Relier : hier, aujourd’hui, demain

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La reliure, comme la numérisation, intervient dans la chaîne de sauvegarde et de valorisation du patrimoine écrit.

Aux Archives

La pratique consistant à relier les documents après classement est liée aux origines des Archives du ministère des Affaires étrangères et constitue une caractéristique majeure de leurs fonds du XVIIe au XXe siècle.

Charles Colbert de Croissy puis son fils Jean-Baptiste Colbert de Torcy, secrétaires d’État des Affaires étrangères de 1679 à 1715, font relier la correspondance de leur ministère dans des volumes couverts de maroquin rouge du Levant, sur lesquels sont apposées leurs armoiries familiales. A leur suite, les volumes de correspondance s’accumulent, couverts le plus souvent de veau ou de chagrin, revêtus des armes et emblèmes des régimes successifs.

Du XVIIe siècle à 1896, la série Correspondance politique, ne représente pas moins de 14 247 volumes. Au cours du XXe siècle, jusqu’aux années 1970, la pratique de la reliure est poursuivie, suivant des procédés de plus en plus économiques.

Sa préservation nécessite aussi bien des mesures préventives (notamment le microfilmage et la numérisation), que des travaux de restauration.

Comme en administration centrale, la pratique de la reliure de la correspondance était courante, sinon générale, dans les postes à l’étranger. Ce travail pouvait être exécuté par le relieur attitré du ministère à Paris, ou sur place : elle empruntait alors des pratiques issues de quatre coins du monde.

La reliure des volumes de St-Pétersbourg en 1869

Un échange de dépêches entre le Département des Affaires étrangères et l’ambassadeur à St-Pétersbourg en 1869 nous renseigne sur la reliure de la correspondance du poste.

L’ambassadeur écrit le 12 janvier : « Les archives de l’ambassade n’ont pas été reliées depuis 1856 et un plus long retard dans l’exécution de la reliure peut mettre en grand danger la collection des dépêches au moment surtout où la chancellerie va être appelée à déménager par suite de la fin du bail de l’hôtel. » ; le 15 mars il indique comment il envisage de procéder : « J’avais eu soin de me préoccuper avant tout de la manière d’assurer le secret de cette opération (…). Un ouvrier ne sachant que le russe ou l’allemand doit venir à l’ambassade pendant les heures de la chancellerie et, dans ce local même, travailler à la reliure des volumes, sans déplacement d’aucune des pièces et sous la surveillance permanente d’un des membres de l’ambassade. Dans ces conditions aucune indiscrétion n’est possible. »

Solution que le Département refusa, préférant que les documents soit envoyés en France pour être reliés sur place, puis renvoyés en Russie : « Les archives de mon ministère sont en effet outillées pour ce genre de travail. Un relieur y est établi dans un atelier permanent depuis de longues années. C’est un homme de confiance et qui a la grande habitude de cette besogne dont il est spécialement et uniquement chargé. »

A côté de la restauration des reliures anciennes, la reliure aux Archives diplomatiques concerne aujourd’hui les registres d’état civil consulaire, étape obligatoire à la fin de chaque année selon les termes de l’Instruction générale relative à l’état civil consulaire. Les consulats français à l’étranger font, dans la mesure du possible, relier sur place leurs registres.

Ce n’est qu’en cas d’impossibilité matérielle d’obtenir une reliure conforme au cahier des charges imposé que ce travail est effectué à l’atelier du Centre des Archives diplomatiques de Nantes. Chaque année, celui-ci façonne et titre entre 100 et 150 reliures.

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Une étape de la reliure d’un registre d’état civil contemporain : couture à doubles rubans sur le cousoir. Photo : cliché A. Brossard

A la Bibliothèque

La reliure participe à la conservation des ouvrages. Elle doit donc être entretenue et remise en état, ou réalisée, quand elle s’avère utile et ne peut être remplacée par un conditionnement.

A la bibliothèque, la reliure a tout d’abord concerné principalement deux types de publications :

  • les publications en série (périodiques, collections de rapports et d’annuaires,…),
  • les mélanges factices.

Dès l’Ancien Régime, on relie la Gazette de France en faisant parfois graver sur les plats des volumes les armes des secrétaires d’état aux Affaires étrangères.

Au XIXe siècle, on réunit des ouvrages et des brochures en tenant compte de leur sujet. Cette pratique perdure jusqu’à l’entre-deux-guerres.

Les volumes portant une marque sur la reliure identifiant sans ambiguïté leur appartenance au Ministère sont donc légion sur les rayonnages de la bibliothèque.

A présent, lorsqu’une nouvelle reliure est offerte à un ouvrage, trois critères principaux prévalent :

  • tous les éléments extraits du document (défets), qu’il soit ancien ou non, sont conservés. Ils seront soit remontés en lieu et place, soit conservés à part de l’ouvrage,
  • une reliure de remplacement est destinée à protéger le document sans chercher à reconstituer à l’identique la reliure qui existait auparavant,
  • les publications disponibles en libre accès doivent être solides et résister à une consultation fréquente.

Ces travaux de reliure sont majoritairement confiés à des ateliers externes.

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Quelques reliures de la Bibliothèque