Discours de Stéphane Séjourné, ministre de l’Europe et des Affaires étrangères - Voeux au corps diplomatique (Quai d’Orsay, le 19 janvier 2024)

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Seul le prononcé fait foi

Mesdames et Monsieur les Ministres,
Monseigneur,
Madame la Secrétaire générale,
Mesdames les Ambassadrices, Messieurs les Ambassadeurs,
Mesdames et Messieurs,

Quel honneur de m’adresser à vous ce soir et de partager avec vous ma fierté d’être à la tête d’une diplomatie française engagée, passionnée, déterminée à trouver les voies d’un monde plus apaisé. Je suis le Ministre d’un ministère qui fait l’honneur de la France.

  • Parce que les hommes et les femmes qui le composent travaillent d’arrache-pied pour que nous nous comprenions mieux.
  • Parce que les hommes et les femmes qui le composent se relaient jour et nuit pour que la diplomatie change la vie des gens.
  • Parce que les hommes et les femmes qui le composent ont chevillée au corps l’idée que notre action compte et que le monde nous regarde.

Vous le savez bien, la France raffole des concepts et elle met un point d’honneur à les faire connaître. J’en ai souvent parlé avec le Président de la République et je peux vous confirmer ce soir que cela ne risque pas de changer.

Mais soyez sûrs aussi que le réel est notre boussole.

Le réel, c’est notre commun, ce sont nos vies, nos espoirs, nos conversations, notre planète aussi.

Mesdames et Messieurs les Ambassadrices et les Ambassadeurs, le réel est votre horizon et votre raison d’agir.

Je sais combien les agents du ministère que j’ai l’honneur de diriger sont attachés au service du public, en France et partout dans le monde.

Ils épaulent nos concitoyens, les conseillent dans leur vie quotidienne, les sortent parfois de situations difficiles – je veux saluer l’action exemplaire du Centre de crise et de soutien du Ministère et celle de la Direction des Français à l’étranger qui œuvrent au nom d’une diplomatie concrète. Le monde entier en salue l’efficacité et la force de frappe.

Les agents de ce ministère contribuent par leur action à négocier les contours d’un monde vivable. Ils le font avec vous, avec vos collègues, dans vos capitales,
dans les enceintes européennes et multilatérales.

Ils le font au nom de nos valeurs et d’un ordre international garant de la paix et de la stabilité.

Je sais, Mesdames et Messieurs les Ambassadrices et les Ambassadeurs, que vous œuvrez avec la même ardeur, pour vos concitoyens.
Tâchons de les convaincre encore davantage que la diplomatie est à leur service.
Trouvons ensemble les moyens pour peser plus encore sur le destin de nos nations et de nos peuples.

Nos échanges et nos rencontres n’ont au fond qu’un seul but : leur assurer la possibilité de vivre une vie décente, une vie libre et sûre.

Battons-nous collectivement pour la santé de la planète et pour la liberté et la sécurité du commerce !

Il faut nous mobiliser ensemble pour un monde porteur d’émancipation et d’opportunité, d’échanges et de progrès. Un monde qui protège nos populations, nos enfants en particulier et les plus vulnérables.

Un monde qui défende l’égalité des droits entre les femmes et les hommes. Je veux redire devant vous, ce soir, que la France poursuivra son engagement résolu en faveur d’une diplomatie féministe, au service des femmes et des filles.
Elles souffrent encore, en France comme dans le monde, de destins brimés, empêchés. Cela doit changer et mon ministère redoublera d’efforts pour y parvenir.

Et pour y parvenir, joignons nos forces, soyons créatifs. En bilatérale comme dans les enceintes multilatérales, mettons nos énergies en commun. Ma porte vous sera toujours ouverte.

Je souhaite entendre vos idées, lever les blocages inutiles, œuvrer très concrètement pour améliorer la vie de vos communautés et de vos diasporas.

Je serai à votre écoute pour que nos travaux soient une diplomatie en acte.

***

La France a toujours été aux côtés de celles et ceux qui en ont besoin. Nous poursuivrons cette mission, avec enthousiasme, avec détermination. La multiplication des crises rend cette tâche encore plus urgente. Dans un monde bousculé, qui perd ses repères, nous devons redoubler de vigilance et défendre les fondamentaux.

Depuis près de deux ans, la Russie piétine les principes garants de la stabilité du monde.

La laisser gagner, ce serait mettre en danger pour les décennies à venir la sécurité du continent européen, si chère à la France.

