Un laboratoire universitaire pour lutter contre le commerce illégal d’espèces protégées

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Hong Kong

Brève
Hong Kong | Biologie : médecine, santé, pharmacie, biotechnologie
11 novembre 2016

Suite à un constat alarmant quant à la renommée péjorative internationale de Hong Kong dans le trafic illégale d’espèces protégées, un laboratoire s’est créée dans la prestigieuse Université de Hong Kong afin d’y préserver la sécurité des écosystèmes.

Après la drogue, la contrefaçon et le trafic d’êtres humains, le trafic des espèces protégées est le 4ème au monde. La criminalité organisée liée aux espèces sauvages (terrestres et maritimes) est devenue une menace sérieuse non seulement pour la conservation de la biodiversité, l’économie et le patrimoine culturel, mais aussi pour la sécurité et la stabilité politique de nombreux pays. D’après le Secrétariat de la Convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d’extinction, dite CITES, le trafic d’espèces sauvages est estimé à plus de 14 milliards de dollars par an et dans le monde. Il est estimé que le commerce illicite concerne chaque année 500 à 600 millions de poissons tropicaux, 15 millions d’animaux à fourrures, cinq millions d’oiseaux, deux millions de reptiles, 30 000 primates. [1]
Grand nombre d’organisations impliquées dans la lutte contre ce trafic, dénonce Hong Kong comme étant l’une des principales plateformes de centralisation de ce commerce illégale.

Le vendredi 2 septembre 2016, alors que se rassemblaient à Hawaï, pour le Congrès mondial de la nature de l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN), qui y eut lieu du 1er au 10 septembre 2016, plus de 9000 participants, représentants des États, agences environnementales et organisations de la société civile membres de l’UICN, à Hong Kong, s’est tenue la première conférence du laboratoire d’expertises scientifiques légistes pour la conservation de la biodiversité (« Conservation Forensics Laboratory »[2]).

Ce laboratoire d’expertises scientifiques légistes pour la conservation de la biodiversité a été créé en avril 2016 dans les locaux de la faculté des sciences de la « University of Hong Kong » (HKU) - université d’excellence dans ces domaines. C’est le premier laboratoire « en dur » d’expertise scientifique du commerce illégal d’espèces protégées à Hong Kong. En effet, si le ministère de Hong Kong en charge de la conservation des espèces (Agriculture, Fisheries and Conservation Department – AFCD) a mené quelques travaux et expertises notables dans ce domaine, ils ne possèdent de laboratoire spécifiquement dédié à cette problématique. Ce laboratoire, cofinancé d’une part par HKU et d’autre part via les dons d’associations locales mais aussi internationales ainsi que via les dons de mécènes, entend mettre ses moyens à disposition de l’AFCD, dans le but de mieux appréhender l’impact de telles activités illégales sur la biodiversité locale et internationale.

Le laboratoire a été mis en place dans une volonté de HKU de soutenir le gouvernement dans son programme pour la protection de l’environnement local et de mieux lutter contre le trafic illégal d’espèces protégées. En effet, en février 2016 le gouvernement de Hong Kong a publié le premier Plan Stratégique National pour la Biodiversité (Biodiversity Strategy and Action Plan [3]) mettant en exergue un bilan environnemental catastrophique, que les organisations locales trouvent même optimiste quant à la réalité de la situation. En effet, pollution, surpêche, défaillance du système judiciaire et pénale, inexistence d’unité de contrôle et de sanction centralisée de la police de l’environnement ont progressivement vidé les eaux de Hong Kong de leur biodiversité marine.

Le rapport souligne que les eaux de Hong Kong, autrefois peuplées de nombreux animaux marins tel les raies Manta, les tortues vertes et les requins-marteau ont été largement surexploités causant l’effondrement de l’écosystème marin.
De plus, les habitudes de grande consommation des produits de la mer des Asiatiques sont difficilement durables. Malgré une surface maritime couvrant un peu de moins de 2/3 du territoire, Hong Kong doit importer plus de 90% des produits de la mer consommés chaque année impliquant un coût environnemental énorme.

