L’innovation à Hong Kong, de quoi parle-t-on ?

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Hong Kong

Brève
Hong Kong | Politiques de recherche, technologiques et universitaires
13 octobre 2017

Au lendemain de la déclaration de politique générale de la Cheffe de l’Exécutif hongkongais, nous revenons sur la politique d’innovation du gouvernement et les actions mises en place pour favoriser l’émergence d’un système dynamique et durable.

Texte issu d’une interview de Frédéric Bretar (FB), Attaché pour la science à Hong Kong, publié dans la revue "Le CNRS en Chine", N°24, Avril 2017, p. 44-46, et édité par M. Antoine Mynard, directeur du bureau CNRS à Pékin.

Pourquoi l’observation du système d’innovation du SAR de Hong Kong est-elle une priorité pour notre diplomatie ?

FB : Nous sommes dans une partie du monde, l’Asie, qui explique 66 % de la croissance mondiale (la Chine 40% à elle seule). De par sa localisation, son histoire, son économie, Hong Kong est une des villes les plus riches de la zone.

Réintégrée à la Chine depuis 20 ans cette année, la ville bénéficie certes d’un système différent (« Un pays, deux systèmes »), mais subit une concurrence bien réelle sur certains de ses fondamentaux économiques qui limite sa dynamique de croissance en regard des villes chinoises environnantes, Shenzhen en premier lieu. C’est pourquoi Hong Kong est entrée, plus tardivement que d’autres c’est certain, dans la course à l’innovation technologique : la création d’un Bureau pour la Technologie et l’Innovation date de moins de 2 ans !

Néanmoins, en se fondant sur un tissu universitaire de rang mondial (100 000 étudiants dans les universités publiques, 4 universités dans le Top 10 selon le classement QS Asia 2016), une liberté de pensée revendiquée, une ouverture internationale hors pair, et la présence de spécialistes du capital risque, Hong Kong souhaite jouer un rôle de premier plan pour devenir une plateforme régionale de la connaissance et de l’innovation technologique. Mon rôle est d’en saisir les opportunités au bénéfice des acteurs français.

Est-ce que ce système est le résultat d’une stratégie locale ou le produit du dynamisme local ?

FB : Les deux. Nonobstant des dépenses en R&D qui peuvent paraître modestes avec 0.76% du PIB en 2015 (2.25 Mds€), le territoire mise sur quelques structures publiques solides adossées à des mécanismes de financement attractifs pour les investisseurs. Il y a également une quarantaine d’incubateurs, accélérateurs et espaces de travail privés à Hong Kong.

L’écosystème grossit : entre 2015 et 2016, le nombre de jeunes pousses technologiques a augmenté de 24%, passant de 1558 à 1926. Le gouvernement est très impliqué, à l’instar de l’évènement récurrent StartMeUpHK organisé chaque année par la structure gouvernementale InvestHK visant à sensibiliser les entrepreneurs potentiels et les investisseurs de tout bord.

Parallèlement, Hong Kong est une économie très libérale, avec un taux d’imposition parmi les plus faibles du monde (16.5% sur les bénéfices, et 15% sur les revenus), une totale liberté de circulation des capitaux, des idées, et une qualité de vie bien réelle ! Hong Kong est attractive et internationale : plus de 30% des fondateurs de jeunes pousses sont étrangers (dont 20% américains, 13% anglais, 11% chinois, 10% français).

Les entrepreneurs, en se basant à Hong Kong, capitalisent sur l’environnement international de la ville dans lequel ils peuvent évoluer en toute liberté, sans discrimination administrative, ils bénéficient d’une bonne protection de la propriété intellectuelle et lorgnent bien entendu le marché chinois. Mais attention, créer une start up à Hong Kong ne signifie pas une meilleure compréhension du consommateur chinois ! Seulement une proximité certaine avec le tissu industriel de Shenzhen.

En deux mots, comment fonctionne le système ?

FB : Hong Kong possède deux « incubateurs/accélérateurs » publics bien implantés. 15 ans après sa création, le Hong Kong Science & Technology Park (HKSTP) est le fleuron du gouvernement en termes d’innovation et de technologie. Il compte aujourd’hui 620 entreprises et plus de 11000 employés. Pluridisciplinaire, le parc dispose de trois plateformes dédiées au bien être des personnes âgées, à la robotique et aux villes intelligentes ainsi que de toutes les facilités et services afférents à ce type de structures.

