Israël/Territoires palestiniens - Entretien d’Anne-Claire Legendre, porte-parole du ministère de l’Europe et des Affaires étrangères, avec "France24" (Paris, 28 novembre 2023)

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Q - Anne-Claire Legendre, merci d’avoir accepté notre invitation. On attend donc la libération de 10 otages ce soir. D’abord, savez-vous s’il y a des Français ?

R - Vous savez que ces négociations sont très complexes, donc on est toujours très prudents. Nous travaillons évidemment sans relâche à obtenir la libération de nos autres compatriotes qui sont soit disparus ou otages, aujourd’hui encore, dans la bande de Gaza. Ces contacts se poursuivent, à l’heure même, pour pouvoir travailler avec toutes les parties à leur libération.

Q - Donc là, vous ne pouvez pas nous dire, maintenant, s’il y a des Français qui seront libérés ce soir ou pas ?

R - Je ne peux pas vous dire, et vous savez quelle est la prudence que nous devons garder dans ces situations.

Q - Combien d’otages français reste-t-il sur place ? On parle de cinq, c’est cela ?

R - On parle de cinq personnes qui sont disparues ou otages. Vous savez que nous ne sommes pas, aujourd’hui, en capacité de dire exactement quelle est la situation de toutes ces personnes, d’où la prudence que nous avons aujourd’hui dans l’expression qui est la nôtre et les contacts que nous maintenons avec toutes les personnes. C’est un travail qui est vraiment mené sans relâche par la Ministre, le Président de la République, tous les services de l’État, pour obtenir clarté sur leur situation, et puis évidemment, pour obtenir leur libération.

Q - Est-ce que le Hamas, en fait… c’est sa stratégie, finalement, de jouer à chaque fois sur cette liste des otages ?

R - On voit bien aujourd’hui qu’ils sont dans une logique de donnant-donnant, d’être dans ces échanges d’otages pour pouvoir obtenir une prolongation de la trêve et pouvoir obtenir évidemment des libérations de prisonniers palestiniens de l’autre côté. Notre appel à nous, c’est de demander une trêve qui soit durable, et nous avons besoin d’une trêve durable pour plusieurs choses. Tout d’abord, pour obtenir la libération de tous les otages, les nôtres, mais évidemment, tous ceux qui restent aujourd’hui aux mains du Hamas ou des autres groupes dans la bande de Gaza. Mais aussi pour permettre, vous l’indiquiez, une aide humanitaire, qui est absolument essentielle et dont on sait qu’elle reste, aujourd’hui, insuffisante pour apporter tout le soutien nécessaire à la population de Gaza.

Q - Quand vous dites trêve durable, ça veut dire cessez-le-feu ?

R - C’est une trêve durable qui doit pouvoir, et c’est les mots qu’ont utilisés et le Président de la République et la Ministre depuis maintenant plusieurs semaines, mener à un cessez-le-feu. Nous savons que la seule voie de sortie de cette crise est une solution politique, il faut pouvoir y travailler. Évidemment, cela passe par l’établissement d’un cessez-le-feu.

Q - Cessez-le-feu, ça veut dire qu’il faudrait qu’Israël accepte de ne plus se battre et que le Hamas accepte aussi de ne plus combattre. C’est ça le cessez-le-feu, pour être clair ?

R - C’est une cessation des combats des deux parties.

Q - Avant, justement, discussion sur l’après ?

R - Bien sûr. Vous savez que nous avons été très clairs. Nous avons réitéré depuis le début le droit d’Israël à se défendre. Ce droit d’Israël, nous avons aussi réitéré depuis le début qu’il devait s’inscrire dans le droit humanitaire international, que les civils devaient être protégés. Aujourd’hui, nous avons une trêve, c’est une lueur d’espoir, lueur d’espoir qui dure depuis quatre jours, qui…

Q - Fragile, en plus, puisqu’aujourd’hui les deux parties s’accusent de violation, de violer cette trêve…

R - Fragile. Par ailleurs, les risques d’escalade dans la région restent toujours importants. Il nous faut pouvoir avancer sur cette base, aujourd’hui, ouvrir des nouveaux horizons, et réouvrir cette question politique qui est aujourd’hui au cœur de ce conflit.

Q - Sur l’aide humanitaire, la France a envoyé un hélicoptère, le Dixmude, pour traiter des enfants blessés. Où en est-on ? Et le navire amiral également, vous pouvez nous dire un peu où on en est ?

R - C’est un porte-hélicoptère, le Dixmude qui a accosté à El-Arich, en Egypte, il y a maintenant plus de deux jours. Il y a aujourd’hui des blessés qui sont traités sur le Dixmude, et nous avons fait tout un travail, notamment avec les équipes du centre de crise et de soutien du ministère de l’Europe et des affaires étrangères, pour nous intégrer dans la chaîne de traitement des blessés des autorités égyptiennes, qui font un travail remarquable sur le terrain.