Il en résulte que la consommation hongkongaise de poissons (particulièrement les nageoires de requins, les mérous, les labres et les vivaneaux, qui sont des espèces protégées) excède largement ce que l’océan est capable de produire localement. On estime que Hong Kong s’approprie à elle seule environ 25% de la production des poissons de récifs de toute l’Asie du Sud-Est. Chiffres encore plus inquiétants Hong Kong compte avec plus de 5000 tonnes par an pour plus de la moitié du commerce illégal d’ailerons de requins contribuant largement à la mise sur liste rouge de l’IUCN (International Union for Conservation of Nature) de certaines de ces espèces [4]. Il est possible de citer entre autres les ailerons de requin, dont HK est le plus gros importateur du monde, l’espèce de poisson Napoléon très appréciée par les consommateurs locaux et les anguilles européennes considérées comme mets de choix en Asie mais dont le marché noir a entrainé son déclin estimé à 90-95% au cours de ces 45 dernières années.

La création de ce nouveau laboratoire menée par l’équipe interdisciplinaire de HKU, consolide donc les infrastructures existantes et fournit une plate-forme innovante et interdisciplinaire afin d’y mener des recherches, de participer à l’éducation du public, et de soutenir les mesures du gouvernement quant à la surveillance et l’application des lois pour lutter contre le commerce illégal des espèces sauvages protégées. Le laboratoire produit des résultats précis qui permettent de mieux appréhender l’impact de telles activités illégales sur la biodiversité locale et globale. L’étude de cas réels apporte au monde universitaire et aux instances internationales des informations plus pertinentes et tangibles.

Afin de présenter leurs premiers travaux de recherche et de promouvoir le lancement du laboratoire, la première conférence a été co-organisée par TRAFFIC, programme conjoint UICN / WWF de surveillance du commerce des espèces sauvages et HKU. Celle-ci s’est tenue au sein des locaux de HKU et a permis au Dr. Huarong Zhang du « Kadoorie Farm and Botanic Garden » (KFBG) de HKU, Ms. Vicki Sheng et Ms. Alex Andersson du « Conservation Forensics Laboratory » de HKU d’exposer leurs travaux sur l’utilisation des tests ADN dans la lutte contre le commerce illégale d’espèces à Hong Kong.

Ce laboratoire d’expertise scientifique légiste pour la conservation de la biodiversité est déjà très ouvert à l’international. Il regroupe onze chercheurs de différentes nationalités, dont la française Christelle Not.

Pour mémoire, La France est fortement engagée dans la lutte contre lutte contre le braconnage et le trafic des espèces menacées via une politique intégrée qui prend en compte l’ensemble des aspects humains, économiques, sociaux et environnementaux de la protection des espèces menacées.

En effet, la France a établi, en 2013, une déclaration et un plan d’action pour la « lutte contre le braconnage et le trafic des espèces menacées ». En 2014 et 2015, et dans le cadre de ce plan d’action, la France s’est engagée à consacrer 25 M€, sous forme de dons, à la lutte contre le braconnage et le trafic d’espèces menacées. De plus, elle finance actuellement près de 40 projets intégrés d’aménagement, de développement et de protection des territoires dans 12 pays d’Afrique Sub-saharienne, pour un montant total de 197 M€ via les financements de l’Agence française de développement (AFD) et du Fonds français pour l’environnement mondial (FFEM). De même, la France est fortement impliquée dans le programme "HOPE" de l’Organisation Mondiale des Douanes, qui cible le contrôle du fret aérien et maritime ainsi que celui des passagers. Ce programme a permis à 41 services douaniers africains, asiatiques et européens de saisir de nombreux animaux, végétaux et produits dérivés protégés en transit à Hong Kong [8].

Sources :
[1] Table ronde-« Lutte contre le braconnage et le trafic des espèces menacées » Jeudi 5 décembre 2013
[2] Pour en savoir plus sur le Center for Conservation Forensics Laboratory
[3] http://www.legco.gov.hk/yr15-16/english/panels/ea/papers/ea20160222cb1-557-4-e.pdf
[4] FAO (2014) La situation mondiale des pêches et de l’aquaculture — Possibilités et défis. Organisation des Nations unies pour la pêche et l’aquaculture (FAO), Rome (Italie). xv + 255 p.
[5] (« Survey on shark consumption habits and attitudes in Hong Kong »_April 2011)
[6] FM Stein, JCY Wong, V Sheng, CSW Law, B Schroder, DM Baker (2016) First genetic evidence of illegal trade in endangered European eel (Anguilla anguilla) from Europe to Asia. Conservation Genetics Resources.
[7] http://www.consoglobe.com/civelle-cg#T7KYhJbF88GIb6Tu.99
[8] http://ec.europa.eu/environment/nature/biodiversity/best/regions/pacific_en.htm

Rédacteur : Julie.METTA[at]consulfrance-hongkong.org