Soutenir l’Ukraine sur le plan diplomatique, économique, humanitaire et militaire restera, aussi longtemps que nécessaire, une priorité absolue pour notre pays. La Russie ne peut compter sur notre lassitude.

En décidant de l’ouverture des négociations d’adhésion à l’Union européenne, le Conseil européen de décembre a adressé un message d’espoir à l’Ukraine et au peuple ukrainien, mais aussi un signal de confiance.
Je veux dire ici à l’Ukraine : Nous avons confiance dans l’avenir de ce pays martyrisé. L’Ukraine doit rester debout, libre et souveraine. Elle s’inscrit dans un avenir européen.

Cette confiance, l’Ukraine a su la gagner : le courage de ses soldats a permis de briser le blocus en mer Noire et fait reculer l’armée russe. La résilience de la population ukrainienne a permis de mettre en œuvre des réformes ambitieuses. Nous continuerons à accompagner ce chemin.

Laisser la Russie gagner, ce serait accepter que de telles violations du droit international se reproduisent ailleurs.

L’agression russe est illégale et injustifiée. Elle menace d’entraîner avec elle l’ordre international que nous avons patiemment bâti depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale.

Dans cet ordre, le droit prime sur la force. C’est pour cela que soutenir l’Ukraine est une bataille existentielle.

Je sais que certains de nos partenaires ont parfois des doutes.

La guerre en Ukraine serait une affaire d’Européens, une affaire « occidentale ». J’entends ces critiques mais je les récuse.
La Russie ne doit pas gagner cette guerre parce que ce serait la victoire de la force sur le droit.
La Russie ne doit pas gagner cette guerre parce que ce serait le triomphe du chaos sur la paix.

Quand nous aidons l’Ukraine à assurer la légitime défense de sa souveraineté et de son intégrité territoriales, nous défendons ces principes dans le monde entier.

La France continuera partout à défendre la souveraineté des Etats et à protéger les peuples. C’est son engagement historique, sa voix singulière.

Depuis le 7 octobre et l’attaque terroriste atroce commise par le Hamas sur le sol d’Israël, le Proche-Orient est à nouveau déstabilisé. De trop nombreux civils perdent la vie. Depuis le premier jour, la France fait tout pour qu’un chemin vers une paix durable soit possible.

Cela implique d’abord de lutter contre le terrorisme.

La France a été touchée en plein cœur : dans son entreprise de terreur, le Hamas a tué 41 de nos compatriotes.
3 de nos ressortissants sont encore disparus ou retenus en otages. Mes pensées vont ce soir pour leurs proches.

Je veux le redire ici avec fermeté : tous les otages doivent être libérés immédiatement et sans condition. Le Hamas doit être mis hors d’état de nuire : nous poursuivons notre action, avec nos partenaires européens, pour sanctionner ses membres.

Nous continuerons aussi de marteler qu’un cessez-le-feu est absolument nécessaire pour Gaza. La situation humanitaire des Gazaoui est tragique. Ils peuvent à peine se nourrir, se soigner. Ils manquent de tout. Nous poursuivons nos efforts pour venir en aide à la population civile de Gaza.

La coordination avec l’ensemble de nos partenaires est essentielle pour y parvenir ; nous la souhaitons toujours plus étroite. A ce jour, la France a livré plus de 1000 tonnes de fret humanitaire. Des médicaments sont actuellement en route vers Gaza. Notre action est concrète : nous n’abandonnerons pas les Gazaoui. Nous le faisons avec nos partenaires dans la région, à commencer par la Jordanie et l’Egypte. Je salue leur rôle.

Pour trouver un chemin vers une paix durable, nous devons promouvoir , avec détermination et constance, la solution à deux Etats : c’est la seule voie possible pour une paix juste et durable au Proche-Orient, la seule solution crédible pour répondre aux aspirations légitimes des Israéliens comme des Palestiniens à la paix et à la sécurité.

Pour notre part, nous disons clairement à Israël qu’il ne lui revient pas de décider où et comment les Palestiniens doivent vivre sur leurs terres. Et nous disons aussi que la violence contre les civils, particulièrement celle des colons, doit cesser.

La France ne ménagera aucun effort pour empêcher une extension du conflit. Tous les acteurs régionaux doivent faire preuve de retenue.

Personne n’a intérêt à l’escalade, ni au Sud Liban ni ailleurs dans la région.

La situation nous préoccupe particulièrement en mer Rouge. La France condamne fermement les attaques menées par les Houthis. Elles mettent en péril la sécurité des navires commerciaux. Elles entravent notre liberté collective, celle de commercer en paix : c’est inacceptable.