Q - Ça concerne combien de civils, de malades ?

R - C’est un processus qui rentre en mise en œuvre, donc on est au début de ce flux. L’objectif, c’est de pouvoir appuyer tous les efforts des autorités égyptiennes sur ce sujet, et de pouvoir aussi, puisque ce n’est pas le seul effort que nous menons dans le cadre de cet effort sanitaire et médical, cela permet aussi de pouvoir aider aujourd’hui les hôpitaux de campagne. Vous savez que la Jordanie, mais aussi les Émirats, ont ouvert des hôpitaux de campagne dans la bande de Gaza, s’agissant de la Jordanie. Nous les appuyons à la fois en termes de financement mais aussi d’équipements médicaux dont ils ont besoin pour mener les soins sur le terrain.

Q - Un mot sur le navire amiral ?

R - Ce navire amiral, c’est le Dixmude que vous évoquez.

Q - C’est le même en fait.

R - Le Dixmude, il est aujourd’hui à El-Arish en Égypte.

Q - Il est donc arrivé en Égypte. Pour l’après, vous disiez il y a un instant que vous parliez justement de processus de paix. Joe Biden a décrit une feuille de route assez claire dans le Washington Post : il parle de deux États, des territoires palestiniens qui sont réunis sous une Autorité palestinienne revitalisée, il a menacé de sanctionner les colons israéliens. Est-ce que la France est sur cette ligne ?

R - Nous avons été extrêmement clairs sur la question de la Cisjordanie. Nous voyons un risque d’escalade en Cisjordanie. Nous avons condamné la violence des colons israéliens contre les Palestiniens et nous avons appelé très clairement les autorités israéliennes à y mettre un terme, mais aussi à poursuivre…

Q - La France serait prête à menacer de sanctions les colons israéliens ?

R - Nous n’excluons pas ces options et nous en discutons avec nos partenaires. Mais plus généralement, sur la solution politique, notre position, elle est très claire : évidemment, qu’il faut deux États. Nous savons que la sécurité d’Israël ne sera pas assurée tant qu’il n’y aura pas la reconnaissance de l’aspiration légitime des Palestiniens ; et de l’autre côté, il faut pouvoir répondre aux garanties de sécurité et au droit d’Israël à vivre en sécurité et dans la paix. Ce travail-là, cela passe par une réflexion sur le jour d’après, et la nécessité pour la bande de Gaza d’être intégrée dans cette logique-là. Il n’y aura pas d’État palestinien sans Gaza. Et il faut, évidemment, que l’Autorité palestinienne puisse s’y retrouver.

Q - Donc c’est l’Autorité palestinienne qui reste l’interlocuteur et qui doit être revitalisée. Vous utiliseriez les mêmes mots que Joe Biden ?

R - La Ministre a utilisé ce terme-là.

Q - De revitalisation de l’Autorité palestinienne ?

R - Absolument, et il faut renforcer l’Autorité palestinienne, dont on sait qu’elle a été fragilisée…

Q - Mais avec qui, quel leader ?

R - … par différents facteurs. Le président Abbas est aujourd’hui toujours à sa tête. Le Président de la République a eu l’occasion de le rencontrer, de s’entretenir avec lui. Il faut travailler aujourd’hui avec l’Autorité palestinienne…

Q - Donc avec Mahmoud Abbas ?

R - Le Hamas ne représente pas les Palestiniens et ne représente pas la légitimité des aspirations des Palestiniens. Il faut pouvoir travailler à cela.

Q - Lorsque le Hamas est de plus en plus populaire pendant cette guerre, en l’occurrence en Cisjordanie, parce qu’il marque des points avec la libération des prisonniers palestiniens, comment on peut revitaliser l’Autorité palestinienne alors que le Hamas gagne des points ?

R - Il faut prouver qu’un horizon politique est possible. On voit bien que ce qu’essaye de prouver le Hamas, c’est qu’il y a une sortie que par la violence et par une violence qui est croissante, de plus en plus atroce, de plus en plus cruelle. Ce qu’il faut prouver aujourd’hui à la région, c’est qu’il y a un vrai mouvement, un mouvement décisif, comme l’a dit le Président de la République, vers une perspective politique qui verra enfin les aspirations des deux peuples reconnues.

Q - Une dernière question : le Président Emmanuel Macron va donc à la COP28 jeudi, Ce sera aux Emirats. Est-ce qu’il va enchaîner avec un voyage au Proche-Orient ?

R - Je n’ai pas d’éléments à ce stade, mais il est évident que le Président de la République, allant dans la région, aura des entretiens à ce sujet.

Q - Merci beaucoup d’avoir été avec nous ce soir, Anne-Claire Legendre, porte-parole du Quai d’Orsay. Merci d’avoir fait l’ouverture de ce débat, on vous laisse partir, merci beaucoup.

R -
Merci beaucoup.