Découverte d’un mécanisme d’adaptation d’une bactérie

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Canada | Biologie : médecine, santé, pharmacie, biotechnologie
25 novembre 2015

Des chercheurs de l’université de Toronto ont découvert un nouveau mécanisme d’adaptation de la levure Candida Albican. Cette bactérie est présente chez les patients atteints de mucoviscidose et est responsables d’infections majeures chez les personnes immunodéprimées en générale.

Des chercheurs de la Faculté de Médecine de l’Université de Toronto ont examiné les bactéries de la muqueuse de patients atteints de mucoviscidose et ont découvert une espèce fongique particulièrement « rusée » qui a évolué pour se défendre contre les bactéries voisines.

Un résident régulier de notre microbiome, – et particulièrement ubiquitaire dans les poumons de patients atteint de mucoviscidose – la levure Candida albicans est un pathogène opportuniste. Habituellement inoffensive, elle peut se retourner contre nous si notre système immunitaire s’affaiblit. En fait, cette levure fait partie des causes les plus communes d’infection sanguine, telles que les septicémies. La population vivant avec un système immunitaire affaibli ayant considérablement augmenté ces deux dernières décennies – les personnes vivant avec le VIH, ayant reçu des transplantations d’organes ou une chimiothérapie – les pathogènes opportunistes comme celui-ci sont devenus une menace plus importante. Ceci est particulièrement alarmant sachant que l’on ne dispose pas d’antifongique efficace pour les stopper.

« Ces levures ont un impact stupéfiant sur la santé humaine, infectant des milliards de personnes dans le monde et en tuant 1.5 million chaque année – ces chiffres sont comparables aux décès causés par la tuberculose et la malaria, » d’après le Dr. Leah Cowen, professeur de génétique moléculaire à l’Université de Toronto, Chaire de recherche du Canada en génomique microbienne et maladies infectieuses, et chercheuse principale sur cette étude « Elles sont encore sous-estimées et peu comprises ».

Candida Albicans est une levure particulièrement astucieuse. Sa stratégie est le changement de forme – elle peut passer d’une structure ronde et unicellulaire à une structure longue et filamentaire, lui permettant de s’adapter à différent environnements et la rendre ainsi exceptionnellement dangereuse. Pour cette recherche, les scientifiques ont analysé 89 échantillons de mucus de 28 patients atteints de mucoviscidose, en utilisant le séquençage génétique à haut débit ainsi que l’analyse de cultures cellulaires. De manière prévisible, Candida albicans était prévalent dans tous les échantillons.

Ce qui a surpris les chercheurs cependant, c’est la capacité de certaines levures à se transformer en structure filamenteuse sans signal environnemental – habituellement cette transformation (appelé filamentation) ne se fait pas spontanément, mais est déclenchée par la présence de certaines substances. Pour vérifier une possible explication génétique, les chercheurs ont séquencé le génome de ces échantillons et ont trouvé un dénominateur commun. Tous sauf un présentaient une mutation sur le gène responsable de la répression de changement de forme – appelé NRG1.

« C’était une preuve », selon le Dr. Cowen. « Ce gène produit une protéine qui stoppe la filamentation – tel un frein. A cause de cette mutation génétique, la levure perd son frein et n’est plus capable de stopper la formation des longs filaments. »

Pour comprendre pourquoi certaines souches de ces levures développent cette variation génétique, les chercheurs ont regardé du côté des bactéries voisines. Dans le cadre du combat permanent entre microbes, certaines bactéries, qui se retrouvent aussi chez les patients présentant une mucoviscidose, sécrètent des molécules empêchant la levure de se transformer en structure filamenteuse. Les chercheurs ont essayé d’exposer la levure mutée à cette bactérie rivale. Au lieu de répondre aux signaux bactériens, la levure a gardé sa forme filamenteuse. Les scientifiques pensent que cette levure a évolué pour contrer la tactique des bactéries rivales.

« Nous croyons que l’interaction entre les bactéries et les levures ont mené à cette mutation », dit Cowen. « Habituellement, perdre le contrôle n’est pas une bonne chose, mais dans ce cas c’est peut être un important mécanisme de défense pour Candida. Cette levure a appris à ignorer la bactérie. »

Cette étude a été publiée dans le journal PLoS Pathogens. Elle a été financée par les Instituts de recherche en santé du Canada, impliquant des chercheurs de toutes les disciplines – cliniciens, biologistes moléculaires, biologiste de l’évolution et bioinformaticiens.

Dr. Cowen continue la recherche sur l’impact des pathogènes fongiques sur les patients atteints de mucoviscidose, qui sont incapables d’évacuer les microbes par voie aérienne et souffrent de déficience fonctionnelle respiratoire. Aucun traitement n’est actuellement disponible pour cette maladie génétique mortelle.

Pour en savoir plus :
PLoS Pathogens : “Global Analysis of the Fungal Microbiome in Cystic Fibrosis Patients Reveals Loss of Function of the Transcriptional Repressor Nrg1 as a Mechanism of Pathogen Adaptation
PLoS Pathog 11(11) : e1005308. doi : 10.1371/journal.ppat.1005308
http://journals.plos.org/plospathogens/article?id=10.1371/journal.ppat.1005308#abstract0

Source :
Nouvelles de la faculté de médecine de l’Université de Toronto
http://medicine.utoronto.ca/news/u-t-research-sheds-new-light-mysterious-fungus-has-major-consequences-human-health

Rédacteur :
Sophie DECAMPS – Chargée de Mission pour la Science et la Technologie à Toronto – sophie.decamps[a]diplomatie.gouv.fr