Cette liberté doit être garantie et nous prendrons les mesures qui s’imposent.

La montée des tensions dans la région est extrêmement inquiétante. Dans ce monde au bord du chaos, l’Iran se trouve aujourd’hui à la croisée des chemins. Un pas de plus et ce serait l’embrasement.

Dans le Sud Caucase, nous continuerons notre soutien à l’Arménie. L’Arménie et l’Azerbaïdjan doivent trouver enfin la paix. Une paix juste et durable fondée sur le respect du droit international et de l’intégrité territoriale des deux Etats.
Les populations de cette région doivent pouvoir vivre dignement. Elles doivent pouvoir vivre dans le respect de leur mémoire, de leur histoire et de leur culture.

De l’autre côté de l’Atlantique aussi, le monde est bousculé. Au cœur des tensions entre le Venezuela et le Guyana, un différend territorial menace les principes de la souveraineté et de l’intégrité territoriale. La France a clairement exprimé son soutien à la souveraineté et à l’intégrité territoriale du Guyana et à un règlement pacifique de ce différend.

En Amérique du Sud comme ailleurs, la Cour Internationale de Justice est compétente et elle a notre plein soutien.

Sur le continent africain, la France restera engagée pour aider à résoudre les crises. Elle le sera en soutien aux organisations régionales africaines.
Dans l’Est de la RDC, la France est prête à aider les efforts de la région en faveur d’un processus de paix durable.
Au Soudan, les populations civiles payent le tribut insupportable d’une crise qui dure depuis bientôt 10 mois.
Nous continuons d’agir pour que les armes se taisent.
Nous continuons d’acheminer de l’aide humanitaire.
Les populations civiles en ont cruellement besoin.
Nous continuons enfin de peser de tout notre poids pour relancer le processus de transition démocratique : le peuple soudanais y a droit.

La fracturation menace notre monde et notre diplomatie est sur tous les fronts, au service des populations civiles, de leur souveraineté, de leurs droits.

***

Pour agir au service de nos peuples, nous devons œuvrer pour bâtir un monde vivable. Car quel est le sens de l’action diplomatique si nous manquons le défi du climat ?

L’année 2023 a battu le plus effrayant des records : il n’a jamais fait aussi chaud à la surface de la planète.

Quant aux forêts et aux océans, ces grands puits de carbones, ils n’ont jamais été aussi menacés.

La France a signé des partenariats pour protéger les forêts avec plusieurs pays, comme le Congo ou la Papouasie-Nouvelle Guinée. Nous continuerons à mener cette bataille, par exemple en 2025, en accueillant la Conférence de Nice sur les océans.

Notre diplomatie agit.

Continuons d’inventer ensemble des solutions efficaces et adaptées. Je veux le dire très directement : notre pays montre l’exemple, il peut en être fier.
Notre mix énergétique est très largement décarboné.
Nous avons joué un rôle important

  • pour obtenir un résultat à Dubaï lors de la COP,
  • pour dessiner enfin la sortie des énergies fossiles, du charbon et du pétrole,
  • pour aller vers le doublement des énergies renouvelables.

La France est aussi exemplaire pour lutter contre le changement climatique dans les pays en développement, en y contribuant à hauteur de 7,6 milliards d’euros.
C’est essentiel. D’autres bailleurs doivent suivre.

C’est sur ce terrain aussi que se joue le combat contre la fracturation du monde. Le combat environnemental est aussi celui de la solidarité entre les peuples.
Certains voudraient dresser entre le Nord et le Sud des frontières artificielles.

Mais regardons les faits. La France invente de nouveaux modèles de partenariats. Elle rend possible de nouvelles alliances, destinées à agir concrètement contre les menaces globales qui pèsent sur le monde. Le Président de la République a ainsi pris l’initiative du sommet des 22 et 23 juin et nous continuerons de promouvoir le « 4P » :

  • le « 4P », ce n’est pas une marque française,
  • mais un accélérateur des financements, publics, privés et des réductions de dettes.
  • Celles-ci deviennent insoutenables pour beaucoup de partenaires du Sud, nous le savons et nous agissons.

La défense du climat est devenue un objet central de notre diplomatie : l’avenir de l’humanité est en jeu.
Vous pouvez d’ores et déjà le dire à vos autorités : j’évoquerai systématiquement cette question lors de nos entretiens. Je suis persuadé qu’il en va de notre sécurité et de notre survie.

