Un “méta-matériau” pour filtrer les ondes sismiques destructrices et protéger les bâtiments

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Hong Kong

Brève
Hong Kong | Science de la matière : matériaux, physique, chimie, optique
30 mars 2017

Une équipe de physiciens dirigée par le prof. Sheng Ping de la Hong Kong University of Science and Technology (HKUST) a mis au point un matériau composite solide dont la propriété est de propager les ondes à la manière d’un fluide, une première.

Ce méta-matériau, nom donné aux matériaux composites artificiels qui possèdent des propriétés que l’on ne retrouve pas dans la nature, a été formé à partir de trois matériaux solides : des cylindres d’acier recouverts de silicone, le tout incrusté dans un bloc d’époxy. Aux deux extrémités, le cylindre d’acier fonctionne comme un ressort. Cette construction permet de parer au phénomène de résonance anisotrope : ce méta-matériau ne permet que la propagation d’ondes longitudinales (la déformation du milieu se fait dans le même sens que la direction de l’onde), il empêche donc la propagation d’ondes transversales (qui entrainent elles une déformation du milieu dans lequel elles se propagent perpendiculairement à leur direction de propagation).

Le méta-matériau développé par les physiciens et un schéma simplifié de sa structure (credits image : HKUST)

Expérimentalement, l’équipe du professeur Sheng Ping a comparé l’effet du méta-matériau en plaçant des billes de verre sur deux plateaux métalliques : l’un des plateaux est placé au sommet d’un empilement vertical de 6 unités du méta-matériau (appelées "méta-tiges" par l’équipe), l’autre plateau est placé sous la pile de méta-matériaux. Le tout disposé sur un agitateur électromagnétique générant des vibrations transversales. Lorsque celui-ci est actionné, les billes placées sur le plateau reposant sur la pile de méta-matériaux restent en place, les billes de l’autre plateau se sont mises en mouvement et éjectées du plateau. La pile de méta-matériaux a donc permis de « filtrer » les ondes transversales produites par l’agitateur et ainsi d’atténuer les vibrations transmises au plateau. Voir la vidéo ici.

Les six "méta-tiges" empilées (crédits photo : HKUST)

Pour le professeur Sheng, « cette structure particulière fait reculer la frontière entre solide et fluide en termes de propriété ondulatoires, et ouvre de nouvelles perspectives quant aux caractéristiques des solides élastiques. Le concept, novateur, donne naissance à de nouvelles possibilités pour contrôler les phénomènes de vibration, et pourrait même être appliqué à l’imagerie médicale. »

Les séismes font partie des catastrophes naturelles les plus dévastatrices et meurtrières. Les techniques de conception et les matériaux utilisés pour la construction de bâtiments dans des zones à risque sont primordiaux pour minimiser les dommages causés par des ondes sismiques. « Ce méta-matériau de pointe est un solide capable de résister aux tremblements de terre, il est peu encombrant, et peut facilement être intégré à des piliers ou des poutres. Il permet également une grande flexibilité en ce qui concerne le design architectural. Enfin, il peut aussi être ajusté sur des structures déjà existantes pour améliorer leur résistance sismique » ajoute le professeur Sheng. Dans le cas des ondes sismiques, les ondes transversales sont des ondes de cisaillement qui peuvent être très destructrices lorsqu’elles se propagent à la surface terrestre, d’où l’intérêt particulier de ce solide composite aux propriétés ondulatoires d’un fluide qui ne permet pas la propagation des ondes transversales.

Les possibilités d’applications ne s’arrêtent pas à la protection parasismique. Les propriétés de type fluide de ce solide pourraient également servir à améliorer l’efficacité des transducteurs médicaux à ultrasons (sondes d’échographie). Les tissus humains possèdent des caractéristiques d’élasticité proches de celle des milieux fluides comme l’eau, alors que les transducteurs ultrasoniques sont des matériaux solides. Utiliser une sonde faite à partir d’un méta-matériau aux propriétés proches d’un fluide permettrait une meilleure propagation des ondes ultrasonores entre les deux milieux (sonde et corps), limitant la perte d’énergie et assurant un meilleur rapport signal/bruit de fond pour les appareils d’échographie.

Les travaux de l’équipe de HKUST et la description du méta-matériau ont été publiés dans la prestigieuse revue scientifique Nature Communications. L’étude démarrée en 2015 a été financée dans le cadre du programme « Areas of Excellence » du Research Grant Council de Hong Kong.

Prof. Sheng Ping (milieu) et deux de ses collaborateurs au département de physique de HKUST (crédits photo : HKUST)

Sources :

Rédacteur : Gabriel BENET, Chargé de mission scientifique – Hong Kong