Sommet de la recherche 2016 à Berlin

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Allemagne | Politiques de recherche, technologiques et universitaires
28 avril 2016

Le 12 avril 2016 a eu lieu à Berlin le sommet de la recherche allemande (Forschungsgipfel), en présence de la chancelière Angela Merkel ainsi que des principaux représentants du monde politique, universitaire, industriel et de la recherche, afin de parler des questions de politique de recherche sous l’angle de l’enjeu de la numérisation et des défis à relever par l’Allemagne dans ce domaine.

La chancelière a ouvert le sommet par un discours appelant à accueillir positivement la révolution numérique. En soulignant que "la bataille n’est pas encore gagnée", elle appelle à être réaliste quant aux possibilités de l’Allemagne et aux défis qu’il reste à relever en la matière, notamment celui d’identifier le positionnement de l’Allemagne dans les différents domaines du numérique : l’internet des objets ("Internet of Things", IoT), l’intelligence artificielle, les mégadonnées, les progrès en biologie synthétique, etc.

Mme Merkel a exhorté à considérer l’avenir avec positivité, en rappelant les progrès accomplis jusqu’à présent grâce à un système de financement de la recherche devenu plus performant grâce à l’objectif – presque atteint – de consacrer une part de 3% du PIB à la recherche. La chancelière estime que l’Allemagne se trouve en bonne position sur la problématique de l’usine du futur (« industrie 4.0 »), notamment en ce qui concerne l’utilisation du numérique dans la production, mais que les efforts allemands doivent se poursuivre. Elle a posé ouvertement la question de savoir si l’industrie dite "traditionnelle" peut s’en sortir seule ou est-ce qu’il est nécessaire d’y impliquer des spécialistes issus du monde de l’internet.

L’Allemagne ne possède en revanche pas ou peu d’entreprises spécialisées dans internet ni dans les logiciels, ce qui constitue un désavantage selon la chancelière, notamment en ce qui concerne le traitement des données issues du Big Data, qu’elle appelle d’ailleurs à ne pas voir d’un œil négatif, tout en rappelant l’importance de la protection des données personnelles.

La chancelière souhaite également que l’Allemagne devienne un lieu plus attractif pour les start-ups, en citant Londres et Paris comme exemples en la matière. Elle souligne, de plus, l’importance capitale de l’implication des PME, "colonne vertébrale de l’industrie allemande", dans le processus de numérisation, qui n’est pas encore effective.

Les progrès en matière de robotique vont amener non plus uniquement l’industrie, mais aussi tout citoyen, à être quotidiennement au contact de machines intelligentes. Le développement des relations homme-machine va amener la société à changer d’état d’esprit sur cette question et à une mutation du monde du travail, puisque la plupart des travaux de routine pourront être pris en charge par des machines, et que de nouvelles compétences devront être développées.

C’est pourquoi la chancelière appelle à mettre dès aujourd’hui l’accent sur la formation, plaidant pour une meilleure promotion des filières scientifiques et pour un taux de féminisation croissant de celles-ci. Elle met également en exergue l’importance de la formation continue des professeurs, afin qu’ils restent en phase avec les progrès très rapide, notamment dans le domaine de l’informatique.

Tables rondes

Trois tables-rondes se sont tenues suite au discours de la chancelière, consacrée chacune à une thématique précise : la question des compétences, celle des modèles de coopération et enfin les conditions-cadres.

Compétences

Le thème de la formation a été largement abordé au cours de cette table-ronde. Timotheus Höttges, président-directeur général de Deutsche Telekom, a souligné le manque de compétence et de personnel qualifié dans le domaine des logiciels et de l’internet (Softwareingenieurs). Il a notamment posé la question de savoir si les cursus classiques allemands, tels que le génie mécanique, sont compatible avec la numérisation et s’il ne faudrait pas introduire une forte composante numérique dans ces filières. Les MOOCs (Massive Open Online Courses) sont souvent présentés comme une solution, mais leur efficacité réelle n’est pas encore établie, et ils ne peuvent pas encore se substituer aux formations classiques.

M. Höttges a exhorté l’Allemagne à se numériser davantage, rappelant le retard du pays en la matière, notamment au niveau des services publics (système de santé, démarches administratives en ligne). Cette question avait déjà été relevée dans l’édition 2016 du rapport de la commission d’experts sur la recherche et l’innovation (cf. ND 2016-019).

Christof Weinhardt, professeur à l’Institut technologique de Karlsruhe (Bade-Wurtemberg), a appellé à un internet plus sécurisé.

Modèle de coopération

Malte Brettel, professeur à l’Université technique d’Aix-la-Chapelle (RWTH – Rhénanie du Nord-Westphalie), a exprimé le souhait que l’Allemagne définisse clairement ses points forts au niveau national.

Timotheus Höttges a suggéré de recombiner les compétences allemandes déjà existantes (industrie automobile, mécanique) avec les nouvelles technologies, entre autre le développement de logiciels, et d’effectuer une transition du métier de programmeur à celui de développeur.

Il ressort enfin sur cette thématique que l’Allemagne est un pays très productif, mais pas assez orienté vers la clientèle et ses besoins, à l’inverse des États-Unis.

Conditions-cadre

Reinhold Achatz, directeur de la technologie, de l’innovation et du développement durable chez ThyssenKrupp, préconise de se concentrer sur les applications de la numérisation, notamment avec l’aide de l’Open Innovation (innovation participative).

Christian Heise, président de l’Open Knowledge Foundation Allemagne, est intervenu, au nom de la société civile, en faveur de l’Open Access (libre accès aux publications scientifiques).

Susanne Kunschert, à la tête de l’entreprise Pilz GmbH, cite les États-Unis comme un exemple d’acceptation des technologies par la société, principalement en raison de la culture de l’entreprenariat et de l’éducation : les principales innovations et disruptions dans le domaine du numérique ont étés faites par des "passionnés", et cette culture manque encore en Allemagne.

Une meilleure harmonisation du système encadrant le numérique à l’échelle européenne est également prôné.

Source : Présence de la rédactrice au sommet

Rédactrice : Claire Speiser, claire.speiser[at]diplomatie.gouv.fr – www.science-allemagne.fr