La France ne s’arrêtera pas.
Après le Traité international pour la protection de la haute mer et de la biodiversité marine (BBNJ) et l’accord sur la biodiversité.
Pollution plastique, nutrition, accès à l’eau, notre diplomatie s’attèlera encore cette année à améliorer la vie quotidienne des gens.

Le sommet que nous organiserons à New York, avec le Kazakhstan, en septembre prochain, sera un rendez-vous important sur ces sujets. Nous achèverons en 2024 d’élaborer notre stratégie climat. Notre détermination est totale.

Nous avons subi collectivement les effets terribles de la pandémie de Covid-19 : nous devons en tirer les leçons, avec lucidité, et se doter de nouvelles règles en la matière en portant le Traité sur les pandémies. Il en va de la santé de nos concitoyens.

Pour réduire les inégalités, la France continue à aider ses partenaires en développement. Notre effort est constant depuis 2017 et nous sommes désormais le 4e contributeur mondial à l’aide au développement.

Les déplacements du Président de la République dans le Pacifique, au Sri Lanka,
en Mongolie ou encore au Bangladesh ; les déplacements de Mme Colonna en Inde, en Australie, en Corée, au Japon, nous ont permis de rappeler ce fait : notre approche est singulière et notre engagement dans la région se renforce, au profit de nos territoires et des pays partenaires.

Il en va de même dans les pays africains, qui doivent jouer un rôle encore plus grand dans la gestion des grands enjeux mondiaux. L’Union africaine a intégré le G20 cette année, une première et belle victoire.
Allons plus loin, au Conseil de sécurité et plus largement dans la réforme de la gouvernance mondiale.

Nos efforts diplomatiques permettent de soutenir en particulier le dynamisme des sociétés civiles, des créateurs et des entrepreneurs sur le continent. Là encore, une diplomatie porteuse d’opportunités, de progrès.
Nos diasporas franco-africaines sont aussi une chance pour renouveler nos relations, dans un esprit gagnant-gagnant, conscient de la complexité du passé, mais résolument tourné vers l’avenir.

Je voudrais pour terminer, si vous me le permettez, formuler quelques vœux pour l’avenir. Jacques Delors et Wolfgang Schaüble nous ont quittés il y a peu de temps.

Aux Européens dont je suis, ils laissent en héritage une œuvre politique et beaucoup de promesses.

En février 2022, l’Union européenne a pris la mesure du séisme géostratégique provoqué par l’agression russe lancée contre l’Ukraine.

Celle-ci laissera des traces durables sur notre continent. Nous devons ensemble convaincre davantage nos concitoyens du tournant géopolitique pris par l’Union européenne. Et nous avons pour tâche de leur garantir qu’ils pourront continuer à vivre en paix et en sécurité.

Cela veut dire : renforcer nos frontières, investir en commun et devenir plus autonome.

L’Europe puissance, c’est une Europe forte qui protège nos citoyens. C’est une Europe qui, au nom de son idéal, se préoccupe du réel. La diplomatie en Europe, c’est

  • la maîtrise des prix de l’énergie,
  • la régulation des géants du numérique,
  • la protection de l’enfance,
  • le contrôle des flux migratoires,
  • l’investissement dans l’avenir, pour les générations futures.

Dans un monde en crise, dans un monde confus, risqué, l’Europe est une promesse de solidité et de confiance.

C’est l’idéal et le réel à la fois. Et je pense que Jacques Delors s’y retrouverait bien.

Mesdames et Messieurs, la France fera rayonner toutes ces valeurs en 2024 en organisant les Jeux Olympiques et Paralympiques : des Jeux ouverts. Vous pouvez compter sur mon engagement et celui de l’ensemble des services de l’Etat pour accueillir au mieux vos chefs d’Etat et de gouvernement, les délégations de vos pays ainsi que vos concitoyens qui souhaiteront assister aux épreuves sportives.
Nous œuvrerons également avec vous pour accueillir les commémorations du Débarquement, le Sommet pour la Francophonie.

La France sera en 2024 l’endroit où le monde se retrouve. J’espère que le monde retrouvera à cette occasion, enfin, l’esprit de fraternité. Il doit nous guider, ne serait-ce qu’un moment.

Mesdames et Messieurs, je vous présente donc, pour 2024, mes meilleurs vœux d’action et d’engagement. Je souhaite que nous puissions partager nos outils et mettre en commun nos forces pour continuer à changer la vie des peuples et préserver la paix et la stabilité dans le monde. C’est notre devoir et c’est la conviction profonde de la France.

Je vous remercie.