Sous le double effet de la volonté politique et de la croissance des activités, l’ex-chef de l’exécutif C.Y. LEUNG a inauguré le 22 novembre 2016 la Phase 3 de ce parc dont la superficie de bureaux atteindra 400 000m2 en 2020.

CyberPort est le second incubateur public de Hong Kong dédié aux technologies de l’information et de la communication. En 2016, l’incubateur a créé des liens avec 722 entreprises (213 en 2012) et propose toute la gamme de soutien aux jeunes entreprises innovantes, dont la gestion et l’allocation de fonds d’amorçage. Le Cyberport a vu le montant global de ses levées de fond complémentaires passer de 3.5 M€ en 2012 à 33.6 M€ en 2016, preuve du succès de la stratégie du secteur.

Les possibilités de financement public hongkongais sont nombreuses aux stades précoces de croissance des jeunes pousses, même si les conditions sont parfois exigeantes pour les entrepreneurs. Il existe par exemple le Technology Star-Up Support Fund administré par l’Innovation and Technology Fund (ITF) proposant des financements sur trois ans pour un montant maximal de 450 000 €. L’incubateur Cyberport propose quant à lui une bourse d’amorçage, le Cyberport Micro Fund, à hauteur de 12 500 € par projet.

Pour les entreprises à la recherche de montants plus élevés, le HKSTP propose un mécanisme de co-financement avec des investisseurs privés sur la base d’un fonds (Corporate Venture Fund) de 6.25 M€ et à hauteur de 1 M€ par projet. Dans le même ordre de grandeur, CyberPort étend ses mécanismes de co-financement en lançant le CyberPort Macro Fund adossé à un fonds de 25 M€. Enfin, l’Entreprise Support Scheme administré par l’Innovation and Technology Fund (ITF) propose des aides à la R&D dans le secteur des TIC pour des projets cofinancés à hauteur de 1.25 M€.

C’est sur le dernier stade de croissance des entreprises à la recherche de fonds plus importants, que le gouvernement a stratégiquement mis en place fin 2016 le programme Innovation and Technology Venture Fund (ITVF) doté de 250 M€. Le pari du gouvernement hongkongais est d’encourager les investisseurs privés hongkongais à ancrer une partie de leurs actions sur le territoire, ce qui est trop faiblement le cas aujourd’hui, et proposer d’autres opportunités que le secteur traditionnel de la spéculation immobilière. Les projets seront d’un montant minimum de 15 M€, l’ITVF y contribuera à hauteur de 3.75 M€ par projet et ne détiendra pas plus de 40% des parts. Attractif, le programme est doté d’un mécanisme de rachat des parts gouvernementales en cas de succès. Le gouvernement espère contribuer à des levées de fonds privés de 500 M€ dans les prochaines années.

Quels sont ses forces et ses faiblesses ?

FB : Le gouvernement de Hong Kong est tout à fait conscient, d’une part de l’étroitesse de son marché pour les jeunes pousses technologiques et d’autre part de l’émergence flagrante de Shenzhen dans le domaine. C’est par le renforcement des liens avec la Chine continentale que le gouvernement a choisi de répondre. C’est tout le sens que prend la signature début janvier 2017 d’un accord avec la ville de Shenzhen pour la création du nouveau parc de technologie et d’innovation de Lok Ma Chau à la frontière Hong Kong / Shenzhen.

C’est un projet de 1.2 million de m2 de bureaux qui mettra, selon les estimations, 7 ans à sortir de terre. Il sera situé sur une île aujourd’hui marécageuse de 87 hectares. Il sera également localisé à la croisée de plusieurs corridors géographiques d’essence technologique et économique prévus dans le schéma d’aménagement prospectif de la ville HongKong2030+. Ce projet exigera des investissements colossaux de la part du gouvernement, ce que certains dénoncent, mais il semble que la coopération dans ce domaine avec Shenzhen se présente sous les meilleurs auspices.

source :
"Le CNRS en Chine", N°24, Avril 2017, p. 44-46

Contact : sciences (at) consulfrance-hongkong.org