurs ont fait une chose très simple : ils ont mis des lymphocytes en culture à différentes concentration (entre 300 et 10 000 cellules par millilitre) et ont regardé au bout de huit jours quelles étaient les concentrations atteintes. Toutes avaient convergé autour d’une concentration d’équilibre commune.
Ceci montre que l’IL2 produite par les lymphocytes, qui agit sur les cellules mêmes qui l’ont produite, permet d’atteindre une concentration d’équilibre indépendante du nombre de cellules présentes au départ.

Comment agit cette molécule paradoxale ?

Comme ceci : l’IL2 n’agit pas sur la prolifération et sur la mort cellulaire de la même façon. La prolifération est activée de façon coopérative et la mort cellulaire de façon linéaire. Ainsi deux situations d’équilibre existent :

  • l’état "off", atteint quand la concentration de cellules et très faible. L’IL2 produite est insuffisante pour obtenir une prolifération importante et la population cellulaire s’éteint. En effet pour de telles concentrations d’IL2, la mort cellulaire prédomine (cf figure ci-dessous).
  • l’état "on", où la population est maintenue autour d’une concentration d’équilibre. Si elle décroît un peu, la production d’IL2 la fait augmenter. En effet le nombre de cellules présentes fait que la concentration d’IL2 est telle que c’est la prolifération qui prédomine. Si la population croît trop, la forte quantité d’IL2 produite fait mourir les cellules de façon à revenir à la concentration cellulaire d’équilibre.
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Paradoxical signaling by a secreted molecule leads to homeostasis of cell levels | Crédits : Y. Hart et alii.

Pourquoi une molécule paradoxale plutôt que deux molécules "simples" ?

Parce que cela marche mieux. Si les deux fonctions de l’IL2 étaient assurées par deux molécules différentes, en conservant les mêmes dynamiques (l’une coopérative et l’autre linéaire), le système serait beaucoup moins solide et plus sensibles aux variations extérieures de ces molécules. En effet, quand les deux mécanismes dépendent de la même molécule, ils varient de façon conjointe, et l’état "on" est très stable, comme décrit plus haut. Quand le système dépend de deux molécules distinctes, la probabilité d’obtenir des courbes de prolifération et de mort cellulaire dans la configuration ci-dessus, qui est la seule permettant d’atteindre un équilibre physiologique avec un état homéostatique « on » et un état « off », est très faible.

Sources :

Auteurs :
Tirtsa Toledano, VI chercheur à l’Université Hébraïque de Jérusalem
Angélique Toulon, Chargée de mission scientifique et universitaire